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La guérilla attribue à une trahison la "fuite" d'Ingrid Betancourt
Colombie: les FARC ne réclament plus un territoire démilitarisé pour négocier
Rejet implicite de l'appel de Hugo Chavez à l'adieu aux armes

BOGOTA, vendredi 11 juillet 2008 (LatinReporters.com) - Dans son premier communiqué après la libération d'Ingrid Betancourt et de 14 autres otages qu'elle détenait, la guérilla colombienne des FARC y voit une "fuite" facilitée par une trahison interne. Les rebelles disent vouloir toujours conclure un accord humanitaire sur l'échange de prisonniers, mais sans plus mentionner leur préalable habituel de démilitarisation d'un territoire pour y négocier cet accord. Enfin, les FARC ignorent et même rejettent implicitement l'appel à l'adieu aux armes lancé par leur principal allié, le président Hugo Chavez du Venezuela.

Voici le texte intégral du communiqué du secrétariat de l'état-major central des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie). Daté du 5 juillet, il a été diffusé pour la première fois le 11 juillet par l'Agence bolivarienne de presse (ABP), porte-parole habituel des rebelles (traduction par LatinReporters du texte espagnol de l'ABP):

Communiqué

1. La fuite des 15 prisonniers de guerre, mercredi dernier 2 juillet, fut la conséquence directe de la conduite méprisable de César et Enrique, qui trahirent leur engagement révolutionnaire et la confiance déposée en eux.

2. Indépendamment d'un épisode comme celui survenu, inhérent à toute confrontation politique et militaire dans laquelle apparaissent victoires et revers, nous maintenons en vigueur notre politique pour concrétiser des accords humanitaires qui débouchent sur l'échange
[de prisonniers; ndlr] et protègent en outre la population civile des effets du conflit. En persistant dans la seule voie d'opérations de libération, le gouvernement doit assumer toutes les conséquences de sa décision téméraire et aventureuse.

3. La lutte pour libérer les nôtres et d'autres combattants politiques prisonniers sera toujours à l'ordre du jour dans l'ensemble des unités des FARC, spécialement de leur direction. Nous les portons tous dans l'esprit et le coeur.

4. Le chemin menant aux transformations révolutionnaires, nulle part au monde ni à aucun moment de l'histoire n'a été facile, bien au contraire, et pour cette raison notre engagement grandit face à chaque nouveau défi ou difficulté.

5. La paix dont a besoin la Colombie doit être le résultat d'accords qui bénéficient à la majorité, non la paix des tombeaux s'appuyant sur la corruption, la terreur de l'Etat, la félonie et la trahison. Les causes pour lesquelles luttent les FARC restent vives, le présent est fait de lutte et le futur nous appartient.

Secrétariat de l'état-major central des FARC-EP
Montagnes de Colombie, 5 juillet 2008.


Analyse et commentaires

  • La libération par l'armée colombienne, le 2 juillet, de 15 otages (Ingrid Betancourt, trois Américains et 11 militaires et policiers colombiens) ne serait donc, selon les FARC, qu'une "fuite" imputable à la trahison de deux de leurs chefs locaux responsables de la garde de ces otages, Gerardo Aguilar, alias César, et son lieutenant Alexander Farfan, alias Enrique Gafas. Des médias ont prétendu que ces deux guérilleros, actuellement incarcérés à Bogota et risquant l'extradition vers les Etats-Unis, auraient été retournés par 20 millions de dollars offerts par le gouvernement colombien. Le président Alvaro Uribe et ses ministres ont démenti. Ils maintiennent que la libération des otages fut, comme Ingrid Betancourt en a la conviction, le fruit d'une action à la fois héroïque et d'espionnage de l'armée, qui aurait réussi à tromper César et Enrique.

    Cette polémique est secondaire et les FARC ne sont pas plus crédibles que le gouvernement colombien. L'important, politiquement, est que les "joyaux de la couronne" (Ingrid Betancourt et les trois Américains) sont aujourd'hui libres grâce à l'opération militaire et/ou de séduction financière montée par Bogota. La guérilla ne pourra sans doute plus imposer ses conditions à une éventuelle négociation.

  • Dans cette optique, l'essentiel du communiqué est peut-être une absence. Pour la négociation d'un accord humanitaire (curieusement, le communiqué parle d'accords humanitaires au pluriel) sur l'échange de prisonniers, la guérilla ne pose en effet plus son préalable habituel, inacceptable pour Bogota, de démilitarisation d'un vaste territoire, que devraient abandonner militaires et policiers, mais non les guérilleros, avant que s'y ouvre cette négociation qui pourrait déblayer le chemin de la paix. S'il s'agit d'une concession -et elle serait de taille- elle mériterait d'être confirmée et explicitée par le nouveau chef suprême des FARC, Alfonso Cano.

  • La guérilla admet avoir subi un revers. De sa part, cette humilité est une première.

  • Ecrivant qu'en "persistant dans la seule voie d'opérations de libération, le gouvernement doit assumer toutes les conséquences de sa décision téméraire et aventureuse", les FARC confirment implicitement leur menace terroriste d'exécuter leurs otages en cas de tentative de libération par l'armée.

  • Par la phrase "Les causes pour lesquelles luttent les FARC restent vives, le présent est fait de lutte et le futur nous appartient", la guérilla rejette de fait les appels à l'adieu aux armes lancés par la communauté internationale et surtout par leur principal allié idéologique, le président Hugo Chavez du Venezuela. Selon ce dernier, "la guérilla, c'est de l'histoire ancienne et n'a plus de sens en Amérique latine", où la gauche gouverne aujourd'hui de nombreux pays après avoir remporté des élections démocratiques.



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