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Après le cessez-le-feu des indépendantistes basques, le président du gouvernement espagnol s'explique dans El Pais Espagne, ETA et la paix: "situation historique" dit Zapatero, inspiré par le précédent de l'IRA
Sans renier la "prudence" qu'il exprimait dès l'annonce du cessez-le-feu, M. Zapatero privilégie désormais l'optimisme que soulève l'espoir de la fin de 38 ans de terrorisme basque. "Toutes distances gardées, le moment politique ouvert par la déclaration de cessez-le-feu est plus proche de ce qu'a pu être le processus de consolidation de la démocratie que du combat politique normal" affirme le leader socialiste au pro-gouvernemental El Pais. Voilà donc la situation présente de l'Espagne, ou du moins du Pays basque, comparée à celle mêlée d'espoir et d'inquiétudes vécue lors de la transition démocratique, dans les années suivant la mort du général-dictateur Francisco Franco! Estimant que le début d'un processus de paix au Pays basque pourrait être le plus grand triomphe de M. Zapatero au cours de cette législature, les intervieweurs lui demandent s'il envisage d'anticiper les élections. "Il serait manifestement irresponsable d'introduire un processus électoral au milieu de cette situation historique" répond le chef du gouvernement. Le dirigeant socialiste admet implicitement avoir été contacté par l'ETA dès août 2004. Il précise que les messages adressés par les indépendantistes aux gouvernements précédents "étaient très fréquents" et il explique pourquoi, à ses yeux, le cessez-le-feu annoncé le 22 mars serait différent des diverses trêves sans lendemain proclamées dans le passé par l'ETA. "C'est la première fois, dit-il, que l'ETA décrète un cessez-le-feu permanent, avec ce que ce mot [permanent] signifie, ce qui évoque manifestement la déclaration [de cessez-le-feu des Irlandais] de l'IRA en 1994. Deuxièmement, il y a l'explication même, la volonté d'ouvrir un processus démocratique, de ce cessez-le-feu permanent. Le langage et le contenu [du communiqué de l'ETA] sont inédits dans les façons de s'exprimer de l'organisation terroriste. Et troisièmement, il s'agit d'un processus de trois ans sans victimes mortelles [depuis mai 2003, l'ETA n'a plus tué, commettant néanmoins de nombreux attentats] et sûrement d'une réflexion profonde de tout ce que nous pouvons appeler la gauche abertzale [patriote basque]". Un effet de dissuasion sur l'ETA des attentats islamistes de Madrid (191 morts et près de 2.000 blessés le 11 mars 2004) est en outre assumé par José Luis Rodriguez Zapatero. Selon lui, "la répulsion sociale, civique et morale à l'égard de ces attentats fut aussi grande au Pays basque que dans l'ensemble de l'Espagne, mettant en évidence le manque radical de raison et la folie que suppose le fait de tuer des innocents". "Dans toutes les conversations que j'ai tenues avec [le Premier ministre britannique] Tony Blair, nous avons toujours parlé du terrorisme, de l'ETA, de l'IRA et de la façon dont se déroula le processus [d'abandon de la violence de l'IRA]" révèle M. Zapatero. Il a eu aussi "des conversations très intéressantes" avec le Premier ministre irlandais, Bertie Ahern. L'expérience irlandaise permet à M. Zapatero de tirer "trois conclusions décisives" pouvant s'appliquer au processus avec l'ETA: "Travailler dans la discrétion, créer des liens de confiance et ne pas prétendre tout résoudre en une seule étape. Il faut avancer pas à pas". Le chef du gouvernement espagnol indique qu'avant l'été "le dialogue, voire la négociation" pourrait s'ouvrir "avec la bande terroriste si l'ensemble des forces politiques" confirme l'aval donné au gouvernement par le Congrès des députés. En mai 2005, la Chambre basse autorisait le gouvernement à ouvrir un dialogue avec l'ETA si elle renonçait à la violence. Qualifiant de "point de départ suffisant" le cessez-le-feu permanent annoncé par l'ETA, M. Zapatero veut néanmoins vérifier, au cours des deux ou trois prochains mois, si cela signifie "la volonté d'abandonner définitivement la violence". Outre les attentats, le gouvernement n'admettra ni le vandalisme urbain (la kale borroka) ni l'impôt révolutionnaire exigé sous la menace par les commandos séparatistes à divers professionnels et sociétés. M. Zapatero affirme disposer d'une feuille de route. Il ne la dévoile pas, car "pour gagner une bataille de cette nature, l'important est de ne pas révéler la stratégie". Mais il réclame "le concours de toutes les forces politiques, très particulièrement du Parti populaire" (PP, droite) et il promet "mémoire, compréhension et appui" aux victimes du terrorisme. Lorsqu'il se dit convaincu que les victimes ou leurs proches seront "à la hauteur des circonstances" et que les juges "sont pleinement conscients du moment que nous vivons", José Luis Rodriguez Zapatero sollicite sans doute la générosité de la société et de ses institutions. Les principales associations des victimes du terrorisme et le PP, qui avaient organisé ces derniers mois de gigantesques manifestations contre une négociation avec l'ETA, ont effectué ce week-end un virage remarqué. Les premières admettent que l'actuel cessez-le-feu pourrait être "le point initial d'un processus qui conduira à la fin du terrorisme", à condition toutefois que les terroristes apparaissent clairement comme les vaincus, et elles appellent à l'unité des partis. Quant au chef de la droite, Mariano Rajoy, il a offert sa collaboration "constructive" au gouvernement pour obtenir la fin de l'ETA, mais sans "tomber dans le syndrome de Stockholm". Parmi les sondages publiés dimanche en Espagne, celui d'El Pais souligne notamment que 61,9% des Espagnols sont hostiles à des mesures de grâce en faveur des prisonniers de l'ETA et que 47,6% perçoivent le cessez-le-feu "avec espoir", contre 45% l'accueillant "avec scepticisme". Le sondage du quotidien El Mundo (centre droit) indique que 68,4% des Espagnols acceptent une négociation avec l'ETA, mais 75,5% de ceux qui y consentent veulent qu'elle ne porte que sur le dépôt des armes.
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