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Initiative plus politique que commerciale en pleine crise de la Communauté andine
Cuba-Venezuela-Bolivie: Traité de commerce des peuples (TCP)

par Christian Galloy - Analyste politique, directeur de LatinReporters.com

De gauche à droite: Fidel Castro, Hugo Chavez et Evo Morales
Archives - Photos NotiNet (Cuba), Prensa Presidencial (Venezuela) et Presidencia de la República (Bolivie)

LA PAZ / MADRID, vendredi 28 avril 2006 (LatinReporters.com) - Le "Traité de commerce des peuples" (TCP) que signent ce week-end à La Havane les présidents Fidel Castro (Cuba), Hugo Chavez (Venezuela) et Evo Morales (Bolivie) est plus politique que commercial. Il veut contrer les accords de libre-échange signés avec Washington par la Colombie et le Pérou, qui vont élire leur président, et enrayer la ratification de ces accords qui fissurent la Communauté andine.


Annoncé le 19 avril par Hugo Chavez, le retrait du Venezuela de la Communauté andine de nations (CAN) a plongé dans la crise ce bloc politico-commercial de cinq pays (Venezuela, Colombie, Equateur, Pérou, Bolivie) comptant 120 millions d'habitants et couvrant le tiers du commerce sud-américain.

Le président vénézuélien ne reviendrait sur sa décision que si la Colombie et le Pérou gelaient leurs accords de libre-échange avec les Etats-Unis, accords en attente de ratification parlementaire. Le président sortant du Pérou, Alejandro Toledo, y voit un "chantage inadmissible". Son ministre du Commerce extérieur, Alfredo Ferrero, ajoute que "les Etats-Unis représentent 30% de notre marché et 40% pour la Colombie et l'Equateur. Nous autres, nous n'avons pas de pétrole".

En Bolivie, Evo Morales se dit "sûr que le TCP sera un nouvel espoir pour le peuple et récupérera les principes de base de la CAN, à savoir prendre soin du marché régional [andin] et fortifier ses économies".

David Choquehuanca, ministre bolivien des Relations extérieures, précise que le TCP ne se limite pas à un accord commercial. Selon lui, il doit être considéré comme "un espace d'intégration" dans le cadre de l'Alternative bolivarienne pour les Amériques (ALBA) lancée par Hugo Chavez pour s'opposer à l'ALCA. (Area de Libre Comercio de las Américas, appellation espagnole de la ZLEA, la Zone de libre-échange des Amériques que le président américain George W. Bush voudrait instaurer de l'Alaska à la Terre de Feu).

Le ministre Choquehuanca indique au journal bolivien La Razon que "le TCP doit tenir compte de la diversité culturelle, de l'équité, du droit au développement que réclament nos peuples... Il s'agit d'un type de relations politiques, économiques, très différentes de celles prévues par l'ALCA et les TLC [traités de libre-échange]".

Le chef de la diplomatie bolivienne assure en outre que ce Traité de commerce des peuples signé à La Havane restera ouvert aux pays qui voudraient s'y associer.

Inquiet, le président de la Chambre des exportateurs de Bolivie, Clover Paz, croit que la décision du président Evo Morales de signer le TCP "est beaucoup plus politique qu'économique". Il prie le chef de l'Etat de s'efforcer en priorité d'assurer la survie de la Communauté andine.

En 2005, selon les chiffres officiels, les exportations boliviennes vers Cuba s'élevèrent à seulement 5.291 (bien 5.291) dollars, contre plus de 300 millions de dollars vers les Etats-Unis et 466 millions vers les autres pays de la CAN.

Mabel Azcui, correspondante à La Paz du journal espagnol pro-socialiste El Pais, écrit que rien que dans la ville d'El Alto, grand satellite populaire et industriel de La Paz, 120.000 emplois dépendent des exportations vers les Etats-Unis. Des milliers d'artisans et d'entreprises unifamiliales d'El Alto ont, comme les organisations patronales boliviennes, réclamé du gouvernement d'Evo Morales la signature d'un traité de libre-échange avec Washington.

Conçu par MM. Chavez, Morales et Castro comme une alternative aux accords de libre-échange avec les Etats-Unis, le Traité de commerce des peuples est lancé alors que la Colombie et le Pérou sont en pleine campagne pour l'élection présidentielle.

Le président conservateur colombien Alvaro Uribe tentera le 28 mai de se succéder à lui-même dès le 1er tour. Probablement à la même date, au Pérou, un allié d'Hugo Chavez et d'Evo Morales, l'ex-officier nationaliste Ollanta Humala, affrontera au second tour de la présidentielle le social-démocrate Alan Garcia.

En Colombie et plus encore au Pérou, l'opposition populaire au libre-échange avec les Etats-Unis est importante. L'impact médiatique de la signature du TCP à la Havane renforcera cette opposition et influera sur le résultat des deux élections présidentielles en projetant au centre de la campagne électorale les accords avec Washington, dont la ratification parlementaire risque d'en résulter plus incertaine.

Le trio "bolivarien" Chavez-Morales-Castro joue là une carte peut-être maîtresse, Bogota et Lima étant aujourd'hui les principales capitales alliées des Etats-Unis en Amérique du Sud (à ne pas confondre, surtout sur le plan politique, avec l'ensemble plus vaste qu'est l'Amérique latine).

En cas de victoire à la présidentielle du Pérou, Ollanta Humala mettrait vraisemblablement l'accord de libre-échange au frigo. Son rival social-démocrate, Alan Garcia, s'indigne de la prétention d'Hugo Chavez "de nous empêcher de commercer avec les Etats-Unis, vers lesquels le Venezuela exporte en pétrole 50 milliards de dollars par an".

Le second tour de l'élection présidentielle péruvienne sera un combat inédit entre les deux gauches qui dominent actuellement l'Amérique du Sud. A savoir, selon Alan Garcia, la gauche "castriste" et "chaviste" représentée par Ollanta Humala, contre la gauche "démocrate-sociale" qui gouverne le Brésil de Luiz Inacio Lula da Silva, l'Argentine de Nestor Kirchner et le Chili de Michelle Bachelet.




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