Retour / BackPremière défaite électorale en neuf ans de pouvoir Venezuela : Hugo Chavez perd le référendum sur sa réforme socialiste de la Constitution Théoriquement, il ne pourrait plus briguer la présidence en 2012, mais...
CARACAS, lundi 3 décembre 2007 (LatinReporters.com) - Reconnaissant
la victoire de l'opposition "pour le moment", le président vénézuélien
Hugo Chavez a subi dimanche sa première défaite électorale
en neuf ans de pouvoir. Avec 50,7% et 51,05% des suffrages, le non l'a emporté
au référendum sur les deux blocs d'articles de la réforme de la Constitution
proposée par le chef de l'Etat. En conséquence, ni le socialisme bolivarien
ni la réélection présidentielle indéfinie ne
sont constitutionnalisés et, théoriquement, Hugo Chavez ne
pourrait plus briguer un nouveau mandat en 2012.
Mais reconnaître à l'adversaire ce que Hugo Chavez appelle "une
victoire à la Pyrrhus", si étriquée "que je n'en aurais
pas voulu", ne signifie pas admettre la défaite. "Por ahora, no pudimos"
("Pour le moment, nous n'avons pas pu") a dit ou plutôt averti le président,
lundi peu avant deux heures du matin dans sa première intervention radio-télévisée
après le scrutin.
Ce "pour le moment" n'est pas anodin dans la bouche de Chavez. Il l'avait
lancé devant les caméras de télévision le 4 février
1992, n'estimant alors que passager l'échec d'un putsch militaire
en fin de course qu'il dirigeait comme commandant de la brigade de parachutistes
de Maracay. Et en décembre 1998, élu pour la première
fois à la présidence, il disait respecter "pour le moment"
une Constitution qu'il balaya un an plus tard, en décembre 1999, au
profit de la Constitution bolivarienne actuellement en vigueur. C'est cette
dernière que Chavez, parlant de "révolution dans la révolution",
vient de tenter en vain de réformer par référendum.
"Pour moi, ce n'est nullement une défaite. C'est n'est qu'un autre
Pour le moment" a insisté Hugo Chavez, regrettant une abstention (44%)
qui, à ses yeux, aurait favorisé le non. "Je ne retire aucune
virgule de la proposition [de réforme constitutionnelle]. Je continue
à faire cette proposition au peuple vénézuélien"
a ajouté le président. Son mandat n'arrivera à échéance
que dans cinq ans et il peut encore gouverner par décret au cours
des huit prochains mois en vertu de pouvoirs spéciaux octroyés
le 31 janvier dernier par l'Assemblée nationale. Cette dernière
est contrôlée totalement par les chavistes (quelques dissidents
ont néanmoins surgi au cours du débat référendaire)
à cause du boycott par l'opposition des élections législatives
de 2005.
C'est en dressant ce panorama de simple bataille perdue dans une longue guerre
pour son socialisme dit bolivarien et du 21e siècle, que Chavez a
pu inviter "à rentrer à la maison sans tristesse" ses bataillons
d'inconditionnels vêtus de rouge. Il a évité ainsi ("pour
le moment" serait-on aussi tenté de dire) une vague redoutée
de colère idéologique. Par contre, des milliers de partisans
du non dansaient dans les rues de Caracas.
Sans le vouloir et grâce à la défaite, Hugo Chavez estime avoir prouvé,
il n'a pas manqué de le souligner, que son régime
et son système électoral sont démocratiques, alors que
l'opposition dénonçait une dictature manipulant les votes.
Le comble, et sur ce point Chavez a ironisé, est que l'opposition
a défendu la Constitution bolivarienne de 1999, pourtant honnie par
la droite, afin d'éviter qu'un référendum ne la radicalise
davantage.
En revanche, voilà brisé le cliché du président
bienfaiteur qui protège le peuple de la menace de "riches" et de "fascistes"
(mot très utilisé par Chavez pendant la campagne référendaire).
Les millions de Vénézuéliens qui ont voté non,
plus de la moitié des électeurs, ne peuvent être tous,
ni même majoritairement, riches ou fascistes et encore moins les deux
à la fois.
Ces Vénézuéliens semblent avoir averti par leur vote
que l'augmentation considérable du pouvoir présidentiel, ainsi
que le sacre constitutionnel d'un "pouvoir populaire qui ne naît d'aucune
élection" et d'un socialisme devant être défendu par
l'armée étaient, eux, dans la réforme rejetée
par les urnes, de véritables facteurs fascisants contraires au pluralisme
consacré par la Charte fondamentale actuelle.
Même des compagnons de route de Chavez l'ont compris ainsi. Le plus
célèbre d'entre-eux, le général à la retraite
Raul Isaias Baduel, ministre de la Défense jusqu'en juillet dernier
(Chavez lui doit d'avoir survécu au putsch de droite d'avril 2002),
avait qualifié la réforme constitutionnelle de "coup d'Etat".
