"Noël Saez [négociateur français] se sent responsable"
Betancourt-FARC: Raul Reyes abattu grâce à la France (sénatrice pro-Chavez Piedad Cordoba)
BOGOTA, mercredi 19 mars 2008 (LatinReporters.com) -
Dans le cadre des négociations pour la libération d'Ingrid Betancourt,
un appel téléphonique satellitaire de l'équipe de négociateurs
français à Raul Reyes, numéro deux de la guérilla
des FARC, aurait permis à l'armée colombienne de localiser
ce dernier et de l'abattre le 1er mars. La sénatrice colombienne Piedad
Cordoba, bien en cour à Paris et alliée du président
vénézuélien Hugo Chavez, le déclare dans une
interview exclusive à l'hebdomadaire colombien Cambio.
Piedad Cordoba fut associée par Hugo Chavez et les FARC (Forces
armées révolutionnaires de Colombie, marxistes) aux deux récentes
libérations d'un total de six otages de cette guérilla. La
sénatrice colombienne accompagnait le président Chavez lors
de sa dernière visite à Paris, le 20 novembre 2007. Quant à
Raul Reyes, il était le principal interlocuteur de la France dans
les tractations visant à faire libérer la Franco-Colombienne
Ingrid Betancourt, otage des FARC depuis le 23 février 2002.
Revenant pour l'hebdomadaire
Cambio sur l'attaque qui a permis à l'armée
colombienne de tuer Raul Reyes et une vingtaine de ses proches dans un camp
des FARC au nord de l'Equateur, Piedad Cordoba croit que le gouvernement
du président colombien Alvaro Uribe avait choisi un moment clé
pour mener ce raid meurtrier qui a provoqué une vive tension régionale.
EXTRAITS DE L'INTERVIEW DE PIEDAD CORDOBA :
[Question de Cambio] Pourquoi dites-vous que le gouvernement [colombien]
a cherché un moment clé pour tuer Raul Reyes? Est-ce réellement
si facile de choisir un moment déterminé alors qu'il [Raul
Reyes] était poursuivi sans résultat depuis des années?
[Piedad Cordoba] "La mort s'est produite deux ou trois jours après
une réunion à Panama entre le commissionnaire [gouvernemental
colombien pour la Paix] Luis Carlos Restrepo, Daniel Parfait, ex-ambassadeur
de France en Colombie et époux actuel de la soeur [Astrid]
d'Ingrid Betancourt, et Noël Saez, assesseur du gouvernement français.
A mon entendement, la réunion eut lieu pour que Restrepo leur
communique que le gouvernement [colombien] les autorisait
à parler avec Reyes pour voir comment on pouvait obtenir la libération
d'Ingrid. La libération d'Ingrid commençait déjà
à être envisagée".
[Daniel Parfait dirige actuellement le département Amériques
du ministère français des Affaires étrangères.
Il pourrait être déplacé prochainement et devenir ambassadeur
au Mexique. Noël Saez, ex-consul de France à Bogota et agent
de la DGSE -Direction générale de la sécurité
extérieure- est l'émissaire habituel de Paris auprès
des FARC; ndlr].
Et en quoi cela est-il en relation avec l'attaque du camp [des
FARC, le 1er mars]?
"Les Français ont appelé Reyes par téléphone
satellitaire [probablement pour fixer le rendez-vous autorisé par Bogota; ndlr]
et c'est là qu'ils l'ont écouté
[Piedad Cordoba veut sans doute dire "localisé"; ndlr]. Saez
a même dit ces derniers jours à l'un de mes amis qu'il se sentait
responsable de la mort de Reyes, car il croyait que c'est suite à
son appel que le chef guérillero a été localisé".
...
Comment croyez-vous que va évoluer le dossier des libérations
[d'otages des FARC]?
"Je veux être optimiste, mais il y aura des difficultés.
Bien que le principal interlocuteur [de Hugo Chavez] soit au sein des FARC Ivan Marquez, Reyes était
une personne clé pour l'accord humanitaire [sur un échange
d'otages, dont Ingrid Betancourt, contre des guérilleros emprisonnés;
ndlr]. Mais Uribe voulait l'empêcher et en conséquence,
je ne crois pas qu'il y aura davantage de libérations. Le Secrétariat
[commandement collectif des FARC; ndlr] croit qu'on a tendu un piège
à Reyes. Construire maintenant la confiance est très difficile.
Même si le président Uribe souhaite maintenant s'asseoir pour
dialoguer, les FARC pensent qu'il s'agit d'une stratégie pour les
localiser et les tuer".
Piedad Cordoba ne partage donc pas l'optimisme de Luis Eladio Pérez,
ancien sénateur colombien et ex-otage des FARC, qui a exposé
le 18 mars à Paris au président français Nicolas Sarkozy
un plan pour activer la libération des séquestrés. La
sénatrice admet par ailleurs l'existence d'une "crise interne"
au sein de la guérilla.
Quant à l'équipe de négociateurs français dont
un appel imprudent aurait abouti à la mort de Raul Reyes et à
la paralysie de pourparlers favorables à Ingrid Betancourt, l'un au moins de ses membres
était déjà impliqué
dans la rocambolesque et vaine tentative de libération de la Franco-Colombienne
de juillet 2003 au Brésil.
Le 5 mars dernier, c'est à un appel satellitaire de Hugo Chavez à
Raul Reyes que la chaîne colombienne RCN-Radio, citant le renseignement
militaire colombien, attribuait la localisation du chef rebelle, suivie de
l'attaque dans laquelle il a péri.