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Messages compromettants dans les ordinateurs de la guérilla
Colombie - Espagne : liens présumés FARC-ETA sous enquête à Madrid
par Christian Galloy MADRID / BOGOTA, mercredi 4 juin 2008 (LatinReporters.com) - Annonçant l'ouverture d'une enquête, le tribunal espagnol de l'Audience nationale, dont relèvent les dossiers de terrorisme, a sollicité le 2 juin de la justice colombienne toute l'information disponible sur les liens présumés entre l'organisation indépendantiste basque ETA (Euskadi ta Askatasuna; le Pays basque et sa liberté) et la guérilla colombienne des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie). Les autorités colombiennes, en particulier le ministre de la Défense, Juan Manuel Santos, avaient dénoncé fin mai l'existence de liens entre l'ETA et les FARC. Ces deux organisations sont considérées officiellement comme terroristes par l'Union européenne, les Etats-Unis et la Colombie. Selon Bogota, des messages remontant à 2002 et 2003 retrouvés dans les ordinateurs de Raul Reyes, nº2 des FARC abattu par l'armée le 1er mars 2008, mentionnent la formation de membres de l'ETA à des techniques terroristes dans des camps de la guérilla. Dans ces messages, les FARC envisageaient en outre une collaboration avec "les amis de l'ETA" en Espagne et dans d'autres pays européens pour organiser des attentats visant notamment le vice-président colombien Francisco Santos, l'ex-président Andres Pastrana et l'ex-candidate présidentielle Noemi Sanin, à l'époque ambassadrice à Madrid (actuellement à Londres). Raul Reyes et Alfonso Cano, aujourd'hui nouveau chef suprême des FARC, seraient parmi les signataires de ces messages. Le 16 mai dernier, Interpol, l'internationale policière regroupant 186 pays, affirmait après une longue analyse que les ordinateurs saisis dans le camp des FARC où fut abattu Raul Reyes appartenaient réellement à ce dernier et que leur contenu n'avait pas été altéré. L'appui financier et militaire du président vénézuélien Hugo Chavez aux FARC et les liens de la guérilla colombienne avec le président équatorien Rafael Correa seraient également, selon Bogota, révélés par ces ordinateurs. Interrogé le 3 juin par un journaliste sur les liens FARC-ETA, le président du gouvernement espagnol, le socialiste José Luis Rodriguez Zapatero, a répondu: "Il faut être prudent. On va évaluer... L'ETA est très méfiante dans tout ce qu'elle fait et elle travaille habituellement en solitaire". Autres indices Avant la diffusion de messages contenus dans les ordinateurs de Raul Reyes, des indices de liens entre l'ETA et les FARC existaient déjà. -En juin 2001, le secrétaire général d'Interpol, Ronald Kenneth Noble, relevait la similitude entre les attentats commis au Pays basque et un attentat meurtrier à l'explosif, attribué aux commandos urbains des FARC, qui venait d'être perpétré à Bogota. -En janvier 2008, des artificiers déserteurs des FARC déclaraient au quotidien colombien El Tiempo que sept membres de l'ETA, arrivés fin 2001 dans le département du Tolima sous le couvert d'une ONG, formèrent des guérilleros au maniement de certains explosifs. Cette collaboration se serait poursuivie jusqu'en 2004. (1) -Le journal basque Gara, porte-parole habituel de l'ETA, publia une biographie dithyrambique du fondateur et chef historique des FARC, Manuel Marulanda, après la confirmation par la guérilla, le 25 mai 2008, de sa mort survenue le 26 mars. Dans un communiqué publié le 26 mai par l'agence ANNCOL, porte-parole officieuse des FARC, le parti indépendantiste basque Batasuna, bras politique de l'ETA, qualifiait Manuel Marulanda de "phare de l'éthique révolutionnaire", dont "nous enseignerons l'exemple à notre jeunesse". (2) -"Nous avons une solidarité spirituelle avec les compagnons de l'ETA" déclarait Pastor Alape, commandant régional des FARC, dans une interview diffusée en avril 2008 par ADN.TV. Il disait toutefois "n'avoir pas connaissance d'une relation fluide" entre guérilleros colombiens et séparatistes basques. Après la mort de Manuel Marulanda, Pastor Alape a été promu au rang de membre suppléant du secrétariat des FARC, le haut commandement collectif de la guérilla. (3) -Les médias espagnols notent régulièrement, depuis des années, la participation de sympathisants notoires de l'ETA aux réunions d'organisations satellites des FARC et, réciproquement, la présence de personnalités proches de la guérilla aux assemblées d'organisations liées au séparatisme basque le plus radical. Ces indices de liens présumés entre deux organisations pratiquant la lutte armée et se réclamant encore théoriquement du marxisme ne sont pas limitatifs. Information d'ordinateurs des FARC sollicitée par neuf pays Le procureur général colombien, Mario Iguaran, a indiqué que neuf pays (Espagne, Chili, Brésil, Uruguay, Paraguay, Honduras, Costa Rica, Panama et Mexique) ont à ce jour sollicité officiellement des informations contenues dans les ordinateurs de Raul Reyes, l'ancien nº2 des FARC. Les ordinateurs, a précisé M. Iguaran, révèlent des liens entre la guérilla et des personnes de 15 pays. La justice française n'aurait pas, officiellement du moins, requis jusqu'à présent l'accès à ces informations. La France est pourtant concernée tant par l'ETA, très présente sur son territoire, que par l'ex-candidate présidentielle Ingrid Betancourt, otage des FARC depuis plus de six ans. La célèbre "Franco-Colombienne", dont la libération est présentée comme une affaire d'Etat par le président français Nicolas Sarkozy, est l'objet de nombreux messages des FARC contenus dans les ordinateurs de Raul Reyes.
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