Baduel et de nombreux juristes soutiennent que pour opérer le changement
de régime que voulait Chavez -en l'occurrence soumettre à
une idéologie socialiste l'Etat et son système politique, social,
économique et territorial- il faudrait nécessairement convoquer
une Assemblée constituante et non se prévaloir, comme l'a fait
le président, de la procédure simplifiée que réserve
l'article 342 de la Constitution à des réformes qui ne modifient
pas sa structure et ses principes fondamentaux.
L'Eglise et les étudiants en révolte dans la rue disaient la
même chose. Ces jeunes que Chavez qualifie de "fils à papa"
se mobilisèrent d'abord contre la fermeture politique du très
populaire canal privé Radio Caracas Televisión (RCTV), qui
semble avoir servi de déclic à une mobilisation plus ample
contre l'autoritarisme grandissant de Chavez. La réforme rejetée
lui aurait notamment permis de museler tous les médias lors d'un éventuel
état d'exception que seul le chef de l'Etat pouvait proclamer et abroger.
Dans la perspective de l'élection présidentielle de 2012, le
général Baduel, qui n'a que 52 ans (un de moins que Chavez)
et qui jouit encore d'un certain prestige dans les casernes, émerge
peu à peu comme un fédérateur possible de l'opposition,
toujours à la recherche de son unité et d'un leader charismatique.
Baduel clame sa fidélité à la Constitution bolivarienne
de 1999, aussi n'est-il pas rejeté viscéralement par les classes
les plus humbles dont Hugo Chavez se dit le champion. Cette Constitution
bolivarienne en vigueur n'autorise que deux mandats présidentiels
consécutifs. Chavez, réélu pour six ans en décembre
2006, ne pourra donc pas se représenter en 2012 sans la réélection
indéfinie que sa réforme rejetée prévoyait. (Si
Chavez a pu briguer et remporter trois fois consécutivement la présidence,
c'est parce que sa première élection, en 1998, était
régie par une vieille Charte fondamentale remplacée l'année
suivante par l'actuelle).
Appelant lundi les Vénézuéliens à "l'unité
dans la diversité", Baduel les a aussi invité à la vigilance
pour empêcher Hugo Chavez de recourir à des lois spéciales
qui introduiraient les réformes désavouées par le référendum
de dimanche. Une autre figure émergente de l'opposition, Leopoldo
Lopez, membre de la coalition Un Nuevo Tiempo et maire de la municipalité
de Chacao (intégrée à Caracas), s'est réjoui
de "la victoire de la démocratie, de la réconciliation et de la paix". Avant le vote de dimanche, il avait
fait campagne pour le non en réclamant notamment "un équilibre
entre justice sociale et liberté". Selon lui, "au nom de la justice
sociale, ce gouvernement a réduit les libertés, notamment celles
d'expression, de conscience et de manifestation".
Après neuf ans de pouvoir et malgré des mesures sociales financées
par la manne pétrolière et menées avec l'aide de médecins
et d'enseignants cubains, Hugo Chavez se retrouve à la tête
d'un Venezuela divisé en deux factions égales. Le discours
présidentiel de lutte de classes les porte à la haine réciproque.
Cette tension permanente et la force numérique soudaine du camp antichaviste
font planer plus qu'un doute sur l'avenir de la révolution dite bolivarienne.
Cette perception peut avoir des effets extérieurs immédiats.
Surtout en Bolivie, où le président amérindien Evo Morales,
allié de Hugo Chavez, subit la fronde de six départements sur
neuf contre un socialisme indigéniste qu'il veut couler dans une nouvelle
Constitution. En Equateur, un autre adepte du socialisme dit du 21e siècle
promu par Hugo Chavez, le président Rafael Correa, vient lui aussi
d'ouvrir le chantier d'une nouvelle Charte fondamentale au sein d'une Assemblée
constituante qui a a décrété la fermeture du Congrès
(Parlement monocaméral) élu en octobre 2006. Dans ces deux
pays, la défaite de Chavez offre arguments et espoir à l'opposition.
D'une manière générale, l'exportation de la révolution
bolivarienne se ralentira si cette révolution piétine ou recule
au Venezuela. Cuba, qui reçoit le pétrole vénézuélien
à tarif préférentiel, s'interrogera sur la sécurité
à moyen terme de son approvisionnement énergétique. Dans
la région, la gauche dite modérée -au pouvoir notamment
au Brésil, en Argentine, au Chili et en Uruguay- n'est pas, elle,
la proie de crispations très marquées ni d'interrogations
existentielles.
"VICTOIRE DE MERDE" de l'opposition selon Hugo Chavez
CARACAS, 5 décembre 2007 - En conférence de presse télévisée
et entouré de l'état-major militaire, le président Hugo
Chavez a qualifié le 5 décembre de "victoire de merde" de l'opposition
("victoria de mierda") sa première défaite électorale,
au référendum du 2 décembre sur sa réforme socialiste
de la Constitution du Venezuela.
Le président vénézuélien a confirmé qu'il
tenterait à nouveau de faire approuver sa réforme. Pour lui
exprimer leur soutien, les chefs de l'armée de terre, de la marine,
de l'aviation et de la garde nationale ont clamé le slogan castriste
"Patrie, socialisme ou mort" lors de la conférence de presse.