MADRID, lundi 21 décembre 2015 (LatinReporters.com) - Au lendemain des élections législatives du 20 décembre, l'Espagne ignore qui la gouvernera au cours des quatre prochaines années. Les alliances les plus vraisemblables devraient écarter du pouvoir le Parti Populaire (PP, droite gouvernementale). Après la Grèce et le Portugal, l'austérité imposée par l'Union européenne continue à modifier le paysage politique de l'Europe du sud.
Le prochain président du gouvernement, théoriquement autonome pour former son cabinet, devra être élu par les 350 députés du Congrès qui s'installera le 13 janvier 2016. Quoique demeurant la première formation, le Parti Populaire de Mariano Rajoy s'est effondré et a perdu sa majorité absolue (28,7 % des voix et 123 élus contre 44,6 % et 186 en 2011).
L'appoint qu'il escomptait de Ciudadanos (40 élus), parti émergent de centre droit, ne suffira pas au PP, isolé sur l'échiquier politique par son intransigeance dans tous les domaines lors de la législature sortante, surtout dans l'imposition de l'austérité, dans la restriction des libertés et dans ses rudes relations avec le nationalisme catalan.
Force déterminante des nationalistes et indépendantistes basques et catalans
L'alliance la plus plausible pour réunir une majorité absolue d'au moins 176 députés pourrait unir le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE, social-démocrate, 22 % et 90 élus), Podemos (gauche alternative issue du mouvement des indignés, 20,6 % et 69 élus avec candidatures associées) et les écolos-communistes de Gauche unie (IU, 2 élus), avec l'appoint de nationalistes et/ou indépendantistes catalans et/ou basques. Ces derniers totalisent la quantité déterminante de 25 députés.
« Une nouvelle Espagne est née aujourd'hui » s'est exclamé dimanche soir
le secrétaire général de Podemos, Pablo Iglesias. Déclarant terminé le bipartisme qui, plus de 30 ans durant, fit alterner au pouvoir le PP et le PSOE, il a affirmé que les députés de son parti travailleront pour « blinder dans la Constitution les droits fondamentaux », tels que le logement, l'éducation et la santé publique.
Il a prôné une réforme de la Charte fondamentale pour y introduire « la motion de confiance citoyenne » qui pourrait censurer à mi-mandat des gouvernants qui ne respecteraient pas leurs promesses électorales.
Il a en outre estimé que Podemos « première force en Catalogne et au Pays basque », est « l'unique parti national » capable de conduire la négociation d'un « nouvel accord territorial en Espagne ».
Pour le PSOE, également en recul par rapport aux législatives de 2011, le plus difficile sera d'assimiler la force de Podemos, créé en janvier 2014 et sans lequel le socialisme historique serait assuré de quatre ans supplémentaires d'opposition.
Élégance socialiste
Quoique la logique des chiffres le désigne comme chef de gouvernement potentiel, le secrétaire général du PSOE, Pedro Sanchez, a eu l'élégance de reconnaître la première place du PP, l'invitant à tenter de former une majorité gouvernementale.
Il rejoint ainsi, du moins provisoirement, la prétention du chef du PP et président du gouvernement sortant, Mariano Rajoy. Célébrant de manière surréaliste «notre nouvelle victoire » au balcon du siège madrilène de son parti, il a martelé que « celui qui gagne les élections doit tenter de former le gouvernement ».
Mariano Rajoy s'y efforcera en recherchant « un appui parlementaire stable garantissant les intérêts généraux des Espagnols », afin de poursuivre les réformes dont l'Espagne aurait encore besoin. Le problème est que seule une grande coalition à l'allemande entre conservateurs du PP et socialistes du PSOE garantirait la stabilité qu'il a invoquée.
Aussi faudra-t-il attendre l'ouverture de la nouvelle législature, le 13 janvier, pour que le PP démontre sa probable incapacité à obtenir le soutien d'une majorité parlementaire. Le brouillard politique ne se dissipera donc pas avant plusieurs semaines en Espagne.
La surprise serait, comme le suggèrent quelques analystes, que les socialistes s'abstiennent lors du vote d'investiture du président du gouvernement pour permettre à Mariano Rajoy de former un cabinet minoritaire.
Espagne, Grèce et Portugal
Les législatives espagnoles ont clôturé une année de changement électoral en Europe du Sud, avec la victoire de la gauche radicale d'Alexis Tsipras en Grèce au début de l'année, et au Portugal l'arrivée au pouvoir en octobre d'une coalition de partis de gauche, renversant la droite, pourtant première en nombre de voix, un scénario en voie de se répéter en Espagne.
L'Espagne étant la quatrième économie de la zone euro, un hypothétique front commun Madrid-Athènes-Lisbonne en faveur de politiques économiques expansives au sein de l'Union européenne serait un défi de poids lancé à la Commission de Bruxelles et à la chancelière allemande Angela Merkel.
Les marchés financiers pourraient-ils refroidir pareille initiative sans risquer d'ouvrir en Europe une nouvelle crise économique et politique de dimension inconnue ?