Retour / BackLe président colombien accepterait, si nécessaire, une force internationale Colombie - otages : Uribe a marqué des points en France au-delà de l'appui mesuré de Sarkozy
PARIS, mardi 22 janvier 2008 (LatinReporters.com) -
Confirmation officielle du caractère terroriste de la guérilla marxiste
des FARC, relativisation du rôle du président vénézuélien
Hugo Chavez dans le dossier des otages en Colombie, forte réduction
des critiques médiatiques dans le sillage d'une rencontre positive
avec des membres de la famille d'Ingrid Betancourt et appui renouvelé,
quoique mesuré, de Nicolas Sarkozy: ces points ont été
marqués en France les 20 et 21 janvier par le président colombien
Alvaro Uribe dans le cadre d'une offensive diplomatique passant aussi par
Bruxelles, Madrid et Davos (Suisse).
Le président français Nicolas Sarkozy "a rappelé
à son interlocuteur [Alvaro Uribe] que la France demeurait
solidaire des positions de l'Union européenne s'agissant de la qualification
des FARC [comme organisation terroriste; ndlr], et que du point de
vue de la France, cette question ne pourrait être réexaminée
qu'en fonction d'une évolution du comportement des FARC qu'elle appelle
de ses voeux" indique le compte-rendu officiel de l'Elysée.
Très médiatisée, cette confirmation officielle du caractère
terroriste des FARC, les Forces armées révolutionnaires de
Colombie qui détiennent des centaines d'otages, dont la Franco-Colombienne
Ingrid Betancourt, valait à elle seule le voyage d'Alvaro Uribe. Elle
est un camouflet infligé tant à la guérilla qu'au président
vénézuélien Hugo Chavez. Ce dernier, après avoir
obtenu la libération de deux otages, Clara Rojas et Consuelo Gonzalez,
clamait le 11 janvier ses affinités idéologiques "bolivariennes"
avec les guérillas colombiennes d'extrême gauche, FARC et ELN
(Armée de libération nationale). Il appelait en outre
la communauté internationale à les reconnaître et à
les sortir des listes d'organisations terroristes.
L'utilisation par Hugo Chavez de la tragédie des otages pour étendre
en Colombie voisine sa révolution dite bolivarienne et l'évidence
de la cruauté des FARC révélée par les preuves
de vie d'otages (vidéos, lettres, photos) ont joué en faveur
d'Alvaro Uribe. La France médiatique, primordiale en Europe pour l'image de la Colombie, a enfin relayé l'essentiel de son message. A cet égard, un moment
crucial, aussi important sinon plus que sa rencontre avec Nicolas Sarkozy,
fut l'entretien d'Alvaro Uribe avec les leaders d'opinion que sont, dans
le drame des séquestrés, Fabrice Delloye et Lorenzo Delloye
Betancourt, respectivement ex-mari et fils d'Ingrid Betancourt. Le président
colombien est "véritablement décidé à
trouver avec l'aide de la communauté internationale une solution d'accord
humanitaire" permettant d'aboutir à la libération des otages
dits politiques des FARC, déclarait à l'issue de l'entretien
Fabrice Delloye, mettant ainsi fin à des années de diabolisation
du président colombien.
Zone de rencontre et force internationale
Hervé Marro, actif et parfois impulsif porte-parole du Comité
de soutien en France à Ingrid Betancourt
(agirpouringrid.com),
était à l'ambassade de Colombie à Paris aux côtés
de Fabrice Delloye et Lorenzo lors de leur rencontre avec Alvaro Uribe. C'est sur la proposition de ce
Comité de soutien que le chef d'Etat colombien a fait un pas nouveau qui pourrait se
révéler décisif. Il a accepté "si nécessaire", l'envoi
en Colombie d'une "force internationale" pour permettre l'échange
humanitaire de la quarantaine d'otages politiques des FARC, dont Ingrid Betancourt,
contre les quelque 500 membres de cette guérilla emprisonnés.
Alvaro Uribe a rappelé aux médias français sa proposition
clé pour aboutir à cet échange humanitaire. Il demande
à la guérilla des FARC de définir avec l'Eglise colombienne
une "zone de rencontre" d'un maximum de 150 km². "De préférence
sans population civile ou avec une population très réduite",
sans installations policières ni militaires, cette zone accueillerait
des négociateurs non armés des deux camps qui auraient trente
jours pour concrétiser l'accord humanitaire en présence d'observateurs
internationaux. Une éventuelle "force internationale" ne serait
déployée que dans cette zone.
