Retour"Espoir" et "prudence" du chef du gouvernement, le socialiste Zapatero Espagne-Pays basque: "Cessez-le-feu permanent" de l'ETA
Image de la vidéo envoyée à la TV basque par l'ETA pour annoncer un cessez-le-feu Vidéo-photo ETB
MADRID, mercredi 22 mars 2006 (LatinReporters.com) - Un "cessez-le-feu permanent à partir du
24 mars" a été annoncé mercredi par l'organisation séparatiste
basque ETA. Le chef du gouvernement espagnol, le socialiste José Luis
Rodriguez Zapatero, en a pris acte avec "espoir" et "prudence", évoquant
l'ouverture d'un "processus long et difficile" menant peut-être à
la paix.
Le paysage audio-visuel espagnol était totalement bouleversé
dès mercredi midi par les émissions spéciales et les
réactions nées d'une vidéo de l'ETA. Une militante du
groupe indépendantiste, entourée de deux compagnons, tous encagoulés,
y annonce le cessez-le-feu. [Ci-dessous, transcription intégrale de
la vidéo]. Envoyé à la Radio-TV basque, ce message
a été rediffusé maintes fois par toutes les chaînes
du pays. "Une nouvelle historique!" s'est exclamée une présentatrice
de la télévision publique espagnole.
M. Zapatero avait reçu l'an dernier l'aval du Parlement pour dialoguer
avec l'ETA si elle renonçait définitivement à une violence
qui a fait plus de 800 morts et 2.000 blessés depuis 1968.
Interpellé mercredi après-midi au Congrès des députés
par divers groupes parlementaires, M. Zapatero s'est montré circonspect,
mais en se gardant de renoncer à l'ouverture d'un processus de paix.
"Après le communiqué de l'ETA, a-t-il dit, nous avons devant
nous un processus de travail qu'il nous faudra parcourir avec prudence,
calme et sérénité... Après tant d'années
d'horreur et de terreur, ce processus sera long et difficile".
Il a lancé un appel au Parti Populaire (PP, opposition conservatrice),
assurant son président, Mariano Rajoy, que "la démocratie nécessite
la collaboration du principal parti de l'opposition". M. Zapatero a exprimé
sa "confiance que l'espoir nous unisse désormais".
M. Rajoy conditionne son appui au refus de payer un prix politique quelconque
à l'ETA, au respect des victimes du terrorisme et "au maintien des obligations" de la justice, de la
police et des autorités pénitentiaires à l'égard des indépendantistes. Selon
le leader conservateur, "le communiqué de l'ETA n'est pas celui que
nous attendions", car "l'organisation terroriste n'annonce pas sa dissolution,
elle n'exprime aucun repentir, elle rappelle ses objectifs et nous impose
ses conditions".
Le président du PP souligne en outre que l'ETA avait
annoncé dans le passé plusieurs trêves sans lendemain et il
croit qu'il s'agit simplement aujourd'hui d'une nouvelle "pause".
Le porte-parole de la Conférence épiscopale espagnole est "réjoui"
du cessez-le-feu de l'ETA. Comme Mariano Rajoy et comme les associations
de victimes du terrorisme, l'Eglise regrette néanmoins que l'ETA n'ait
pas annoncé sa dissolution.
Globalement, l'optimisme teinté de prudence semble l'emporter en
Espagne sur
le pessimisme, malgré au moins deux tentatives frustrées de négociation
entre Madrid et les séparatistes, en 1989 à Alger et en 1999 à Zurich.
Le président du gouvernement régional basque,
le nationaliste Juan José Ibarretxe, estime que "l'ETA a enfin
écouté la société basque... Une fenêtre
s'ouvre à l'espoir et personne ne doit la fermer".
La presse du Pays basque s'attend à la publication imminente d'un autre communiqué de l'ETA.
Message vidéo de l'ETA diffusé le 22
mars 2006. Traduction: LatinReporters.
"Message de Euskadi Ta Askatasuna au Peuple basque
Euskadi Ta Askatasuna [ETA, le Pays basque et sa liberté; ndlr]
a décidé de déclarer un cessez-le-feu permanent à
partir du 24 mars 2006.
L'objectif de cette décision est d'impulser un processus démocratique
en Euskal Herria [Patrie basque; ndlr] pour construire un nouveau cadre dans
lequel soient reconnus les droits qui nous reviennent en tant que Peuple
et en assurant face au futur la possibilité de développer toutes
les options politiques.
A la fin de ce processus, les citoyens basques doivent avoir la parole et
décider de leur futur.
Les Etats espagnol et français doivent reconnaître les résultats
de ce processus démocratique, sans aucun type de limitation. La décision
que nous, citoyens basques, adopterons sur notre notre futur devra être
respectée.
Nous appelons tous les agents [de la société; ndlr] à
agir de manière responsable et d'être conséquents avec
le pas franchi par l'ETA.
L'ETA appelle les autorités de l'Espagne et de la France à
répondre positivement à cette situation nouvelle, abandonnant
la répression.
Enfin, nous appelons les citoyens et citoyennes basques à s'impliquer
dans ce processus et à lutter pour les droits qui nous reviennent en tant que Peuple.
L'ETA montre son désir et sa volonté que le processus ouvert
aille jusqu'au bout, aboutissant ainsi à une véritable situation
démocratique en Euskal Herria, surpassant un conflit qui dure depuis de longues années
et construisant une paix fondée sur la justice.
Nous réaffirmons notre engagement à continuer dans le futur
à faire des pas répondant à cette volonté.
Le dépassement du conflit, ici et maintenant, est possible. C'est
le désir et la volonté de ETA."
Commentaires sur des points essentiels du communiqué de l'ETA:
L'annonce d'un "cessez-le-feu", en outre "permanent", semble aller au-delà
des nombreuses trêves, par définition temporaires, observées
dans le passé par l'ETA. Mais ce cessez-le-feu n'est pas encore un adieu aux armes.
En revendiquant le droit des Basques à décider de leur futur
dans le cadre de l'Euskal Herria (Patrie basque) et en exigeant le respect de cette
décision par l'Espagne et par la France, l'ETA maintient ses deux
grandes revendications historiques sans les nommer explicitement: l'autodétermination
et la territorialité. L'Euskal Herria comprend aussi la Navarre et
le Pays basque français, considérés comme territoires
basques tant par l'ETA que par les nationalistes modérés.
En appelant l'Espagne et la France à "abandonner la répression",
l'ETA réclame quasi explicitement la suspension des actions
policières et judiciaires contre ses militants. Si elle concernait aussi des délits
déjà commis, cette revendication se heurterait au respect de l'Etat
de droit, tant en France qu'en Espagne.
Considérée par l'ETA comme partie au conflit, la France est
priée par les séparatistes de contribuer elle aussi à la paix. Or, malgré
l'action de la police française contre les indépendantistes au Nord des
Pyrénées, Paris estime, officiellement du moins, que le problème de l'ETA
relèverait uniquement de l'Espagne dès qu'il s'agit d'en traiter les aspects politiques.