Retour / BackLe précédent de 2005 laisse peu de place à l'optimisme Colombie / Betancourt : Uribe accepte une zone de rencontre avec les FARC pour échanger les otages
BOGOTA, vendredi 7 décembre 2007 (LatinReporters.com)
- Une "zone de rencontre" avec les FARC (Forces armées révolutionnaires
de Colombie) pour y "définir" sans armes "l'échange humanitaire"
d'otages de cette guérilla marxiste, dont Ingrid Betancourt, contre
des guérilleros emprisonnés a été acceptée
publiquement vendredi à Bogota par le président colombien Alvaro
Uribe.
Lors d'une cérémonie d'élévation au généralat
d'officiers de la Police nationale, M. Uribe a déclaré:
"L'Eglise catholique et la Commission nationale de conciliation nous
ont proposé une zone de rencontre [avec les FARC]. Le gouvernement
manifeste sa disposition à l'accepter en tenant compte de points importants.
Elle doit être d'environ 150 km [carrés], dans une zone
rurale où il n'y a pas de postes militaires ni policiers qu'il soit nécessaire
de déplacer, de préférence sans population civile ou
avec une population très réduite afin de ne pas créer
de risques pour la population civile.
Dans cette zone seraient présents des observateurs internationaux
et les personnes présentes là-bas pour définir l'échange
humanitaire ne devrait pas être armées.
J'ai autorisé le Commissaire [pour la paix], Dr Luis Carlos Restrepo,
à chercher avec la Conférence épiscopale de Colombie,
avec l'Eglise catholique, la manière de se réunir avec les FARC
et de trouver dans le cadre défini la zone [de rencontre]".
Le geste politique du président Uribe intervient au lendemain du
rappel, par l'Agence ANNCOL proche des FARC, de la principale exigence préalable
posée par la guérilla à un échange humanitaire,
à savoir la démilitarisation pendant 45 jours des municipalités
de Florida et de Pradera (sud-ouest de la Colombie) pour y négocier
l'échange. Le rappel d'ANNCOL répondait au message télévisé
du président français Nicolas Sarkozy, qui a appelé le
chef présumé des FARC, Manuel Marulanda, à libérer
Ingrid Betancourt avant Noël.
La zone démilitarisée exigée par les FARC, mais inlassablement
refusée par Bogota, et la zone de rencontre sans postes militaires
ni policiers et sans personnes armées acceptée par Alvaro Uribe
pourraient sembler compatibles, mais des différences tempèrent
l'optimisme.
D'abord, aux yeux des FARC, une zone démilitarisée n'est pas
une zone neutre. Seuls militaires et policiers devraient l'évacuer,
les guérilleros prétendant s'y maintenir. Par contre, la zone
de rencontre acceptée par le président colombien semble, elle,
réellement neutre, libre d'armes et de combattants des deux bords.
La superficie de la zone pose aussi problème. Avec les municipalités
de Florida et Pradera, les FARC exigent la démilitarisation de 800
km², alors qu'Alvaro Uribe parle d'une zone limitée à 150 km².
Et puis, surtout, quelque 111.000 Colombiens vivent à
Florida (61.521 habitants) et
Pradera (49.888 habitants).
Souvent oubliés ou volontairement ignorés ( * ) dans le dossier de l'échange
humanitaire, ces Colombiens redoutent une démilitarisation unilatérale qui les laisserait
aux mains de la seule guérilla et qui ferait d'eux des otages potentiels
des rebelles. Cette inquiétude explique que le président Uribe
souhaite une zone de rencontre "de préférence sans
population civile ou avec une population très réduite".
Par ailleurs, un précédent incite au pessimisme. En
décembre 2005,
l'Espagne, la Suisse et la France, alors présidée
par Jacques Chirac, proposaient au gouvernement colombien et aux FARC de
négocier, avec la garantie d'observateurs internationaux, l'échange
humanitaire dans une zone démilitarisée évacuée
par tous les combattants, donc neutre. La zone suggérée alors
était de 180 km² et se situait autour de la localité d'El Retiro,
dans la même région que Florida et Pradera.
