CARACAS, 7 décembre 2015 (LatinReporters.com) - Historique : pour la première fois en 16 ans, l'opposition a remporté le 6 décembre les élections législatives au Venezuela, avec au moins 99 députés sur les 167 de l'Assemblée nationale. Le président Nicolas Maduro a reconnu sa défaite, disant respecter ainsi la « morale » et « l'éthique » du chavisme.
Il s'agit d'un nouveau basculement à droite sur l’échiquier politique en Amérique latine, après la victoire du libéral Mauricio Macri, le 22 novembre à la présidentielle argentine, succédant à 12 ans de pouvoir de Nestor puis Cristina Kirchner, grands alliés du chavisme. Washington et nombre de personnalités de l'Union européenne ne cachent pas leur satisfaction.
Réduction de la marge de manœuvre de l'exécutif présidentiel
La participation des 19,5 millions de Vénézuéliens appelés aux urnes a atteint 74,5 %. Face aux 99 élus obtenus par la Table de l'unité démocratique (MUD), qui regroupe 25 partis d'opposition de gauche, du centre et de droite, le Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV, gouvernemental) du président Maduro en compte 46, a annoncé la présidente du Conseil national électoral, Tibisay Lucena.
Elle précisa que ces chiffres n'étaient que « préliminaires », car 22 sièges devaient encore être attribués. La majorité absolue dite « simple » de l'opposition pourrait donc se transformer finalement en majorité qualifiée des trois cinquièmes. Cela augmenterait les prérogatives législatives de la MUD. Elle aurait alors la faculté, par exemple, de censurer le vice-président ou des ministres, réduisant considérablement la marge de manœuvre de l'exécutif présidentiel.
Quel que soit le résultat final, le triomphe de l'opposition pour un mandat de cinq ans lui permettra notamment de faire voter l'amnistie de 75 prisonniers qu'elle qualifie de « politiques », dont le leader du parti Volonté populaire, Leopoldo Lopez, condamné à près de 14 ans de prison en tant que responsable intellectuel de manifestations antigouvernementales qui firent 43 morts au premier semestre de 2014.
Sa femme, Lilian Tintori, non candidate mais symbole très médiatisé de l'opposition, estime que « maintenant, le changement a débuté au Venezuela ». Selon le secrétaire exécutif de la MUD, Jesus Torrealba, « le vote a vaincu démocratiquement un gouvernement qui n'est pas démocratique ».
La crise économique est désormais aussi un défi pour l'opposition
Le président Maduro a admis sa défaite dès l'annonce des premiers résultats. « Nous sommes venus avec notre morale, avec notre éthique, pour reconnaître ces résultats adverses, pour les accepter et pour dire à notre Venezuela que la Constitution et la démocratie ont triomphé », a déclaré l'héritier politique d'Hugo Chavez, élu peu après la mort de son mentor en 2013.
Nicolas Maduro a attribué son échec à une « guerre économique » menée par « le capitalisme sauvage ». Il a émis l'espoir qu'une analyse de la défaite du socialisme bolivarien débouche sur « une nouvelle étape de la révolution », à une date non précisée.
La chute depuis 2014 de plus de 50 % des prix du pétrole brut, premier poste d'exportation et de rentrées de devises du Venezuela, a été le coup le plus dur porté au régime chaviste, gangrené par des pénuries qu'avivent le contrôle des prix et des changes, la contrebande vers la Colombie et l'accaparement spéculatif de produits que l'État subventionne pour des raisons sociales.
L'économie devrait chuter de 10% cette année et de 6% en 2016, selon le FMI, alors que l'inflation annuelle tourne autour de ... 185%!
En campagne électorale, la plate-forme MUD de l'opposition avait multiplié les promesses de changement, mais sans concrétiser comment elle s'attaquera à la crise, de crainte peut-être d'effrayer les électeurs. Avec son large spectre, qui va du marxisme au conservatisme, elle devra maintenant relever le défi de ses propres contradictions pour que le changement promis devienne réalité dans le vécu quotidien des 30 millions de Vénézuéliens.
Une cohabitation harmonieuse avec l'exécutif présidentiel, difficilement imaginable pour l'heure, serait, selon les milieux économiques, l'une des clés du succès. À cet égard, la reconnaissance immédiate de sa défaite par Nicolas Maduro est un élément positif.
Le chef de l'État apparaît néanmoins, en fonction du résultat des législatives, très vulnérable à un éventuel référendum révocatoire. L'opposition pourrait être tentée de le promouvoir dans l'espoir de s'emparer aussi de l'exécutif avant la fin du mandat actuel de Nicolas Maduro, élu pour la période 2013-2019.
Des troubles sont-ils à craindre ? Le chavisme est-il moribond ou seulement blessé ? Le PSUV gouvernemental organisera-t-il lui-même une rapide relève de Nicolas Maduro ? Difficile pour l'heure de répondre à ces questions.
Dernière heure
MAJORITÉ DES DEUX TIERS POUR L'OPPOSITION
CARACAS, 11 décembre 2015 - Les résultats définitifs officiels du scrutin législatif octroient 56,2 % des suffrages et 112 des 167 députés de l'Assemblée nationale monocamérale, soit la majorité qualifiée des deux tiers, à l'opposition réunie au sein de la plate-forme Table de l'unité démocratique (MUD).
Subissant sa première défaite parlementaire en 16 ans de «révolution bolivarienne» instaurée en 1999 par Hugo Chávez, le Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV) du président Nicolas Maduro est crédité de 40,8 % des votes et 55 élus.