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Les différences idéologiques compliquent les accords d'association
5e Sommet UE - Amérique latine : pieuse Déclaration de Lima
LIMA, samedi 17 mai 2008 (LatinReporters.com) - Ambitieuse? Non, plutôt pieuse, la Déclaration de Lima qui a clôturé vendredi dans la capitale du Pérou le 5e sommet Union européenne - Amérique latine et Caraïbes (UE-ALC). Pieuse, généreuse et irréelle comme la Bible. La Sainte Europe ne reconnaît pas encore qu'une guerre idéologique empêche d'imposer du Rio Bravo à la Terre de Feu l'évangile eurocommunautaire de libre commerce, même saupoudré de psaumes sociaux. "Répondre ensemble aux préoccupations prioritaires de nos populations" est l'ambition générique de la Déclaration de Lima. Les priorités retenues sont "l'éradication [sic] de la pauvreté, des inégalités et de l'exclusion", assurer le "développement durable" et les besoins en énergie, ainsi que parer aux "changements climatiques" et à la crise alimentaire. Pour atteindre ces nobles objectifs, on ne décèle, à la lecture des 21 pages de la Déclaration, que futures réunions d'experts, prochaines conférences ministérielles, créations de nouveaux organismes et participation aux instances ad hoc des Nations unies. Bref, l'élargissement pour hauts fonctionnaires surpayés d'un Disneyland administratif où pauvreté et crise alimentaire sont éradiquées depuis toujours. En la matière, l'Union européenne n'a jamais manqué d'expérience. Selon un calcul poujadiste de la société A2G Carbon Partners, une contribution au réchauffement planétaire de 11.000 tonnes de dioxyde de carbone est attribuable aux déplacements en avion et limousine et à la climatisation des hôtels et salles de conférence des quelque 3.000 participants au sommet, présidents, ministres, conseillers, experts, chefs d'entreprises, journalistes, techniciens, policiers, danseuses, etc. Vu le nombre de prochains sous-sommets annoncés par la Déclaration de Lima, le programme "EUrocLIMA" [resic] dont elle parle ne fera pas grelotter les 60 pays UE-ALC. Plus sérieusement et conformément à la philosophie d'Européens gavés par une enviable économie sociale de marché, la Déclaration de Lima réaffirme que "le commerce est un moteur de croissance, du développement durable et de la réduction de la pauvreté". S'il convient de "minimiser l'impact social négatif de la mondialisation" ("globalisation" dit plus crûment la version originale en espagnol), celle-ci n'est nullement diabolisée. Mais à peine avait-il souscrit à la Déclaration, y compris à ce coup de chapeau implicite au libre commerce, que l'Amérindien Evo Morales, président socialiste d'une Bolivie qu'il veut aussi bolivarienne que le Venezuela de Hugo Chavez, s'en allait clamer au Sommet alternatif des peuples, réuni aussi à Lima, que "la seule façon d'en finir avec la pauvreté et de rétablir la justice est de liquider le modèle libéral et capitaliste". L'anecdote est significative. La Bolivie d'Evo Morales, comme l'Equateur du socialiste radical Rafael Correa, appartient à la Communauté andine, qui négocie un accord d'association avec l'UE. Les deux autres pays de la Communauté andine, Colombie et Pérou, piaffent d'impatience pour conclure et accéder librement aux 500 millions de consommateurs du Vieux continent. Mais Morales et Correa freinent. Le président bolivien revendique explicitement un "commerce des peuples", soit le troc entre entités publiques instauré au sein de l'ALBA (Alternative bolivarienne pour l'Amérique latine) que forment le Venezuela, Cuba, le Nicaragua et la Bolivie. L'association avec la Communauté andine, avec les pays d'Amérique centrale et avec le Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay et bientôt le Venezuela) sont les trois grands chantiers ouverts par l'Union européenne dans le cadre des sommets UE-ALC. Mais le Nicaragua sandiniste et le Venezuela de Hugo Chavez seront pour leur groupe régional respectif le même frein idéologique que la Bolivie et l'Equateur pour la Communauté andine. "Le commerce ne peut pas réguler la vie des gens. C'est lui qui produit la misère et l'inégalité" déclarait vendredi Hugo Chavez dans la capitale péruvienne. La veille, un rapport présenté à Bogota par le secrétaire général d'Interpol, internationale policière de 186 pays, confirmait l'appui politique, militaire et financier de Chavez à la guérilla marxiste des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie). Ingrid Betancourt, l'une des quelque 800 otages des FARC, est séquestrée depuis plus de six ans par cette organisation considérée comme terroriste par les 27 pays de l'UE. La Déclaration de Lima maintient pourtant le principe d'une négociation de l'UE avec les trois blocs régionaux et non avec des pays particuliers. Mais les accords d'association de l'UE avec le Mexique et le Chili existent. Ces deux précédents et des commentaires émis cette semaine à Lima par la chancelière allemande Angela Merkel et à Bogota par l'Espagnol Javier Solana, chef d'orchestre de la diplomatie eurocommunautaire, donnent au Pérou et à la Colombie l'espoir de s'associer à l'Europe sans dépendre des états d'âme équatoriano-boliviens. Sur un plan plus général, de même qu'au siècle dernier s'imposa longtemps la réalité d'une Europe occidentale séparée de l'Europe de l'Est collectiviste, l'UE devra sans doute admettre qu'il est vain de vouloir inclure dans des accords d'association se voulant aussi politiques, car basés sur certains paramètres socio-économiques et démocratiques, des pays latino-américains engagés sur un autre chemin. Si le socialisme dit bolivarien n'est pas le communisme castriste, il penche néanmoins nettement plus vers lui que vers la social-démocratie européenne. Auteur: Le Bavard Latino © LatinReporters.com - Amérique latine - Espagne
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