Retour / BackGrâce à la même loi, le président Uribe applaudi après avoir été honni Colombie: pour sauver Ingrid Betancourt, ovation mondiale à la loi d'amnistie... des paramilitaires!
par Christian GALLOY, directeur de LatinReporters
MADRID / BOGOTA, samedi 29 mars 2008 (LatinReporters.com) -
La clameur en faveur d'une libération immédiate de la Franco-Colombienne Ingrid Betancourt, que la maladie menace d'une issue fatale après
plus de six ans de séquestration par la guérilla marxiste des
FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie), s'accompagne
d'une heureuse quoique surprenante, voire involontaire car inconsciente,
réhabilitation morale du président conservateur colombien Alvaro
Uribe.
Le président Uribe recueille une ovation internationale pour avoir
proposé aux FARC, en échange de la libération de séquestrés
ou même de la seule Ingrid Betancourt, l'élargissement de tous
les guérilleros prisonniers, y compris ceux qui ont été
condamnés pour crimes contre l'humanité.
Un simple décret présidentiel,
présenté le 27 mars, réglementant l'application de l'article 61 de la
Loi 975 de 2005 situe cette largesse dans le cadre légal
colombien. Or, la Loi 975 de 2005, plus connue sous le nom de Loi Justice et Paix et applicable à
tous "les membres de groupes armés organisés en marge de la loi", avec lesquels seraient
éventuellement conclus des "accords humanitaires", est celle qui
a permis la démobilisation et la réinsertion réelle
ou théorique de quelque 30.000 paramilitaires. Pendant plus de vingt
ans, ces miliciens, répertoriés comme les FARC sur les listes
internationales d'organisations terroristes, ont perpétré de
nombreux massacres en luttant contre la guérilla, parfois en collaboration
avec l'armée colombienne.
Depuis trois ans, la Loi Justice et Paix, dont l'application aux paramilitaires
limite à huit ans d'emprisonnement la peine pour les crimes les plus
graves, mettait Alvaro Uribe au pilori des associations de défense
des droits humains, de divers gouvernements et organisations internationales,
d'un nombre imposant de médias non colombiens, des comités Ingrid Betancourt et plus
encore de la famille de l'illustre
otage. Soupçonné de vouloir venger la mort de son père,
abattu par les FARC en 1983, le président colombien a souvent été
dépeint comme l'ami et l'allié des paramilitaires.
Mais voilà qu'en élargissant aujourd'hui jusqu'à l'infini
l'impunité garantie par la même loi, activant en faveur des guérilleros des FARC
emprisonnés (et indirectement en faveur d'Ingrid Betancourt) des prérogatives
présidentielles prévues
par l'article 61 de cette Loi 975 de 2005, Alvaro Uribe est acclamé
par l'Organisation des Etats américains, la France, les Etats-Unis,
l'Espagne, l'Argentine, le Pérou, l'Eglise, la majorité des
médias internationaux, les comités Betancourt et, avec de fortes
nuances, quelques proches et parents d'Ingrid.
Il se confirme ainsi que la vénération de la célèbre
otage Franco-Colombienne transcende le politiquement correct et les discours
classiques sur les droits de l'homme. Les pessimistes en déduiront
qu'une immense hypocrisie vient d'être mise à jour.
A tort ou à raison, quelques consciences restent éveillées.
A Bogota, le directeur-adjoint du bureau de l'ONU, Javier Hernandez, vient
de lancer un appel pour que "dans la liste de personnes [guérilleros
des FARC; ndlr] susceptibles d'être libérées ne soient
pas inclus ceux qui purgent des peines pour crimes de guerre ou pour crimes
contre l'humanité". Et le procureur général de la Colombie,
Mario Iguaran, conditionne son appui au décret présidentiel
à la libération de "tous les otages" de la guérilla.
Ils sont près de 800 en incluant les séquestrés
dits économiques, que les rebelles ne libèrent d'ordinaire
que contre paiement d'une forte rançon.
