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Pérou-élections: le "Chavez péruvien" Ollanta Humala favori
DERNIÈRE HEURE LIMA, vendredi 7 avril 2006 (LatinReporters.com) - A deux jours de l'élection présidentielle, un nouveau sondage de l'Institut CPI, accueilli avec réserve par les spécialistes, bouleverse les derniers pronostics. La candidate conservatrice Lourdes Flores redeviendrait favorite avec 27,6% des intentions de vote, contre 25,9% au nationaliste Ollanta Humala, cible d'une intense campagne négative menée par ses adversaires. Le social-démocrate Alan Garcia resterait en 3e position avec 24,9%. Vu la marge d'erreur de +/- 2,1% du sondage, les trois principaux candidats de la présidentielle seraient techniquement à égalité et un second tour semblerait inévitable... sauf surprise, comme celle de la présidentielle de décembre dernier en Bolivie. LIMA, jeudi 6 avril 2006 (LatinReporters.com) - Les Péruviens éliront dimanche leur président et leurs 120 parlementaires. Un second tour sera-t-il nécessaire pour désigner le successeur du président Alejandro Toledo, très discrédité? Son parti Pérou Possible n'a pas de candidat à la présidence et risque de n'avoir aucun élu au Congrès. Le favori des sondages, du moins au premier tour, est le nationaliste Ollanta Humala, ex-officier souvent qualifié de "Chavez péruvien". L'éditorialiste de Peru 21, Augusto Alvarez Rodrich, influent parmi les jeunes classes aisées, écrit qu'une victoire au premier tour d'Humala, candidat de l'Union pour le Pérou, "paraît difficile (...) mais on ne peut pas conclure que cette possibilité soit nulle". Comme si l'histoire pouvait se répéter, les élections se présentent sous les auspices d'un double syndrome: celui d'Evo Morales, le nouveau président bolivien qui l'emporta en décembre, dès le premier tour contre tout pronostic, et celui de l'écrivain Mario Vargas Llosa, battu au second tour de la présidentielle péruvienne de 1990 par un inconnu, Alberto Fujimori, alors qu'il était archifavori, bénéficiant du soutien inconditionnel des grands médias et disposant, par rapport à son rival, d'importants moyens de campagne. "La différence entre moi et mes adversaires, a déclaré Ollanta Humala à la presse étrangère, est que je me bats pour gagner au premier tour, les autres pour être présents au second". Il faisait allusion à Lourdes Flores, la candidate de l'Unité Nationale (droite conservatrice et chrétienne), et à l'ancien président Alan Garcia (1985-1990), candidat de la sociale-démocrate APRA (Alliance Populaire Révolutionnaire Américaine, membre de l'Internationale socialiste). Humala les devance avec une marge confortable qui assure pratiquement sa présence au second tour. Les derniers sondages le créditaient à la fin de la semaine dernière de près de 32% des intentions de vote, contre 26% à Lourdes Flores et 23% à Alan Garcia. La marge entre ces deux derniers n'est pas suffisante pour rassurer la représentante de la droite. En 2001, elle fut écartée au premier tour précisément par le même Garcia qu'elle devançait pourtant dans les sondages. Brillant orateur, Alan Garcia sait galvaniser les foules. Il avait été battu de peu au second tour, il y a cinq ans, par Alejandro Toledo. La candidate du fujimorisme, Martha Chavez, est en quatrième position avec environ 7% des intentions de vote. Elle n'a pas réussi la percée qu'escomptaient les partisans de l'ancien président péruvien d'ascendance japonaise Alberto Fujimori (1990-2000), actuellement détenu au Chili dans l'attente d'un jugement d'extradition qui s'annonce long. En revanche, la fille de ce dernier, Keiko Fujimori, tête de liste pour le Congrès à Lima, pourrait être la parlementaire la mieux élue, avec un important écart de voix entre elle et ses rivaux. A ce titre, comme le veut la tradition, elle présiderait la séance inaugurale de la nouvelle Chambre et remettrait l'écharpe présidentielle au successeur de Toledo. En toute logique, il devrait y avoir un second tour, fin mai ou début juin, qui s'annonce très ouvert. A condition d'y accéder, Lourdes Flores en est donnée comme la favorite, tant