La France, la Suisse et l'Espagne pourraient participer aux côtés
de l'Eglise à ces tractations et à d'autres possibles négociations
avec les FARC. Après l'avoir suspendue pendant plusieurs mois, Alvaro
Uribe autorisait à nouveau, deux jours avant son arrivée à
Paris, la médiation des trois pays européens. Le rôle
du Venezuela de Hugo Chavez s'en trouve relativisé, mais non effacé.
Les FARC rejettent la "zone de rencontre". Elles exigent la démilitarisation
pendant 45 jours des municipalités de Florida et Pradera pour y négocier
l'échange humanitaire. Florida et Pradera, dans le sud-ouest colombien,
s'étendent sur 800 km². Elles comptent ensemble plus de 110.000
habitants et abritent des postes de l'armée et de la police. Cette
démilitarisation envisagée par les FARC est unilatérale,
ne devant concerner, selon les rebelles, que les policiers et militaires,
mais non les guérilleros. Une importante population se retrouverait
donc à la merci des insurgés.
L'argument principal des FARC en faveur d'une telle zone dite démilitarisée
est de pouvoir négocier à l'abri d'un coup de main de l'armée
colombienne en laquelle la guérilla n'a aucune confiance. C'est ici
que l'acceptation, à Paris par Alvaro Uribe, de la proposition d'une
"force internationale", "si nécessaire", peut devenir un facteur
décisif en faveur de la "zone de rencontre" proposée
par Bogota.
Dans ce contexte, Fabrice Delloye estime que les propositions du président
colombien devraient "permettre de dialoguer avec les FARC, une fois que
l'Eglise et les émissaires français, suisse et espagnol auront
réussi à faire une synthèse suffisamment bonne tenant
compte des préoccupations du gouvernement colombien" et de la
guérilla. Cet optimisme relatif suppose implicitement que les avantages
politiques, médiatiques et stratégiques liés à
la vaste zone peuplée dont les FARC veulent la démilitarisation
ne soient pas plus importants, aux yeux des insurgés, que les considérations
humanitaires.
La France n'écarte pas Hugo Chavez
Selon le compte-rendu officiel de leur entretien diffusé par l'Elysée,
Nicolas Sarkozy a indiqué à Alvaro Uribe que le "réengagement
direct" de la Suisse, de l'Espagne et de la France dans la médiation
avec les FARC "pourrait être utile si ces efforts de facilitation
disposent de garanties d'indépendance et de marges de discussion indispensables
à son succès". Le président français a en
outre encouragé son homologue colombien "à n'exclure aucun
concours utile, pour permettre en particulier la libération sans délai
des otages femmes ou malades, dont notre compatriote Ingrid Betancourt".
Autrement dit, la France, peut-être plus soucieuse d'efficacité que de morale pour sauver
Ingrid Betancourt, ne rejette nullement les bons offices du président
vénézuélien Hugo Chavez, interlocuteur privilégié
des FARC. Fin février, le ministre français des Affaires étrangères,
Bernard Kouchner, sera reçu tant à Caracas qu'à Bogota.
Le soutien mesuré, voire conditionnel et attentif au Venezuela, de Nicolas Sarkozy à
Alvaro Uribe semblerait contredire la volonté du président colombien
de n'admettre comme "uniques" négociateurs avec les FARC que
l'Eglise et les délégués français, suisse et
espagnol.
M. Uribe indique toutefois qu'il appuiera toute libération d'otages
que les FARC décideraient de remettre, comme Clara Rojas et Consuelo
Gonzalez, unilatéralement à Hugo Chavez. L'essentiel, pour
le chef de l'Etat colombien, est que les démarches humanitaires ne
renforcent pas la guérilla, qu'il admet vouloir "écraser",
à moins que... "Je serais le premier, affirmait Alvaro Uribe
la semaine dernière, à ne plus qualifier les FARC de terroristes
et le premier à demander au monde, comme contribution à la
paix, de ne plus les appeler terroristes" si cette guérilla "démontrait
de bonne foi qu'elle veut négocier la paix".