Par ailleurs, une condition générale de la Loi 975 de 2005
pèse sur le décret présidentiel: les bénéficiaires
de cette loi doivent "s'engager à ne plus commettre de délits".
Dans le cas des guérilleros prisonniers, cela signifie promettre de
ne pas rejoindre les rangs de la guérilla. Cette condition, les chefs des FARC
ne l'ont jamais acceptée.
Les observateurs s'attendent à un refus par les FARC de
l'offre d'élargissement de leurs militants emprisonnés contre
la libération d'Ingrid Betancourt. Les témoignages de villageois
du département du Guaviare, qui ont vu fin février des centaines
de guérilleros accompagner et garder Ingrid Betancourt dans divers
dispensaires locaux où l'on a tenté de retarder les effets
de la leishmaniose et de l'hépatite B qui la rongent, confirment que
la Franco-Colombienne reste le joyau du chantage politique des rebelles.
En principe, sauf issue fatale, opération réussie de l'armée
ou rébellion contre leurs chefs de guérilleros attirés
par les récompenses financières promises par le président
Uribe, Ingrid Betancourt ne devrait être libérée qu'en
échange de concessions politiques réclamées par les
FARC. En outre, il est difficile d'imaginer que la guérilla la livre
à Alvaro Uribe sans qu'en retire le moindre bénéfice
politico-médiatique le président vénézuélien
Hugo Chavez, principal allié des guérillas colombiennes.
A Caracas, les nouvelles largesses d'Alvaro Uribe ont été saluées
par le silence officiel. Telesur, chaîne satellitaire au service des
ambitions bolivariennes de Hugo Chavez, a tout de même relevé,
comme une critique, que la Loi 975 de 2005 et la Loi Justice et Paix amnistiant
au moins partiellement des paramilitaires sont une seule et même loi.
Une opinion personnelle? Puisse Ingrid être libérée vivante
de ses geôliers terroristes grâce au président Uribe et
aux Colombiens. Trop d'ingérences extérieures sont intéressées.
Dernière heure AVION FRANÇAIS EN GUYANE POUR INGRID BETANCOURT
PARIS, dimanche 30 mars 2008 - La France a pré-positionné
depuis vendredi un avion Falcon 900 à la base militaire de Cayenne (Guyane),
"au cas où" l'otage de la guérilla des FARC Ingrid Betancourt
serait libérée, affirme le Journal du Dimanche, citant le palais présidentiel de
l'Elysée.
"Nous n'avons pas d'informations sur un dénouement imminent ou non,
mais nous voulons mettre toutes les chances de notre côté",
déclare une source à l'Elysée, citée par le JDD.
Les tractations se poursuivent depuis la proposition faite le 27 mars (article ci-dessus) par le
président colombien Alvaro Uribe de relâcher des guérilleros
des FARC en échange d'une libération d'Ingrid Betancourt.
L'avion revient en Europe
L'avion médicalisé, pré-positionné depuis vendredi
soir par l'Elysée près de Cayenne dans l'hypothèse d'une
libération d'Ingrid Betancourt, a quitté dimanche à
la mi-journée (heure de Paris) la Guyane en direction de la métropole,
indiquent des sources concordantes citées par l'AFP.
L'Elysée avait indiqué dans l'après-midi que l'avion
envoyé à Cayenne était "disponible jusqu'à dimanche
ou lundi matin pour toute éventualité", ajoutant qu'un autre
appareil médicalisé restait en alerte depuis la métropole.
"En tout état de cause, le président de la République [Nicolas Sarkozy]
a donné l'ordre qu'un avion médicalisé se tienne prêt
à tout moment pour emmener Ingrid Betancourt vers un centre hospitalier
si elle est libérée. Cet avion, également un Falcon
900, est sur le territoire métropolitain d'où il peut décoller
immédiatement si les développements le justifient", a-t-on
précisé à la présidence de la République.
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