"Le bluff de M. Chavez" titre l'éditorialiste du Washington Post
Venezuela le plus frappé si Chavez prive les Etats-Unis de pétrole
WASHINGTON / CARACAS, samedi 16 février 2008 (LatinReporters.com) -
Le président Hugo Chavez aurait trop à perdre en coupant
ses exportations de pétrole vers les Etats-Unis, qui achètent
la moitié des trois millions de barils de brut produits chaque jour
au Venezuela. Cette impression domine les marchés, peu secoués
par la réactivation de cette menace et par la rupture des relations
commerciales du monopole d'Etat Petroleos de Venezuela (PDVSA) avec le géant
pétrolier américain Exxon Mobil.
Dans un éditorial intitulé "Le bluff de M. Chavez", le
Washington Post daté du 15 février estime que "si l'homme
fort du Venezuela coupait les exportations de pétrole vers les Etats-Unis,
la première victime serait son régime".
"L'une des ironies les plus regrettables des relations internationales
est que les Etats-Unis, par leur consommation vorace de pétrole, garantissent
le régime du président Hugo Chavez au Venezuela. Rien qu'en
novembre, les Etats-Unis ont acheté plus de 41 millions de barils
de brut vénézuélien, approximativement 10 pour cent
de toutes leurs importations de pétrole au cours de ce mois" écrit
l'éditorialiste de l'influent quotidien américain.
Selon lui, "si l'administration Bush cherchait vraiment à renverser
M. Chavez comme celui-ci le clame, cette administration pourrait être
tentée de décréter un boycott du pétrole vénézuélien. Cela ferait dans l'économie des Etats-unis une petite brèche, toutefois facile à combler, mais cela dévasterait le Venezuela,
vu qu'il produit du pétrole à haute teneur en soufre, ne pouvant,
pour la plus grande part, être raffiné que dans des raffineries
spéciales basées aux Etats-Unis".
"Imaginez donc notre étonnement quand M. Chavez lui-même
menaçait cette semaine de couper les exportations de pétrole
brut vers l'Amérique. Perpétuellement fâché avec
les Etats-Unis, M. Chavez en est arrivé à cet excès
particulier à cause de son conflit avec Exxon Mobil, la multinationale
pétrolière américaine dont il nationalisa l'an dernier
les opérations au Venezuela" poursuit le Washington Post.
Et le journal d'expliquer: "Alors que d'autres compagnies pétrolières
ont accepté les conditions compensatoires de M. Chavez et s'en sont
allées tranquillement, Exxon Mobil a combattu l'expropriation par
l'arbitrage international et en recourant de par le monde aux tribunaux.
La semaine dernière, la compagnie agissait avec succès pour
geler 12 milliards de dollars d'avoirs vénézuéliens [de PDVSA; ndlr],
dans l'attente de l'issue du litige. Exaspéré, M. Chavez annonçait:
"Si vous en arrivez à geler [des avoirs vénézuéliens]
et à nous nuire, nous vous ferons mal. Savez-vous comment? Nous n'enverrons
plus de pétrole aux Etats-Unis". Dans une entrevue publiée
mardi par le journal vénézuélien Ultimas Noticias, le
ministre de l'Energie Rafael Ramirez déclarait le pays "prêt"
à mettre la menace à exécution".
Incisif, le Washington Post, très prisé par l'intelligentsia
dite libérale, croit que "quelqu'un a apparemment expliqué
à M. Chavez que l'industrie pétrolière du Venezuela,
déjà en déclin en raison de la mauvaise gestion de M.
Chavez, pourrait s'effondrer s'il exécutait réellement sa menace.
Et sans l'argent du pétrole, M. Chavez, qui perdit il y a deux mois
un référendum sur la prolongation de son pouvoir, ne peut pas
financer les subventions et dépenses sociales qui achètent
ce qui reste de son appui populaire au Venezuela".
L'éditorial se termine sur un constat "d'inconsistance": "M. Chavez
annonce maintenant un boycott modifié et limité: désormais,
sa compagnie pétrolière étatique ne vendra plus le brut
directement à Exxon Mobil. Ce geste se révèlera finalement
insignifiant, des tiers achetant le pétrole et le revendant ensuite
à Exxon Mobil pour le raffiner. En outre, le gouvernement de M. Chavez
a déclaré que le boycott ne s'applique pas au pétrole
à haute teneur en soufre du champ de Cerro Negro, qui ne peut être
raffiné que dans les installations utilisées conjointement
par le Venezuela et Exxon Mobil à Chalmette, en Louisiane. Applaudissons
doublement Exxon Mobil. En s'opposant à M. Chavez par des moyens pacifiques
et légaux, elle a une fois de plus mis en lumière l'inconsistance
de l'anti-impérialisme avec lequel il justifie son pouvoir".
Le précédent de la grève pétrolière
Piqué au vif, le président Hugo Chavez répliquait le
même jour à ce qu'il appelle "la fanfaronnade du Washington
Post". "Cela vaudrait la peine de les mettre au défi: osez
donc!" a-t-il lancé à l'attention des Etats-Unis, convaincu
que ce pays boycotterait depuis longtemps le pétrole vénézuélien
s'il n'en avait pas besoin. Le leader de la révolution bolivarienne
a ajouté qu'une diminution d'un seul pour cent des importations de
pétrole des Etats-Unis leur ferait subir "un tremblement de terre
politique et économique".
Un précédent dément ce pronostic. L'économie
américaine a déjà affronté sans dommages la suspension
des exportations de brut vénézuélien lors de
la grande grève déclenchée contre le régime de
Chavez. Elle paralysa au Venezuela le secteur pétrolier de décembre 2002
à février 2003.
L'expert Elio Ohep, responsable de la revue Petroleum World, déclare à l'AFP que
"les grands fournisseurs des Etats-Unis, Mexico et le
Canada, qui ont remplacé le Venezuela durant la grève pétrolière,
prendraient le relais immédiatement" si Hugo Chavez privait Washington
de pétrole. Elio Ohep croit en outre que les Etats-Unis pourraient
aisément "augmenter en un mois leurs achats au Moyen-Orient".
Pour réellement "faire mal" à Washington, Hugo Chavez devrait
bénéficier d'une ample -mais incertaine- solidarité
au sein de l'OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole).
Il tentera probablement de jouer cette carte dans le litige entre PDVSA et
Exxon Mobil.