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Banc d'essai à moins d'un an des législatives de 2008 Espagne - Elections municipales et régionales : "Où est le front?"
Analyste politique Directeur de LatinReporters MADRID, samedi 26 mai 2007 (LatinReporters) - Qui sera élu président? Où est le front? On se poserait volontiers ces questions, car les deux grands d'Espagne de la politique, le socialiste Zapatero et le conservateur Rajoy, non candidats mais omniprésents comme s'ils briguaient la présidence du pourtant Royaume, ont frappé les tambours de guerre pour les élections municipales et régionales du 27 mai, banc d'essai des législatives de 2008. Guerre d'Irak, guerre civile espagnole et guerre terroriste de l'ETA ont fait farine au mauvais moulin des spots et meetings électoraux. C'est presqu'au bruit du canon que les deux Espagne bien redessinées, celles de gauche et de droite, vont renouveler leurs 8.111 conseils municipaux et 13 des 17 parlements régionaux. Catalogne, Galice, Andalousie et Pays basque ne sont pas concernés par cette phase du scrutin régional. Le rappel du conflit irakien a été pendant la campagne électorale l'une des constantes du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) du chef du gouvernement, José Luis Rodriguez Zapatero. Direct ou induit, le message était cristallin: nous, socialistes, avons ramené nos troupes d'Irak et défendons la paix; vous, vilains fachos du Parti populaire (PP, droite) avez soutenu les aventures guerrières de Bush sous le gouvernement d'Aznar, dont Mariano Rajoy (actuel président du PP) est l'héritier. Et en plus, vous êtes des menteurs, ajoutent les socialo-zapatéristes, rappelant que le PP persiste à tenter d'impliquer les indépendantistes basques de l'ETA dans les attentats de Madrid (191 morts, 1.824 blessés) perpétrés le 11 mars 2004, trois jours avant les élections législatives, par des islamistes se réclamant de la mouvance d'Al-Qaida. Traitant le PP de "reflet du passé" et de "droite extrême" (mais pas encore "d'extrême droite"...), Zapatero a rehaussé son discours guerrier de larges pincées du miracle économique espagnol (hérité de deux législatures du PP) et de la révolution sociale en cours, insistant beaucoup dans les meetings sur la nouvelle parité homme-femme et pas du tout -tiens, tiens- sur le mariage entre homosexuels avec droit à l'adoption d'enfants légalisé en 2005 à grandes volées de cloches médiatiques. A moins d'un an des élections législatives de 2008, les municipales et régionales ont l'allure d'un baromètre grandeur nature. On attend avec d'autant plus d'intérêt les résultats du 27 mai que depuis le coup de pouce des bombes d'Al-Qaida pour remporter les législatives du 14 mars 2004, les socialistes de José Luis Rodriguez Zapatero n'ont plus rien gagné, si l'on excepte leur insignifiante victoire étriquée aux européennes du 13 juin 2004 (PSOE 43,3% - PP 41,3%), ternie par une abstention de 54%. Devancés aux élections régionales tant au Pays basque (17 avril 2005) qu'en Galice (19 juin 2005) et en Catalogne (1er novembre 2006), les socialistes ne codirigent ces deux dernières régions que par alliance avec des gauches minoritaires indépendantistes. L'exercice du pouvoir par ces coalitions centrifuges de perdants accélère la renaissance des deux Espagne antagonistes. A droite, le message est tout aussi simplifié. Se réclamant d'un "libéralisme du centre", Mariano Rajoy et son PP, enhardis par le récent triomphe de Nicolas Sarkozy à la présidentielle française, veulent convertir les votes du 27 mai en plébiscite sur la politique antiterroriste chancelante du gouvernement Zapatero. La paix définitive avec les terroristes indépendantistes basques de l'ETA était pour le gouvernement socialiste l'un des grands axes de la législature qui se terminera en mars ou avril 2008. Mais cette paix reste introuvable. "Zapatero sollicite votre vote pour légitimer ses concessions à l'ETA et suivre cette même ligne dans le futur. Moi, je le fais pour défendre la liberté et obtenir la défaite de la bande terroriste" s'exclame Mariano Rajoy. Aznar dramatise en évoquant l'époque de la guerre civile L'ex-chef de gouvernement conservateur José Maria Aznar, aujourd'hui président d'honneur du PP, a gonflé le discours de Rajoy en affirmant que "chaque vote qui n'ira pas au PP sera un vote pour permettre à l'ETA d'entrer dans les institutions". Et Aznar de dramatiser, accusant Zapatero de recréer la situation dans laquelle "la moitié de l'Espagne n'accepte plus l'autre moitié, ce qui nous conduisit au pire de notre histoire il y a 70 ans". Une allusion très critiquée à la guerre civile de 1936-1939. Dans ce contexte, le projet de loi socialiste dit de la Mémoire historique viserait, selon le PP, à "déterrer les morts de la guerre civile" afin que la gauche prenne enfin sa revanche sur la déjà lointaine dictature franquiste. Vendredi soir à Madrid, la présidente de la Région capitale, l'étoile du PP Esperanza Aguirre, dont les sondages prédisent la réélection, proclamait que "l'Espagne est une grande nation qui ne mérite pas un président [du gouvernement, José Luis Rodriguez Zapatero] soumis au chantage des terroristes" [de l'ETA]. Le PP surfe sur la résistance de larges couches de la population à la politique territoriale de M. Zapatero. Ce dernier a favorisé un élargissement de l'autonomie de la Catalogne si polémique du point de vue de l'égalité entre Espagnols que même le Défenseur du peuple, le socialiste Enrique Mugica, en a saisi le Tribunal constitutionnel. Le parti de Mariano Rajoy dénonce plus encore les concessions présumées faites par M. Zapatero aux indépendantistes basques radicaux dans l'espoir de mener à bien avec l'ETA un processus dit de paix théoriquement suspendu depuis l'attentat du 30 décembre 2006 contre l'aéroport de Madrid. Sur les 256 listes de candidats présentées au Pays basque et en Navarre par l'Action nationaliste basque (ANV) que soutient Batasuna, vitrine politique de l'ETA, 123 ont été acceptées. Quoiqu'indignés par ce tamisage, les indépendantistes basques radicaux vont donc à nouveau entrer dans des mairies et y bénéficier d'un salaire public. Le défunt Pacte antiterroriste PP-PSOE les en avait empêchés par l'application ferme de la Loi sur les partis aux élections locales de 2003. Les sondages, souvent contredits par la réalité en Espagne, dessinent une carte municipale et régionale globalement stable. La droite conserverait la majorité absolue dans ses grandes citadelles, dont la ville et la région de Valence et surtout la ville et la région de Madrid. Le maire PP de la capitale, Alberto Ruiz-Gallardon, devrait écraser Miguel Sebastian, candidat à la mairie désigné personnellement par Zapatero, dont il fut le conseiller économique. Aussi d'éventuels reculs du PP, par exemple aux Baléares, seraient-ils d'importance secondaire, sauf en Navarre. Une éventuelle perte, au parlement régional de la Navarre, de la majorité absolue de la droite menée par l'Union du peuple navarrais, marque locale du PP, permettrait aux socialistes de former là aussi une coalition centrifuge de perdants et d'orienter la Navarre vers une fusion progressive avec le Pays basque. L'un des objectifs historiques de l'ETA, mais aussi des nationalistes basques dits modérés, serait alors comblé. © LatinReporters.com - Amérique latine - Espagne
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