La sénatrice pro-Chavez Piedad Cordoba en ligne de mire
Colombie : le scandale de la Farc-politique (liens avec la guérilla) démarre
BOGOTA, vendredi 25 avril 2008 (LatinReporters.com) -
Alors que les enquêtes judiciaires sur leurs liens présumés
avec les paramilitaires visent le président colombien Alvaro Uribe
et 64 sénateurs et députés, dont 33 sont incarcérés,
les liens de parlementaires avec la guérilla marxiste des FARC vont
à leur tour être examinés par la justice. A Bogota, les
médias disent que le scandale de la "Farc-politique" va désormais
côtoyer en Colombie celui de la "parapolitique".
La Cour suprême de justice a réclamé le 24 avril au ministère
de la Défense les documents contenus dans les ordinateurs de feu Raul
Reyes, le nº2 des FARC (Forces armées révolutionnaires
de Colombie) tué le 1er mars dernier dans un raid de l'armée
colombienne contre un camp de la guérilla au nord de l'Equateur. Trois
ordinateurs portables récupérés lors de l'attaque ont
été confiés à Interpol pour authentification,
mais des messages qu'ils contiennent continuent à être diffusés.
Des liens politiques et financiers des FARC avec les présidents du
Venezuela et de l'Equateur, Hugo Chavez et Rafael Correa, étaient
révélés par la publication d'une première partie
de ces messages. Ceux diffusés partiellement depuis le 24 avril, notamment
par le quotidien El Tiempo et Radio Caracol, qui citent des sources officielles,
dévoilent l'alliance entre les FARC et la sénatrice colombienne
de gauche Piedad Cordoba. Amie de Hugo Chavez, elle obtint avec lui la libération
de six des plus de 700 otages des guérilleros, qui séquestrent
notamment Ingrid Betancourt.
D'autres noms ne tarderont pas à surgir. Si la grande majorité,
54 sur 64, des parlementaires impliqués jusqu'à présent dans la parapolitique
appartiennent à la coalition conservatrice soutenant le président Uribe,
les coupables de Farc-politique devraient logiquement relever surtout, comme
Piedad Cordoba, de l'opposition de gauche. Tant les paramilitaires que les
FARC sont considérés comme terroristes par la Colombie, les
Etats-Unis et les 27 pays de l'Union européenne. Avoir été,
voire être encore l'allié des uns ou des autres est nécessairement
un délit grave tombant sous le coup de la justice.
Les ordinateurs de Raul Reyes contiennent tant d'informations qu'ils pourraient
engendrer un scandale supérieur à celui de la parapolitique
déclarait en substance, mercredi 23 avril à la presse, le ministre
colombien de la Défense, Juan Manuel Santos. Il sortait d'une session
réservée de la Chambre des Représentants (députés)
lors de laquelle il avertissait que des hommes et des femmes de la
vie publique du pays ont eu avec les FARC des relations que détaillent
les ordinateurs de Reyes. [NDLR - Le Venezuela, l'Equateur et les FARC
se sont étonnés que ces ordinateurs "indestructibles" n'aient
pas été "pulvérisés" par les bombes lancées
contre le camp de Raul Reyes. Mais l'état du cadavre de ce dernier,
entier et identifiable après l'attaque malgré les blessures,
suggère que des ordinateurs portables n'aient pas été
nécessairement détruits lors du raid de l'armée colombienne].
Mardi 22 avril, la Colombie sursautait lorsque l'ex-sénateur et ex-président
du Congrès (Parlement), Mario Uribe, cousin et allié politique
du président Alvaro Uribe, était arrêté pour liens
présumés avec les paramilitaires après une tentative
frustrée d'obtenir à l'ambassade du Costa Rica l'asile politique
de ce pays. Et le lendemain, le président Uribe lui-même indiquait
qu'un ancien paramilitaire, dans des déclarations à la justice,
qui a ouvert une enquête, tente de l'impliquer dans un massacre de
12 paysans commis en 1997.
A propos des liens entre les FARC et Piedad Cordoba révélés
par les ordinateurs de Raul Reyes, les assesseurs de la sénatrice
colombienne font valoir qu'ils seraient logiques et légitimes, puisque
le président Uribe lui-même lui avait confié fin août
2007, ainsi qu'à Hugo Chavez, une mission de médiation avec
les FARC visant à la libération d'otages. Mais ce mandat de
médiation avait été révoqué par Alvaro
Uribe trois mois plus tard, fin novembre 2007, et certains messages Internet
des FARC concernant Piedad Cordoba ou rédigés par elle-même
sont postérieurs ou surtout antérieurs à sa mission
de médiation.
Les FARC voulaient un "gouvernement de transition" dirigé par
Piedad Cordoba
Selon Radio Caracol, ces messages font remonter à au moins 2003 une
"communication fluide" entre la guérilla marxiste et la sénatrice
Cordoba, connue dans le monde des guérilleros sous le surnom de Teodora
ou Teodora de Bolivar. Raul Reyes l'appelait aussi "l'amie au turban", en
référence à la coiffe qu'elle porte souvent. Le chef
rebelle abattu la désignait dans un message comme la candidate idéale
pour diriger "un gouvernement de transition" de douze personnes. Hormis
celle de Piedad Cordoba, l'identité des membres de ce "gouvernement"
colombien que soutiendraient les FARC n'est pas encore révélée.
La sénatrice aurait aussi contribué à la présence
politique des FARC lors de congrès dans divers pays, notamment en
Equateur en novembre 2003 et au Brésil en août 2004. Selon Raul
Reyes, Piedad Cordoba lui aurait dit avoir reçu de Hugo Chavez 50.000
dollars pour des oeuvres sociales dans le département colombien du
Choco, assise électorale de la sénatrice.
Dans un message d'octobre 2007 suggérant aux FARC d'envoyer rapidement
un interlocuteur à Caracas, Piedad Cordoba, alias Teodora, se réfère
au président du Venezuela en l'appelant "mon commandant Chavez". La
parlementaire agissait alors comme médiatrice pour la libération d'otages, d'une manière qui amena Raul Reyes à écrire que "le travail réalisé
par notre chère sénatrice est simplement extraordinaire".
Un message signé le 11 décembre 2007 par "César", membre
supposé de la Commission internationale des FARC au Venezuela, rend
compte à Raul Reyes d'une rencontre avec Piedad Cordoba. "César"
assure qu'elle "appuie totalement la plate-forme politique des FARC, mais
non la lutte armée".
Le Colombie attend maintenant d'autres révélations. Si, comme
l'a prédit le ministre de la Défense, le scandale de la parapolitique
est bientôt surpassé par celui de la Farc-politique, combien
des 268 sénateurs et députés élus en 2006 conserveront-ils
leur siège? Avant que ce hara-kiri collectif ne la menace, la gauche
colombienne proposait des élections anticipées et/ou la convocation
d'une Assemblée constituante pour refondre les institutions.