Espagne - Zapatero : signes identitaires du socialisme zapatériste
MADRID, mardi 15 avril 2008 (LatinReporters.com) -
Prudence économique, radicalisme sociétal, "felipisation" de la politique régionale
de l'Espagne et défense du multilatéralisme dans les relations
internationales domineront la gestion du socialiste José Luis Rodriguez
Zapatero, qui entame sa seconde législature avec un gouvernement à
majorité féminine.
M. Zapatero, désormais conditionné par la forte décélération
de l'économie, maintiendra, estime LatinReporters, une politique économique et
financière relativement peu redistributive,
naviguant entre centre droit et centre gauche. L'accent sera mis, avec retard,
sur le développement de secteurs à forte innovation technologique.
Au nom de la relance, le président du gouvernement incitera patronat
et syndicats à conclure un pacte global.
Comme lors de la législature précédente, le "progressisme"
du socialisme espagnol relèvera surtout, parfois jusqu'au radicalisme,
de mesures sociétales (égalité hommes-femmes, aménagement
travail-famille, relance éventuelle du débat sur l'euthanasie
et l'élargissement des critères autorisant l'avortement, révision
des relations avec l'Eglise, effacement des vestiges architecturaux du franquisme,
etc.).
Continuant d'accepter, voire d'encourager une actualisation des autonomies
régionales, M. Zapatero semble toutefois plus enclin aujourd'hui à
souligner nettement les limites constitutionnelles pour canaliser le souverainisme
basque et catalan. A son "Espagne plurielle" prônée en 2004,
le président du gouvernement préfère désormais
"l'Espagne unie et diverse", expression à connotation moins centrifuge
et moins idéologique.
Cette courbe rentrante pourrait témoigner d'une "felipisation" du socialisme
zapatériste, par référence à la modération
progressive du premier chef de gouvernement socialiste du post-franquisme,
Felipe Gonzalez (1982-1996). Passant du marxisme à la social-démocratie,
Felipe, comme on l'appelle communément, fit notamment approuver par
référendum le maintien de l'Espagne dans l'OTAN après
en avoir prôné la sortie. La "felipisation" peut être
définie comme une dilution partielle de l'idéalisme dans la
realpolitik.
Le néoréalisme touchera aussi l'immigration. Après avoir
élevé l'Espagne au rang de championne européenne de l'accueil
de migrants, M. Zapatero admet actuellement que "nous devrons promouvoir
des formules nouvelles incitant les immigrés qui pourraient perdre leur
travail ces prochains mois à rentrer dans leur pays".
Sur le plan extérieur, multilatéralisme et soutien de l'Organisation
des Nations unies comme garante de la légalité internationale
et de la paix resteront des signes identitaires du socialisme zapatériste.
Les appels de José Luis Rodriguez Zapatero à la paix dans le monde sont plus sonores
que ses rares appels au respect des libertés dans certains pays montrés du doigt par les
organisations de défense des droits humains.
Le leader socialiste applaudirait une relève démocrate à
la présidence des Etats-Unis. L'Espagne continuera à miser
sur son rôle présumé de pont entre l'Europe et l'Amérique
latine, son influence dans l'une de ces régions accentuant sa séduction
sur l'autre. La dimension arabe, méditerranéenne et africaine
de la diplomatie espagnole sera de plus en plus conditionnée par la
politique extérieure commune de l'Union européenne.
La lutte énergique que l'Espagne socialiste déclare vouloir
mener contre les causes supposées de ce qu'il est convenu d'appeler le changement climatique
relève aussi partiellement des relations internationales, mais autant sinon davantage de
l'économie intérieure et de la conscientisation de la société espagnole.
L'évolution du zapatérisme est loin d'être conclue. Le
socialiste Jesus Caldera, ministre du Travail lors de la législature
précédente, vient en effet d'être chargé par M.
Zapatero de fusionner quatre fondations du Parti socialiste ouvrier espagnol
(PSOE) pour bâtir ce que le chef du gouvernement appelle déjà
"la plus grande fabrique d'idées" du socialisme national et international.