Le général Baduel fit échouer le putsch d'avril 2002 contre Hugo Chavez
Venezuela - Constitution : la réforme de Chavez est un coup d'Etat selon Baduel
CARACAS, mercredi 7 novembre 2007 (LatinReporters.com) - L'approbation par
référendum, le 2 décembre prochain, de la réforme
de la Constitution du Venezuela proposée par le président Hugo
Chavez "consommerait un coup d'Etat" estime l'ex-ministre de la Défense
et général à la retraite Raul Isaias Baduel. Chavez lui
doit son retour au pouvoir après le putsch qui l'avait évincé
pendant 48 heures en avril 2002.
La réforme "mène le peuple comme des brebis à l'abattoir"
et "l'unique arme démocratique et légale qui nous reste est
de voter non" a déclaré Baduel.
Il s'exprimait le 5 novembre lors d'une conférence de presse dans
un modeste hôtel de Caracas. Selon le militaire retraité, la
réforme serait en réalité "une transformation de l'Etat",
un virage idéologique vers "un modèle très différent
de pays", dominé par "un supposé socialisme à la vénézuélienne", en violation du pluralisme consacré par l'actuelle Constitution de 1999.
Comme de nombreux juristes et comme les étudiants qui manifestent
contre la réforme, Baduel estime qu'un tel bouleversement, portant
sur 69 des 350 articles de la Constitution, ne pourrait être proposé
que par une nouvelle Assemblée constituante et non par le seul président
avalisé par l'Assemblée nationale qu'il domine.
Ministre de la Défense jusqu'au 18 juillet dernier après avoir
été commandant en chef de l'armée, Baduel dirigea à
la tête de la brigade de parachutistes l'opération "Récupération
de la dignité" qui ramena dans la nuit du 14 au 15 avril 2002 Hugo
Chavez au palais présidentiel. Il en avait été évincé
48 heures plus tôt au profit du patron des patrons Pedro Carmona.
Baduel fut en outre avec Chavez l'un des quatre jeunes officiers fondateurs,
en 1982, du Mouvement bolivarien révolutionnaire 200 (MBR-200), creuset
de la révolution dite bolivarienne menée depuis 1999 au Venezuela.
Avec pareil pedigree, Raul Isaias Baduel est écouté lorsqu'il
parle. Il a fait la une des médias avec son "obligation morale" de
mettre en garde les Vénézuéliens et en particulier ses
"compagnons d'armes", afin qu'ils analysent "profondément", avant
de voter, la réforme "idéologique" et "néfaste" de la
Constitution.
Chavez a amplifié l'onde de choc. Alors que le canal public de télévision
VTV diffusait l'image de Baduel au soir même de ses déclarations,
on a entendu, intervenant en direct par téléphone dans le même
programme, Hugo Chavez traiter son ancien allié et sauveur de "traître"
recruté par "l'extrême droite". Estimant que Baduel "a appelé
à ignorer les institutions", le président a indiqué
que le haut commandement militaire s'était déjà réuni
pour analyser la situation.
Hugo Chavez a peut-être ainsi offert sans le vouloir à l'opposition
la figure charismatique dont elle manque, quoique Baduel, 52 ans (un de moins
que Chavez), se dit fidèle à l'actuelle Constitution bolivarienne
de 1999 honnie par la droite.
Rejetant d'éventuelles accusations de revanchisme pour n'avoir pas
reçu la présidence du puissant monopole public PDVSA (Petroleos
de Venezuela S.A.), Raul Isaias Baduel a rappelé qu'en juillet déjà,
lors de la cérémonie de son passage à la retraite en
présence de Chavez, il avait douté publiquement
du bien-fondé d'une dérive socialiste radicale.
En référence à la consigne castriste "Patrie, socialisme
ou mort" instaurée par Hugo Chavez dans les casernes, Raul Isaias
Baduel a dénoncé l'utilisation de slogans visant à "identifier
pleinement les militaires à un parti pris politique". Globalement, selon lui, le projet de réforme constitutionnelle "promeut la polarisation et contribue à l'affrontement entre Vénézuéliens, car il est fabriqué de manière absurde autour d'une idéologie, alors qu'une Constitution doit être un pacte social jouissant du plus
grand consensus".
Début septembre, Vicente Diaz Silva, unique membre non chaviste de
la direction du stratégique Conseil national électoral, faisait
une réflexion similaire. Il estimait que le terme ""socialisme", maintes
fois inclus dans le projet de réforme de la Constitution, affecte
le principe fondamental de pluralisme inscrit dans l'actuelle Charte fondamentale.
Aussi proposait-il de remplacer "socialisme" par "humanisme".
Raul Isaias Baduel, Vicente Diaz Silva, les manifestants estudiantins,
l'opposition et des organisations de défense des droits de l'homme
semblent en fait redouter, sans l'exprimer de manière aussi explicite,
que l'adoption de la réforme constitutionnelle n'ouvre un chemin sans
retour possible. Que poussés par l'ivresse nationaliste huilée
socialement par la manne pétrolière, les Vénézuéliens
ne choisissent au référendum du 2 décembre... de
ne plus pouvoir choisir à l'avenir!
L'essence "patriotique, populaire et anti-impérialiste" que l'article
328 de la Constitution réformée attribuerait aux "forces armées
bolivariennes" devant participer "activement au développement économique
et social" serait-elle un indice, parmi d'autres, du risque de hara-kiri du pluralisme?
Au regard de cette crainte sont peut-être secondaires, mais non négligeables,
celles entourant, dans le projet de réforme constitutionnelle, la
relativisation de la propriété privée, la perte d'autonomie
de la Banque centrale, la recentralisation territoriale par décrets
présidentiels, le durcissement d'éventuels états d'exception
et la possibilité de réélection présidentielle
sans limitation du nombre de mandats.
La prétention d'Hugo Chavez de pouvoir briguer un nombre indéfini de mandats
successifs est très critiquée au Venezuela, car pareille faculté illimitée est
inexistante dans les régimes présidentiels du continent américain, sauf
à Cuba. Elle est néanmoins une réalité de fait,
au moins au niveau des chefs de gouvernement, dans plusieurs pays démocratiques,
notamment en Europe. (Le socialiste Felipe Gonzalez fut président du gouvernement espagnol
pendant 4 législatures successives, de 1982 à 1996. Il en aurait
présidé une 5e si les socialistes n'avaient pas été
battus aux législatives de 1996).