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Accusant Felipe Calderon de "fraude" électorale, Lopez Obrador s'est autoproclamé "président légitime" Le Mexique a deux présidents: actif et passif d'une imposture
Analyste politique Directeur de LatinReporters MEXICO / MADRID, jeudi 23 novembre 2006 (LatinReporters.com) - Prêtant serment comme "président légitime" autoproclamé du Mexique, le 20 novembre à Mexico devant des dizaines de milliers de sympathisants, le leader du Parti de la Révolution démocratique (PRD, gauche), Andres Manuel Lopez Obrador, a consumé une imposture qui secoue la démocratie, quoique pouvant l'aérer. Imposture, car ni les observateurs de l'Union européenne, des Nations unies et de l'Organisation des Etats américains, ni les délégués d'organisations non gouvernementales mexicaines ni même les représentants des partis dans chaque bureau de vote pour les élections présidentielle et législatives mexicaines du 2 juillet dernier n'avaient fait état ce jour-là d'irrégularités significatives pouvant concrétiser la "fraude" invoquée par Lopez Obrador pour refuser la courte victoire de Felipe Calderon, candidat du Parti de l'Action nationale (PAN, conservateur) du président sortant Vicente Fox. Le Mexique affiche ainsi un surplus démocratique étonnant avec ses deux et même trois présidents, l'autoproclamé, l'élu et le sortant. Annoncés par l'Institut fédéral électoral après deux décomptes successifs et confirmés le 5 septembre par le Tribunal fédéral électoral saisi par le PRD, les résultats de l'élection présidentielle ont désigné Felipe Calderon (35,89% des suffrages contre 35,31% à Lopez Obrador), comme successeur de Vicente Fox, qui transmettra ses pouvoirs le 1er décembre prochain. Au Mexique, il n'y a pas de second tour et le vainqueur est le candidat obtenant le plus de voix. Paradoxalement, Lopez Obrador et le PRD n'ont pas contesté le résultat des législatives concomitantes de la présidentielle du 2 juillet. Elles ont été remportées également, à la majorité relative, par le PAN de Felipe Calderon (206 des 500 députés et 52 des 128 sénateurs), devant le PRD de Lopez Obrador (115 députés, 29 sénateurs) et l'historique Parti Révolutionnaire institutionnel (PRI, droite populiste, 105 députés et 33 sénateurs). La nouvelle représentation parlementaire du PRD est la plus importante qu'il ait jamais obtenue. Pendant deux mois, jusqu'à la mi-septembre, l'immense place du Zocalo de Mexico et des avenues commerçantes du centre de la capitale furent occupées, nuit et jour, par des milliers de militants du PRD et de petits partis alliés dont Lopez Obrador était aussi le candidat présidentiel. Par cette "résistance civile", le leader du PRD disait répondre au "coup d'Etat" électoral qu'auraient ourdi le président Vicente Fox, Felipe Calderon, le PAN, le patronat et la Justice au travers d'une "fraude" massive pour "voler la victoire" à la gauche. "Qu'ils aillent au diable avec leurs institutions!" s'exclamait alors Lopez Obrador. "On a volé" l'élection présidentielle mexicaine prétendait à son tour, à la mi-septembre sur la chaîne de télévision américaine CNN, le président vénézuélien Hugo Chavez, confirmant son parti pris trop manifeste qui aurait contribué, selon plusieurs analystes, à la défaite du candidat de la gauche. Ancien maire de Mexico, toujours gouvernée par son parti, Lopez Obrador utilise la capitale comme tribune et quartier général. Le 16 septembre, sur la place du Zocalo, il s'y autoproclamait devant une multitude "président légitime". Le 20 novembre, jour de commémoration de la Révolution de 1910, Lopez Obrador revenait sur le Zocalo pour inaugurer sa "présidence légitime" au son de l'hymne national, prêtant serment couvert d'une écharpe présidentielle. Il présentait alors à la foule son gouvernement parallèle de 12 secrétaires (ministres), six femmes et six hommes choisis, la plupart, parmi ses anciens collaborateurs à la mairie de Mexico. Députés et sénateurs du PRD et de partis alliés prétendent empêcher, le 1er décembre au Congrès, l'investiture de Felipe Calderon pour un mandat présidentiel de six ans. Qu'on la dénomme imposture, usurpation ou rébellion, l'aventure de Lopez Obrador serait un véritable coup d'Etat si elle était appuyée par l'armée. Ses conséquences négatives sont facilement identifiables: risque durable d'affrontements politiques violents, dont la longue révolte dans l'Etat d'Oaxaca, quoique répondant à d'autres motifs, montre l'amplitude possible; division et discrédit de la gauche mexicaine, qui voit hypothéquée la possibilité de se présenter à court et moyen terme comme une alternative crédible (la popularité de Lopez Obrador est en chute libre dans les sondages et dans son Etat natal de Tabasco le candidat du PRD au poste de gouverneur vient d'être sèchement battu); risque d'accroissement du chômage, consécutif aux doutes d'investisseurs sur la stabilité du Mexique; fissure du renouveau démocratique ouvert en 2000 par la fin de quasi trois quarts de siècle de pouvoir ininterrompu du PRI et risque de contagion en Amérique latine du refus d'assumer des résultats électoraux adverses. Le fondateur et leader moral du PRD, Cuauhtémoc Cardenas, critique "l'intolérance" et "l'attitude dogmatique" de Lopez Obrador et qualifie "d'erreur crasse" sa décision de ne pas reconnaître le président élu Felipe Calderon. Les gouverneurs "perredistas" (du PRD) des Etats du Michoacan et du Chiapas bravent eux aussi Lopez Obrador en acceptant la victoire du candidat du PAN à la présidentielle. Quant aux conséquences positives que des optimistes ou des partisans de Lopez Obrador mettent à l'actif d'une présidence parallèle, elles pourraient se résumer à l'opinion relativement neutre de Liébano Saenz, qui publia en février un ouvrage remarqué intitulé "La présidence moderne". Selon cet analyste politique, ancien secrétaire particulier de l'ex-président Ernesto Zedillo, Lopez Obrador "se convertira en conscience de la nation, ce qui fera grand bien à la démocratie mexicaine". Lopez Obrador voudrait que son gouvernement parallèle ait une représentation dans les 2.500 municipalités du Mexique afin d'y défendre en priorité les pauvres et les ressources de la nation (à préserver de privatisations) et d'y combattre la corruption et autres excès de serviteurs publics. Le président autoproclamé met un frein à l'élan révolutionnaire qu'il semblait vouloir attiser en insistant désormais plus sur l'action parlementaire que sur les mobilisations de rue. Son "au diable les institutions!" épargnerait donc le Congrès, où il est pourtant en minorité. Quelle que soit la tactique de Lopez Obrador, le président Felipe Calderon évaluera les réactions éventuelles du PRD avant chaque décision importante. Sur la base de "convergences", Calderon a déjà proposé le dialogue au PRD, qui l'a refusé. Une ombre -une conscience?- semble ainsi déjà pousser la droite libérale mexicaine à ouvrir de nouvelles fenêtres pour mieux aérer la démocratie. Mais parler d'un modèle "d'imposture démocratique" serait aussi prématuré que paradoxal. Enfin, que l'autoproclamation d'une présidence et d'un gouvernement parallèles soit possible est à mettre à l'actif de la démocratie mexicaine, mais non du respect qu'elle devrait inspirer. © LatinReporters.com - Amérique latine - Espagne
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