Reportage vidéo du journaliste espagnol David Beriain pour ADN
Colombie / Ingrid Betancourt : 10 jours avec la guérilla des FARC
MADRID / BOGOTA, mercredi 16 avril 2008 (LatinReporters.com) -
"Le problème de la santé d'Ingrid Betancourt doit nous mener à un débat
sur la santé de tous les Colombiens" affirme Pastor Alape, membre
de l'état-major de la guérilla marxiste des FARC (Forces armées
révolutionnaires de Colombie) dans le reportage vidéo "Dix jours avec les FARC" du journaliste
espagnol David Beriain.
Diffusé à partir du 15 avril sur le site Internet du journal
espagnol ADN,
ce reportage a été tourné dans la 2e quinzaine
du mois de mars, lorsque des informations alarmantes circulaient
sur la santé de la célèbre otage Franco-Colombienne,
séquestrée par les FARC depuis le 23 février 2002. LatinReporters
reproduit des vidéos successives de ce reportage inhabituel.
1. Le long chemin jusqu'au coeur de la guérilla
Le reportage est en espagnol. Nous en soulignons et en traduisons les éléments
les plus intéressants. Par ailleurs, les images parlent d'elles-mêmes
quant au milieu naturel inhospitalier, la jungle colombienne, dans lequel
vivent les guérilleros et leurs otages. Dans cette première
partie, le journaliste d'ADN David Beriain relate son cheminement vers un
camp des FARC où il arrive à la mi-mars, après deux
mois de démarches en Colombie pour obtenir le feu vert de la guérilla.
Le camp, explique le journaliste, relève d'un "front du Magdalena medio",
l'un des sept "blocs" en lesquels les FARC ont divisé militairement
la Colombie. Ces "blocs" ne correspondent pas aux départements officiels.
Situé au nord-est du pays, collé au Venezuela, le "Magdalena
medio" compte, selon David Beriain, un millier de guérilleros, commandés
par Pastor Alape, principale personnalité du reportage. Membre de
l'état-major des FARC, Pastor Alape n'appartient pas au Secrétariat,
le commandement collectif suprême composé des sept principaux
commandants. David Beriain estime cependant qu'Alape aurait pu accéder
au Secrétariat "après la mort de Raul Reyes [nº2 des FARC
abattu le 1er mars par l'armée colombienne; ndlr;] et d'Ivan Rios"
[comandant des FARC assassiné en mars par le chef de sa garde personnelle;
ndlr].
Le reportage précise que la tête de Pastor Alape est mise à prix
à raison de 4 millions de dollars par la Colombie et par les Etats-Unis.
[Une page
Internet du Département d'Etat américain offre effectivement
une récompense, mais de 2,5 millions de dollars, pour la capture de
Pastor Alape, dont le vrai nom serait Felix Antonio Muñoz Lascarro.
Le département d'Etat l'accuse du "meurtre de centaines de personnes"
et de la "production et distribution, à destination des Etats-Unis
et du monde, de centaines de tonnes de cocaïne"; ndlr].
A noter que les informations les plus récentes situent Ingrid Betancourt
dans le département du Guaviare, à quelque 800 km au sud du
"Magdalena medio".
2. Le drame d'Ingrid et des autres séquestrés
La deuxième partie du reportage débute par cet avertissement écrit:
"Les FARC sont considérées comme une organisation terroriste
par l'Union européenne et par les Etats-Unis. Les Nations unies et
Amnesty International ont dénoncé les FARC pour violations
du droit international humanitaire. Selon des sources officielles colombiennes,
elles [les FARC] maintiennent séquestrées plus de 700 personnes".
La vidéo montre les guérilleros, levés d'ordinaire dès
4h30 du matin, commentant collectivement après le petit-déjeuner
les informations recueillies à l'écoute de la radio. Et ce
jour-là, on parlait essentiellement d'Ingrid Betancourt. Le commandant
rebelle Pastor Alape expose, avant de la repousser, l'offre faite le 27 mars
dernier aux FARC par le président colombien Alvaro Uribe de libérer
tous les guérilleros prisonniers en échange de la libération
d'otages, voire de la seule Ingrid Betancourt, à condition que les
rebelles élargis ne rejoignent pas les rangs de la guérilla.
[Le 1er avril, la France annonçait l'envoi en Colombie d'une mission
humanitaire, rejetée par la guérilla, pour tenter d'accéder
à Ingrid Betancourt. Le reportage s'est donc prolongé quasi
jusqu'à la veille du début de cette mission avortée;
ndlr].
Pastor Alape rapporte, incrédule devant ses hommes, les informations
sur l'apparition supposée en mars d'Ingrid Betancourt, en très mauvaise santé,
en divers endroits du département du Guaviare. Le journaliste David
Beriain lui demandant si l'indignation soulevée par le triste état
d'Ingrid Betancourt sur ses dernières preuves de vie [photo
et vidéo diffusées le 30 novembre 2007; ndlr] ne risque pas
de justifier l'appellation "terroristes" appliquée aux FARC, le chef
rebelle réplique que l'image de la guérilla souffrirait de la vision "que
le monde du pouvoir diffuse en utilisant la terreur médiatique".
A la question "les FARC pourraient-elles libérer Ingrid pour raison
de maladie?", le commandant Alape répond: "Non, non, non, je n'ai
pas ces éléments. Cela dépend d'un niveau à haute
responsabilité de la direction de notre mouvement". Et d'ajouter alors,
après une critique du gouvernement de Bogota, qui laisserait les citoyens
démunis face à la maladie: "Le problème de la santé
d'Ingrid Betancourt doit nous mener à un débat sur la santé
de tous les Colombiens".
Comme son chef, le guérillero prénommé Cornelio refuse
le terme "séquestrés", n'admettant que les mots "prisonniers
politiques ou de guerre" pour désigner les otages. Un autre guérillero,
Raul, argumente des "lois adoptées par les politiciens en appui à
la guerre" pour en déduire que les politiciens "font partie de cette
guerre". Des propos qui ressemblent à une justification presqu'explicite
de la séquestration d'Ingrid Betancourt, qui fut sénatrice
et candidate à la présidence de la Colombie.
[La vidéo d'une interview annoncée du commandant Pastor Alape, membre de
l'état-major des FARC, n'a pas été diffusée le 17 avril par ADN. Quelques
déclarations du même commandant sont incluses dans
la 2e partie du reportage intitulée "Le drame d'Ingrid et des autres séquestrés".]