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Cuba - Après Castro, quoi? Opéré, il "délègue" le pouvoir "provisoirement"

Fidel Castro, le 21 juillet 2006 au sommet du Mercosur, à Cordoba (Argentine)
Photo Presidencia de la Nación Argentina
LA HAVANE, mardi 1er août 2006 (LatinReporters.com) - Soudainement hospitalisé et opéré, Fidel Castro a délégué pour la première fois, à son frère Raul et "provisoirement", le pouvoir qu'il monopolise depuis 1959 à Cuba. Castro aura 80 ans le 13 août. L'après-castrisme a peut-être commencé. Sur quoi débouchera-t-il?

Signée par Fidel Castro lui-même, une inattendue "Proclamation du commandant en chef au peuple de Cuba" était lue lundi soir à la télévision cubaine. On la retrouvait mardi à la une de la presse officielle (il n'y en a guère d'autre). Le président Castro y reconnaît que "ma santé s'est brisée".

"Une crise intestinale aiguë avec hémorragie soutenue m'a contraint à affronter une opération chirurgicale compliquée... L'opération m'oblige à garder le repos pendant plusieurs semaines, à l'écart de mes charges et responsabilités" précise le lider maximo.

Il énumère ensuite les charges qu'il "délègue provisoirement" à diverses personnalités, notamment et surtout à son frère Raul Castro, 75 ans, qui est désormais par intérim "Premier secrétaire du Comité central du Parti communiste de Cuba, Commandant en chef des héroïques Forces armées révolutionnaires et Président du Conseil d'Etat et du Gouvernement de la République de Cuba".

Ce transfert familial est constitutionnel dans la mesure où Raul Castro, ministre des Forces armées révolutionnaires (c'est-à-dire de la Défense), était depuis longtemps le nº2 dans les fonctions dont il hérite "provisoirement".

Fidel Castro dit compter aussi sur "notre glorieux Parti communiste, appuyé par les organisations de masse et le peuple tout entier", ainsi que sur des personnalités du parti et du gouvernement telles que le vice-président Carlos Lage, le ministre des Relations extérieures Felipe Perez Roque et le président de la Banque de Cuba, Francisco Soberon.

A Miami, des milliers d'exilés cubains ont fêté dans la rue ce qu'ils perçoivent comme le début de la fin de la dictature castriste. "Il est évident que nous serons très heureux le jour où il [Fidel Castro] mourra" a déclaré au Miami Herald le maire cubano-américain de la ville, Manny Díaz.

A Washington, la discrétion dominait mardi sur cette question, tant à la Maison blanche qu'au département d'Etat.

A Cuba même, la vie se poursuit normalement. La routine n'est affectée ni dans les transports publics ni sur les marchés ni dans les centres de travail. La santé de Fidel Castro, dont l'évolution n'était pas connue mardi, meuble néanmoins la plupart des conversations. Les Cubains ignorent que des gastro-entérologues français, dans un hasardeux diagnostic à distance, n'écartent par l'hypothèse d'un cancer du côlon.

Des alertes récentes -chute, évanouissement, malaise- soulignant la fragilité croissante de Fidel Castro ont contraint depuis plusieurs mois les notables du régime à s'interroger sur l'après-castrisme.

Le 14 juin dernier, dans un discours devant les principaux chefs militaires, le successeur désigné, Raul Castro, se prononçait contre le sacre d'un nouveau lider maximo après la disparition de Fidel. Le Parti communiste cubain (PCC), "comme institution regroupant l'avant-garde révolutionnaire" disait Raul, devrait être l'unique héritier capable d'assumer le leadership.

Cette voie de succession institutionnelle fut ratifiée le 1er juillet par le Ve Plénum du Comité central du PCC. Même les castristes ne miseraient donc pas sur un nouveau messie providentiel. Répondent-ils ainsi à un ami du président cubain, l'écrivain colombien et Prix Nobel 1982 de littérature Gabriel Garcia Marquez? Selon lui, "Fidel Castro est la principale force de la révolution, mais aussi sa principale faiblesse". Une manière de dire qu'un homme personnifiant un régime ne peut mourir sans exposer ce régime à la disparition.

En novembre 2003 déjà, un enfant du castrisme, Armando Chaguaceda, jeune (31 ans) professeur d'histoire à l'Université de la Havane, traçait trois voies possibles pour le futur de Cuba: "retouche cosmétique du modèle actuel, ajournant la réponse aux nouvelles nécessités", "transition brutale vers le capitalisme sous la férule du voisin du Nord [les Etats-Unis]" ou "anticapitalisme assurant une protection sociale efficace et développant les mécanismes démocratiques dont le système a tant besoin".

Il est probable que ce choix conflictuel entre socialisme dictatorial, capitalisme dominateur et socialisme démocratique agite l'après-castrisme. Le rôle de l'armée cubaine sera déterminant. Celui des Etats-Unis aussi. L'Union européenne, qui condamne les excès du castrisme tout en cherchant à conserver de bonnes relations avec la Havane, aura quelque peine à sortir de son ambiguïté au moment d'appuyer l'une ou l'autre voie de succession.

Deux tiers des onze millions de Cubains sont nés après la révolution de 1959 et n'ont donc pas connu d'autre système que le castro-communisme. C'est parmi eux que devront mesurer leur audience les dissidents restés courageusement à Cuba, tels Martha Beatriz Roque et Oswaldo Paya. Selon ce dernier, "en tant que pouvoir concentré en une seule personne, le fidelisme ne peut pas se perpétuer sans Fidel".




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