1ère femme ministre de la Défense - 1er gouvernement à majorité féminine
Espagne: Zapatero confie la Défense à la pacifiste Carme Chacon
MADRID, samedi 12 avril 2008 (LatinReporters.com) -
Trois premières d'un seul coup pour l'Espagne dans le nouveau gouvernement
homogène socialiste présenté samedi 12 avril par José
Luis Rodriguez Zapatero: une femme devient ministre de la Défense,
un ministère de l'Egalité est créé et l'exécutif
compte plus de femmes que d'hommes. Ce triple jamais vu au sud des Pyrénées
ouvre la seconde législature de M. Zapatero, investi la veille de
la confiance d'une majorité seulement relative de députés.
La désormais ministre cheftaine des armées, Carme Chacon, est
parmi ses pairs la vedette absolue. D'autant que son profil est aux antipodes
de celui attendu d'ordinaire d'un gestionnaire de bataillons, de frégates
et d'escadrilles: femme, jeune (37 ans), en grossesse avancée de son
premier enfant et de fibre écologiste, cette socialiste récemment
vice-présidente du Congrès des députés, puis
ministre du Logement, est aussi catalane et catalaniste, donc moins sensible
que les généraux à "l'unité sacrée" de la
patrie.
Pour comble, elle porte depuis longtemps une auréole de pacifiste,
lustrée par ses premières déclarations en qualité
de ministre de la Défense. Interrogée par la télévision
publique sur sa philosophie de pareille charge, Carme Chacon a répondu:
"Il faut continuer à progresser dans l'identification entre la société
espagnole et ses forces armées. J'assume ce rapprochement comme un
défi". Et d'évoquer, pour y parvenir, un engagement plus marqué
des militaires dans "les missions de paix" et lors de "catastrophes naturelles".
Peut-être est-ce parce que la droite, en l'occurrence le Parti Populaire
(PP) de Mariano Rajoy, a souvent accusé M. Zapatero de vouloir transformer
l'armée en simple ONG que Carme Chacon a tout de même mentionné,
mais en dernier lieu, "la défense de la souveraineté nationale"
comme tâche des forces espagnoles.
Inédit aussi au royaume de Juan Carlos Ier, le portefeuille de l'Egalité
est confié à une inconnue qui ne l'est déjà plus,
Bibiana Aido, 31 ans. Elle abandonne pour ce noble labeur celui de directrice
de ... l'Agence andalouse de développement du flamenco! Devant les
journalistes et sans castagnettes, José Luis Rodriguez Zapatero n'a
pas caché sa fierté d'avoir créé ce ministère
"pour la première fois dans l'histoire de l'Espagne, avec la ministre
la plus jeune qu'ait jamais eue notre pays".
Le président du gouvernement octroie une "grande portée politique"
à ce ministère de l'Egalité. Il doit, précise
M. Zapatero, "faire appliquer la loi sur l'égalité [entre hommes
et femmes] dans les entreprises, dans l'administration, dans chaque centre
de travail, dans toute la société". Il coiffera aussi "la lutte
contre la violence familiale, contre le machisme criminel" et "l'amélioration
pour les femmes de l'accès à l'emploi".
Il s'agit donc de faire la police de l'égalité des sexes, mais
non de l'égalité des chances ni de l'égalité
tout court. Le nouveau ministère sera-t-il une succursale de celui
de l'Intérieur? Reflètera-t-il l'émergence d'un intégrisme
féministe? Plusieurs juristes et journalistes relevaient notamment,
ces derniers mois, qu'un appel téléphonique d'une femme se
disant à tort ou à raison menacée par son conjoint suffit
à faire emporter ce dernier dans un véhicule de police avec
gyrophare et sirène. Il ne pourra s'expliquer qu'au commissariat. Son nom et sa
photo surgiront sur les sites Internet des médias le même jour.
Coupable ou non, il aura perdu la considération du voisinage
et peut-être même son emploi.
Quant à la majorité gouvernementale féminine, troisième
innovation autoapplaudie par M. Zapatero, elle tient en neuf dames ou demoiselles
contre huit messieurs ministres. Même la machiste Colombie, fille de
l'empire espagnol, peut en faire autant ou presque. Le premier gouvernement
du président conservateur colombien Alvaro Uribe, formé en
juin 2002, comptait 6 femmes parmi ses 13 ministres. Elles détenaient
notamment les portefeuilles de la Défense et des Relations extérieures.
Sans être, lui, classé au chapitre du jamais vu, un ministère
de la Science et de l'Innovation inexistant lors de la législature
antérieure contribue au renouvellement de l'exécutif. Cinq
ministres le sont pour la première fois. Mais, sauf à la Défense,
les poids lourds du gouvernement précédent restent en place,
notamment Maria Teresa Fernandez de la Vega (première vice-présidente
et ministre de la Présidence), Pedro Solbes (deuxième vice-président
et ministre de l'Economie et des Finances), Miguel Angel Moratinos
(Affaires extérieures), Alfredo Perez Rubalcaba (Intérieur),
Mariano Fernandez Bermejo (Justice) et Mercedes Cabrera (Education).
José Luis Rodriguez Zapatero qualifie sa nouvelle équipe de
"cohérente", car assurant "les trois piliers" de son action politique
au cours des quatre prochaines années: croissance économique
à forte valeur ajoutée, affrontement de "manière intégrale"
des défis du changement climatique et égalité hommes-femmes,
qui jouira de "toutes les mesures et volontés politiques".
A gauche de la gauche socialiste, le leader écolo-communiste Gaspar
Llamazares croit que le nouveau gouvernement incarne "un virage au centre
droit" de M. Zapatero. Il s'inquiète, comme Greenpeace, de la disparition
d'un ministère de l'Environnement à part entière, englobé
aujourd'hui, comme celui de l'Agriculture, dans un ministère de l'Environnement et du Milieu rural
et marin.
Mariano Rajoy, chef de la droite et président du Parti Populaire,
espère pour sa part que ce "gouvernement de continuité s'occupera
de ce qui importe aux Espagnols, la sécurité, la santé,
l'immigration et surtout l'économie".
Comme la presse, M. Rajoy fait grand cas d'indicateurs qui annoncent la fin du miracle
économique espagnol, étalé sur près de quinze années
consécutives. L'inflation interannuelle de 4,5% relevée fin mars est la plus
élevée depuis 1995. Quant au taux de croissance de l'Espagne en 2008, le Fonds
monétaire international vient de l'évaluer à 1,8%, contre 3,8% en 2007.