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Vidéo inédite attribuée à la guérilla
Colombie: FARC avec ETA pour l'autodétermination des Basques

MADRID / BOGOTA, lundi 23 juin 2008 (LatinReporters.com) - L'autodétermination de l'Euskal Herria, le grand Pays basque que les indépendantistes de l'ETA veulent construire en unifiant le Pays basque espagnol et le français, est prônée par un chef présumé de la guérilla colombienne marxiste des FARC dans le reportage intitulé "FARC - ETA, liens de sang" diffusé le 21 juin par la télévision publique espagnole (TVE).

Insérée dans le reportage, une vidéo à l'image floue que les services secrets colombiens auraient saisie en décembre 2007 aux FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie) montre un groupe de guérilleros au centre duquel un chef identifié par les autorités de Bogota comme "le commandant Juan Santrich, responsable des relations politiques des FARC", lit en espagnol un communiqué saluant le peuple basque.

Maniant une terminologie radicale identique à celle de l'ETA et prononçant même quelques mots en basque, le présumé Juan Santrich déclare notamment: "L'heure est venue que cesse la répression sauvage, la persécution policière, la perversité carcérale et toute la perfidie que surtout l'Etat espagnol fait retomber sur le peuple basque". [NDLR - Le "surtout" implique-t-il dans une moindre mesure l'Etat français, souvent menacé par l'ETA?]

Le présumé Santrich se permet ensuite de lancer à l'Espagne cet avertissement semblable à ceux souvent diffusés par l'ETA: "L'Espagne ne connaîtra pas la stabilité tant que ne sera pas réglé le conflit avec le peuple de l'Euskal Herria et l'unique chemin est celui de la négociation en vue de la reconnaissance de l'autodétermination, de la territorialité et de la liberté". [NDLR - "Territorialité" est l'un des mots les plus utilisés par l'ETA. Il résume l'élargissement à la Navarre et au Pays basque français de la revendication indépendantiste].

Les autorités colombiennes ont affirmé aux reporters de TVE que la vidéo de Juan Santrich, réalisée à une date qui n'est pas précisée, était en principe destinée à être envoyée par les FARC en Espagne et plus concrètement à l'ETA.

Interviewé dans le même reportage de TVE, le général Oscar Naranjo, directeur de la police nationale colombienne, qualifie la vidéo de Juan Santrich de "preuve matérielle indiscutable" du maintien de contacts entre les FARC et l'ETA et de l'existence de "vases communicants entre le terrorisme latino-américain et le terrorisme européen, centré fondamentalement en Espagne sur l'ETA".

Le général Mario Montoya, chef de l'armée de terre, estime lui aussi que la vidéo "nous démontre clairement l'existence de cette relation [FARC-ETA], sans pouvoir déterminer le niveau qu'elle a atteint".

Quant au colonel César Pinzon, l'un des chefs des services de renseignement colombiens, il voit "un mécanisme qui avait déjà été utilisé par les terroristes de l'ETA" dans l'explosion de la voiture piégée qui fit 36 morts le 7 février 2003 au club El Nogal de Bogota.

Dans la foulée, un présumé ex-membre des FARC présenté sous le pseudonyme Carlos affirme à TVE avoir été en contact avec des membres de l'ETA venus initier les guérilleros au maniement de certains explosifs.

Le reste du reportage de la télévision publique espagnole, qui prétend avoir "dévoilé les preuves de la connexion" entre les FARC et l'ETA, reprend pour l'essentiel des informations déjà connues, issues selon Bogota des ordinateurs de Raul Reyes, l'ex nº2 de la guérilla tué le 1er mars par l'armée colombienne lors de l'attaque d'un camp de guérilleros au nord de l'Equateur.

Des messages remontant à 2002 et 2003 retrouvés dans les ordinateurs de Raul Reyes mentionnent la formation de membres de l'ETA à des techniques terroristes dans des camps de la guérilla colombienne. Les FARC envisageaient en outre une collaboration avec "les amis de l'ETA", "en Espagne et dans d'autres pays", pour organiser des attentats visant notamment le vice-président colombien Francisco Santos, l'ex-président Andres Pastrana et l'ex-candidate présidentielle Noemi Sanin, à l'époque ambassadrice de Colombie à Madrid (actuellement à Londres).

[NDLR - Le 16 mai dernier, Interpol, l'internationale policière regroupant 186 pays, affirmait après une longue analyse que les ordinateurs saisis dans le camp des FARC où fut abattu Raul Reyes appartenaient réellement à ce dernier et que leur contenu n'avait pas été altéré. L'appui financier et militaire du président vénézuélien Hugo Chavez aux FARC et les liens de la guérilla colombienne avec le président équatorien Rafael Correa sont également, selon Bogota, révélés par ces ordinateurs.]

Interrogé en conférence de presse sur le reportage de TVE, le président colombien Alvaro Uribe a jugé "très grave" la relation entre les FARC et l'ETA. "Nous la connaissions déjà et nous en avons souffert" a ajouté le président Uribe. Selon lui, "les FARC ont participé à un programme de maestria terroriste, avec des groupes internationaux, apprenant à détruire la vie des Colombiens avec les explosifs les plus pervers".

Curieusement, le président du gouvernement socialiste espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, qui concluait en janvier dernier à Madrid une "association stratégique" avec le président Uribe, s'est récemment montré sceptique sur l'existence de liens significatifs entre les FARC et l'ETA. Interrogé le 3 juin dernier par un journaliste sur ces liens, M. Zapatero a répondu: "Il faut être prudent. On va évaluer... L'ETA est très méfiante dans tout ce qu'elle fait et elle travaille habituellement en solitaire".

Néanmoins, annonçant l'ouverture d'une enquête, le tribunal espagnol de l'Audience nationale, dont relèvent les dossiers de terrorisme, a sollicité le 2 juin de la justice colombienne toute l'information disponible sur les liens présumés entre les FARC et l'ETA.



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