RetourPérou : sur les plages, les classes sociales s'affrontent pacifiquement
LIMA, mercredi 31 janvier 2007 (LatinReporters.com) - L'Operativo Empleada
Audaz -Opération employée [de maison] audacieuse- a rapetissé
en plein été austral la haute société péruvienne
sur les plages exclusives de la zone balnéaire d'Asia, en bordure
de l'océan Pacifique, à 100 km au sud de Lima.
Des femmes en tenue bleu marine de soubrette ou bonne d'enfants, d'autres
portant, comme la plupart de leurs compagnons, un tee-shirt frappé
du slogan "basta de racismo" (ras-le-bol du racisme), soit au moins 700 intrus
se réclamant des droits de l'homme sous le soleil d'un dimanche 28
janvier, ont foulé le sable des privilégiés riches et
blancs (quoique bronzés) de ce Malibu andin.
Une audace sans précédent, même si au Pérou, présidé
par le social-démocrate Alan Garcia, la Loi 26856 affirme que toutes
les plages sont d'usage public. Mais sur celles d'Asia, sentinelles et barrières
filtrent les catégories. Feu vert à l'opulence de style occidental
et feu rouge aux visiteurs autochtones quechuas s'ils semblent venus à
dos de lama plutôt qu'en Mercedes ou 4x4 long.
En plus, les bonnes, quasi toutes indigènes et obligatoirement en
uniforme et tablier sur le littoral d'Asia pour y assister les bambins de
l'élite, n'ont pas droit à la baignade ou, au mieux, seulement
au crépuscule, vers 19h.
Cette description d'un apartheid péruvien est peut-être exagérée.
Elle a en tout cas permis à l'Association de Coordination nationale
des droits de l'homme et à la section péruvienne d'Amnesty
International de mobiliser les centaines de volontaires de l'Operativo Empleada
Audaz. Arrivés en cars et voitures, ils ont débordé
les contrôles, formant une chaîne humaine avant de s'ébaudir entre
parasols et bikinis des estivants du Tout-Lima. Un jour de fête et de revanche à la fois.
Pacifique, soulevant étonnement et curiosité paisibles de ceux
qu'elle visait, la manifestation unissait jusque dans les vagues nurses,
bonnes, syndicalistes, artistes, professeurs, altermondialistes, ainsi que
les parlementaires indiennes Hilaria Supa et Maria Sumire, du parti d'Ollanta
Humala, le poulain d'Hugo Chavez.
Selon ses promoteurs, l'invasion plébéienne des plages d'Asia
devrait servir d'avertissement et de symbole. "Il s'agit que les lois soient
désormais respectées" clame Hilaria Supa.
"Qu'une employée de maison ne puisse pas se baigner sur la même
plage que les enfants dont elle s'occupe relève d'une certaine culture
de discrimination et de mauvais traitements qui existent dans notre pays"
commente Susana Villaran, ex-ministre péruvienne de la Femme et du
Développement social.
Mariano Peña, président d'une association de propriétaires
d'immeubles de la zone d'Asia, rejette les accusations. Soupçonnant
les associations de droits de l'homme d'avoir monté l'Operativo Empleada
Audaz à des fins publicitaires pour mieux récolter des fonds,
il affirme ne connaître "aucune norme obligeant les employées
de maison à porter un uniforme ni, à leur égard, la
moindre restriction verbale ou écrite aux baignades en mer".
Mais le "Manifeste de l'employée audacieuse" diffusé par Amnesty
International-Pérou taxe clairement Asia de "racisme et discrimination".