contre Ollanta Humala que contre Alan Garcia. Un duel Lourdes Flores-Alan Garcia est apparemment à écarter, car il suppose l'effondrement peu probable du "Chavez péruvien" dans la dernière ligne droite. Face au métis Ollanta Humala et à son indigénisme nationaliste (édulcoré ces derniers mois) proche de celui du bolivien Evo Morales, Lourdes Flores bénéficierait de l'appui quasi général de l'establishment et des principaux médias contre le prétendu "ennemi public n°1" de la démocratie. Mais cette situation rappellerait l'échec du favori du second tour de la présidentielle de 1990, Mario Vargas Llosa, et elle pourrait déboucher sur le même résultat. Les partisans de Lourdes Flores le craignent d'ores et déjà. Ils le confient en privé. Comme avec Vargas Llosa, un phénomène de rejet est possible. L'omniprésence dans les médias de Lourdes Flores et le traitement complaisant dont elle est gratifiée, contrairement au ton agressif réservé à ses deux principaux rivaux masculins, expliqueraient en partie la baisse constante de la candidate dans les sondages qu'elle dominait encore au début du mois de mars. Vague bolivarienne En outre, Ollanta Humala et son Union pour le Pérou surfent sur la vague "bolivarienne" que le président Hugo Chavez du Venezuela tente de faire déferler sur l'Amérique latine. Métis de 43 ans dans un pays dominé par la minorité blanche, ex-lieutenant-colonel lancé en politique avec le bagage publicitaire d'une rébellion militaire en 2000, adversaire déclaré de la corruption et du libéralisme économique: ces signes d'identité associent Ollanta Humala à Hugo Chavez, qui l'adoubait littéralement en janvier dernier à Caracas, aux côtés de l'Amérindien Evo Morales fraîchement élu président de la Bolivie. Le triomphe d'Evo Morales n'est pas sans influence, au Pérou voisin, sur les indiens et métis qu'Ollanta Humala voudrait représenter et qui sont largement majoritaires parmi les 27,5 millions de Péruviens, dont 50% de pauvres. La popularité de l'ex-militaire est forte dans les départements andins, surtout dans le Sud limitrophe de la Bolivie. Dans sa "Présentation du Pérou", le site Internet du ministère français des Affaires étrangères indique: "Les Amérindiens, descendants des Incas, représentent environ 45% de la population et se structurent autour des deux principaux groupes ethniques que sont les Quechuas et les Aymaras. Près de 37% des habitants sont considérés comme métis. On estime à 15% la proportion de Péruviens d’origine européenne (surtout espagnole). Les 3% restants sont issus de l’immigration asiatique et essentiellement japonaise, chinoise et vietnamienne." En cas de duel entre Ollanta Humala et Lourdes Flores, perçue comme la candidate de l'élite blanche, les électeurs du social-démocrate Alan Garcia tiendront la clé du scrutin présidentiel. Les analystes se perdent en conjectures. Sociologiquement et idéologiquement, ils estiment que les partisans de Garcia sont plus proches du discours "populiste" d'Humala. Mais les sondages indiquent qu'actuellement ils pencheraient davantage pour la candidate de la droite. Quant aux voix fujimoristes, elles devraient en principe se reporter massivement sur Lourdes Flores, Humala étant considéré comme viscéralement hostile à l'ancien président Alberto Fujimori. On estime toutefois que les électeurs d'Ollanta Humala seraient d'ex-partisans de Fujimori guidés, comme lorsqu'ils votèrent pour ce dernier, par un réflexe de rejet de la classe politique traditionnelle. En même temps que le premier tour de la présidentielle se dérouleront les législatives à la proportionnelle départementale. Et là encore, on assiste à un paradoxe de la politique péruvienne. Selon les sondages, l'APRA d'Alan Garcia obtiendrait le premier groupe parlementaire, suivi de l'Unité Nationale de Lourdes Flores, ces deux formations devançant nettement les nationalistes de l'Union pour le Pérou d'Ollanta Humala, lui-même talonné, grâce à l'effet Keiko, par l'Alliance pour le Futur fidèle à Fujimori. © LatinReporters.com - Amérique latine - Espagne
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