Retour / Back

A 6 jours des législatives, seconde victoire du socialiste en duel télévisé
Espagne-élections: Zapatero vainc Rajoy dans les sondages ... souvent contredits par les urnes

MM. Zapatero (à gauche) et Rajoy, entourant la journaliste Olga Viza, modératrice de leur second débat télévisé - Capture d'écran TVE
MADRID, mardi 4 mars 2008 (LatinReporters.com) - Le président du gouvernement socialiste, José Luis Rodriguez Zapatero, a fait un grand pas vers le renouvellement de son mandat aux élections législatives espagnoles du 9 mars. A six jours du scrutin, il a nettement remporté, selon les sondages, son second duel télévisé avec Mariano Rajoy, chef de l'opposition de droite et président du Parti Populaire (PP). Néanmoins, en Espagne, les urnes contredisent souvent les prévisions.

Au lendemain du second débat, les sondages des deux quotidiens espagnols les plus diffusés, El Pais et El Mundo, respectivement les plus représentatifs du centre gauche et du centre droit, reflètent à nouveau mardi le succès de M. Zapatero, comme à l'issue du premier round. Mais l'écart s'est élargi. Sous le titre "Zapatero enterre Rajoy", El Pais proclame le leader socialiste vainqueur selon 53% des personnes interrogées, contre 38% en faveur de M. Rajoy (46% contre 42% au premier débat). Le sondage d'El Mundo couronne aussi le chef du gouvernement, sur le score de 49% contre 40,2% à son adversaire conservateur (45,5% contre 42% au premier round).

Les trois derniers sondages sur les intentions de vote des 35 millions d'électeurs coïncident aussi en octroyant une avance de 4 points au Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) de M. Zapatero, qui pourrait l'emporter dimanche avec près de 44% des suffrages. Il conforterait sa majorité relative, frôlant sans l'obtenir la majorité absolue de 176 députés sur 350.

Mais les sondages n'ont pas bonne réputation en Espagne. Il prédisaient aux législatives de 1996 une victoire écrasante de la droite. Le PP ne devança toutefois alors le PSOE que de 300.000 voix. En 2000, nul n'avait prévu l'ampleur de la majorité absolue conquise par le PP sous la houlette de José Maria Aznar. En 2004, la plupart des sondages annonçaient le renouvellement de la majorité absolue de la droite, mais les attentats islamistes de Madrid, 191 morts et 1.856 blessés trois jours avant le vote, contribuèrent au succès inattendu de M. Zapatero. Enfin, aucun sondage n'avait pressenti la victoire en nombre de voix du PP aux élections municipales de mai 2007.

Quoiqu'il en soit, la télégénie, l'apparence de conviction et un physique plus juvénile ont servi manifestement José Luis Rodriguez Zapatero (47 ans) face à Mariano Rajoy (53 ans le 27 mars prochain) lors de leurs deux débats télévisés, d'autant plus suivis qu'ils étaient les premiers du genre offerts aux électeurs depuis quinze ans en Espagne

Quant au discours des deux candidats, leurs critiques réciproques sur leur gestion présente et passée du pouvoir et/ou de l'opposition, renforcées par l'insulte de "menteur" qu'ils n'ont cessé de se renvoyer, ont occupé autant de place que leurs propositions électorales brossées à gros traits.

Le président du gouvernement et le chef de la droite se sont affrontés lundi soir sur la guerre en Irak et sur les attentats islamistes du 11 mars 2004 à Madrid. M. Zapatero a demandé à M. Rajoy de condamner enfin cette guerre à laquelle le gouvernement du PP avait associé l'Espagne avant que l'exécutif socialiste ne rappelle le contingent militaire espagnol. "Vous avez gagné une élection à cause de l'Irak et des attentats du 11 mars. On a le sentiment que vous voulez gagner une autre élection à cause encore de l'Irak et de ces mêmes attentats du 11 mars" a rétorqué le président du PP.

Terrrorisme, immigration et ralentissement économique

Regardant la caméra pour s'adresser aux 11.970.000 téléspectateurs qui ont suivi le débat (contre 13.043.000 estimés une semaine plus tôt lors du premier face-à-face), M. Zapatero a fait cette promesse: "Quel que soit le résultat de dimanche, le parti socialiste soutiendra sans condition le prochain gouvernement dans sa lutte contre le terrorisme. C'est une promesse solennelle que je fais au nom de mon parti". Il a mis au défi son opposant d'en faire autant. M. Rajoy, qui n'a cessé de critiquer au cours de la législature la négociation frustrée des socialistes avec les terroristes séparatistes basques de l'ETA, a répliqué: "Je soutiendrai un gouvernement qui veut lutter contre l'ETA, mais je n'appuierai aucun gouvernement qui prétendrait négocier avec une organisation terroriste". Le chef de la droite est convaincu que M. Zapatero "a menti" pour occulter le caractère politique "sans précédent" de ses pourparlers avec les séparatistes basques.

A propos de l'immigration, Mariano Rajoy a rappelé les critiques de la France et de l'Allemagne contre la régularisation massive de 600.000 clandestins réalisée en 2005 par le gouvernement socialiste. M. Zapatero a rétorqué que les gouvernements du PP en avaient régularisé auparavant un million lors de cinq phases successives et selon des critères moins restrictifs. Le chef du gouvernement s'est engagé à renvoyer, mais "dans la dignité", les immigrants qui entreraient clandestinement en Espagne. Pour ceux ne venant pas de l'Union européenne, l'existence d'un contrat de travail continuera à conditionner l'octroi d'un permis de séjour.

Sur le dossier de l'économie, plein emploi et hausse tant des salaires que des retraites minima ont dominé les propositions de M. Zapatero. Il a rappelé les performances économiques de l'Espagne, très supérieures à celles de la plupart des pays de l'Union européenne. Contre-attaquant, Mariano Rajoy a promis l'exonération d'impôts pour ceux gagnant moins de 16.000 euros par an et a attribué au gouvernement socialiste le ralentissement économique.

Ce ralentissement, dont les causes sont aussi et peut-être surtout internationales, est avec le terrorisme et l'immigration l'une des principales inquiétudes des Espagnols. De nombreux analystes croient que le miracle économique espagnol, étalé sur déjà quatorze années consécutives, prendra fin en 2009, faute de solution de rechange au secteur immobilier. Il représente environ 18% du produit intérieur brut, deux fois la moyenne européenne, et a permis la création d'une part substantielle des trois millions d'emplois nouveaux revendiqués par M. Zapatero pour l'ensemble de la législature. Mais le secteur connaît un début de crise et le chômage, dont le taux est actuellement de 8,5%, progresse désormais plus en Espagne qu'ailleurs en Europe. Le seul mois de janvier 2008 a enregistré 132.378 nouveaux chômeurs, soit la hausse mensuelle la plus forte de l'histoire des statistiques espagnoles.

Cette évolution risque-t-elle de démobiliser l'électorat socialiste? Sans doute pas de manière décisive d'ici le 9 mars. L'appel à la participation électorale est néanmoins le leitmotiv des meetings de M. Zapatero et d'autres notables du PSOE. Ils espèrent aussi qu'enfin les sondages ne seront pas contredits.



© LatinReporters.com - Amérique latine - Espagne