Cette proposition avait été aussitôt acceptée
par le président Uribe. Les FARC dirent d'abord ne pas l'avoir reçue
officiellement, puis la refusèrent. Or, comme l'a remarqué Alvaro
Uribe lui-même, la zone de rencontre qu'il accepte aujourd'hui et celle
proposée en 2005 par les trois pays européens se ressemblent.
Aussi voit-on mal pourquoi la guérilla l'accepterait maintenant.
Dans une zone dont elles devraient se retirer aussi, les FARC ne pourraient
pas organiser, sous l'oeil des télévisions nationales et internationales,
les défilés massifs de guérilleros et les meetings politiques
qui, à leurs yeux, accréditaient leur image d'aspirant crédible
au pouvoir dans la vaste zone de 42.000 km² (la superficie de la Suisse)
que le prédécesseur d'Uribe, le président Andres Pastrana,
avait démilitarisée unilatéralement de 1998 à
2002 dans l'espoir vain d'y conclure la paix.
Pour l'heure, alors que les yeux du monde sont plus que jamais fixés
sur le calvaire d'Ingrid Betancourt et des autres séquestrés,
Alvaro Uribe pose un geste politiquement opportun en acceptant à nouveau
une zone de rencontre pour y réaliser l'échange humanitaire
d'otages des FARC contre des guérilleros emprisonnés. Un nouveau
refus de la guérilla risque de confirmer, là réside
peut-être en partie le calcul de Bogota, que les insurgés sont
moins intéressés par un échange humanitaire que par
les avantages politiques, militaires et médiatiques pouvant
découler, croient-ils, de la démilitarisation unilatérale
par le gouvernement colombien d'une zone de 800 km², vaste comme plus de sept fois
Paris intra-muros.
Avant de clamer devant les généraux de la Police nationale
son acceptation d'une zone de rencontre avec les FARC, le président
Uribe avait annoncé l'approbation d'une enveloppe de cent millions
de dollars pour récompenser les guérilleros qui déserteraient
en emmenant avec eux des otages vers la liberté.
Réaction de Nicolas Sarkozy : "UTILE ET POSITIF"
LISBONNE, dimanche 9 décembre 2007 - "Je veux dire combien,
à mes yeux, la proposition du Président [colombien] Uribe de
la création d'une zone de rencontre de 150 kilomètres [carrés]
non militarisée est utile et positive" a déclaré le
président français Nicolas Sarkozy.
En conférence de presse, le 9 décembre à Lisbonne à
l'issue du IIe Sommet UE-Afrique, M. Sarkozy, interrogé sur le sort
des otages de la guérilla colombienne des FARC, a ajouté, toujours
à propos de la zone de rencontre acceptée par Alvaro Uribe:
"Je vous rappelle que c'est ce que j'ai toujours demandé. Tout cela,
c'est une initiative positive et j'espère profondément que
les FARC répondront de façon constructive et sans attendre.
Je rappelle ma demande personnelle à Manuel Marulanda [chef présumé
des FARC]: qu'il relâche sans délai et pour des raisons humanitaires
une femme [Ingrid Betancourt] qui est à bout. On n'a pas de temps
à perdre."
A propos de sa rencontre avec le président vénézuélien
Hugo Chavez, le 20 novembre à Paris, Nicolas Sarkozy a estimé
que "pour le moins, cela n'a pas contrarié l'évolution positive
de la situation des FARC et de Mme Betancourt".
( * ) EXEMPLE - Yolanda Pulecio, mère d'Ingrid Betancourt: "Il n'y a aucun inconvénient
à démilitariser ces deux bourgades [Florida et Pradera], mais le Président [Uribe]
ne le veut pas." Journal colombien El Pais, chat du 8 février 2007.