Premières considérations des FARC sur la libération de l'un de leurs chefs
Colombie-Betancourt-Sarkozy : les FARC vont avaliser Rodrigo Granda... Espoir?
BOGOTA, mardi 12 juin 2007 (LatinReporters.com) - Dans le processus pouvant
conduire à un échange humanitaire de prisonniers, la guérilla
colombienne des FARC, qui séquestre Ingrid Betancourt depuis février
2002, va avaliser le rôle que jouera le plus important membre de la
guérilla capturé en Colombie, Rodrigo Granda, libéré
la semaine dernière à la demande du président français
Nicolas Sarkozy.
"L'état-major et le secrétariat des FARC avaliseront sûrement
Rodrigo Granda, en sa condition de membre de la Commission internationale
[de la guérilla], pour qu'il initie et serve de pont dans cette nouvelle
étape qu'on entrevoit" écrit Hernan Ramirez dans l'article
intitulé "La libertad de Rodrigo Granda",
mis en ligne le 11 juin sur le site Internet des FARC (Forces armées révolutionnaires
de Colombie, marxistes).
Or Hernan Ramirez, qui ne précise pas sa qualité, est connu
comme étant lui-même membre de la Commission internationale
des FARC, au nom de laquelle il s'exprima dans divers pays, notamment au
Mexique et au Brésil. Son article reflète nécessairement
la position des chefs rebelles. Si ces derniers ont qualifié de "tromperie" et de "farce"
la libération unilatérale massive de guérilleros par le président
colombien Alvaro Uribe, c'est par contre la première fois qu'un haut responsable de cette
guérilla émet des considérations sur l'élargissement très
particulier de Rodrigo Granda.
C'est à la demande expresse de Nicolas Sarkozy, confirmée le
4 juin par un communiqué de l'Elysée, que le président
Uribe avait ajouté à la libération de près de deux cents guérilleros
celle de Rodrigo Granda, surnommé le "canciller" (ministre des Affaires étrangères) de la guérilla et que Hernan Ramirez définit en outre comme "membre de l'état-major des FARC".
La France, l'Espagne et la Suisse (les trois pays qui tentent de faciliter
l'échange humanitaire), ainsi que le sommet du G8 (Allemagne, Canada,
Etats-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni et Russie), réuni du
6 au 8 juin en Allemagne, ont salué ce geste du président Uribe
et ont invité les FARC à y répondre de manière
constructive.
Au moment de son interception à Caracas (Venezuela) par les services
secrets colombiens, en décembre 2004, Rodrigo Granda, condamné
depuis à 15 ans de prison, était l'interlocuteur privilégié
de la France pour négocier la libération d'Ingrid Betancourt.
Nicolas Sarkozy voudrait probablement qu'il le soit à nouveau, mais
Granda s'en est remis à l'approbation préalable de l'état-major
des FARC. Approbation qui va donc se produire, si l'on s'en tient à
l'article de Hernan Ramirez.
Selon ce dernier, la libération de Rodrigo Granda, hébergé
actuellement à Bogota au siège de l'épiscopat colombien,
"est le produit de longues conversations entre l'organisation insurgée
[les FARC] et des représentants de la France, de l'Espagne et de la
Suisse, sans la participation du moindre représentant du gouvernement
colombien".
Ce camouflet au président Uribe est suivi d'autres infligés,
dans l'article, aux "gouvernements impérialistes", en particulier
celui des Etats-Unis. L'échec de la "politique impérialiste"
de Washington dans le monde et en Colombie expliquerait, prétend Hernan
Ramirez, une "nouvelle appréciation politique du processus colombien"
dont témoignerait l'intérêt que devait lui marquer
le G8.
Et vient alors le paragraphe clef de cet article porteur d'espoir: "C'est donc la perception consciente
de la nécessité d'initier un nouveau processus pour trouver la solution politique, d'abord
par l'échange de prisonniers et ensuite lors de conversations....
, qui se manifeste et cela pourrait intéresser l'état-major
et le secrétariat des FARC, qui avaliseront sûrement Rodrigo
Granda....".
Mais tant Rodrigo Granda que les autres chefs de la guérilla exigent qu'un
éventuel échange humanitaire de prisonniers, incluant notamment
Ingrid Betancourt, soit négocié dans une zone préalablement
démilitarisée qui couvrirait les municipalités de Florida
et Pradera, soit un territoire de 800 km2 dans le sud-ouest de la Colombie.
La France, la Suisse, l'Espagne et le G8 ont mis la pression sur les FARC en leur demandant
une réciprocité constructive. Mais en avalisant Rodrigo Granda, lui reconnaissant
un pouvoir de négociation sans toutefois transiger sur la démilitarisation
préalable d'une zone de pourparlers,
les FARC renverraient d'une certaine façon la balle dans le camp d'Alvaro
Uribe.