Venezuela: des militaires pour l'action violente contre Chavez selon le général Baduel
MADRID, mercredi 30 avril 2008 (LatinReporters.com) -
"L'inquiétude règne au sein de l'armée ... Ceux de
ses membres avec qui je parle en arrivent très souvent à envisager
l'action violente" [contre le pouvoir au Venezuela] affirme, dans une interview
publiée le 30 avril par le quotidien espagnol de centre gauche El
Pais, le général à la retraite Raul Isaias Baduel, ex-commandant
en chef de l'armée et ministre de la Défense du président
vénézuélien Hugo Chavez jusqu'en juillet 2007.
"Je m'efforce de leur faire comprendre que cela [l'action violente] n'est
pas la solution" précise aussitôt Baduel. Il dit percevoir "l'inquiétude"
des militaires au travers de ses "contacts permanents, surtout avec ceux
du commandement intermédiaire".
Selon l'ex-ministre, des officiers se plaindraient de "l'affaiblissement
du professionnalisme militaire" et de la prétention "d'utiliser l'armée
comme acteur politique appuyant un projet dénommé socialisme
du 21e siècle, vide de tout contenu".
"Notre pays est dans une étape préalable à l'insurrection
que favorise le président Chavez lui-même. La situation est
grave" croit pouvoir diagnostiquer Baduel. Il accuse Hugo Chavez de "démanteler
progressivement l'armée en créant des corps armés parallèles
non prévus par la Constitution et qui dépendent de lui. Cela
génère une situation d'inquiétude dans l'armée.
Je n'ai aucun doute qu'il [le président Chavez] le fait dans l'idée
de chercher des excuses et de se poser en victime pour ensuite manipuler
cette situation de déséquilibre".
Raul Isaias Baduel, qui fut aussi commandant en chef de l'armée de terre (ejército) de
2004 à 2006, contribua de manière décisive à
l'échec du putsch anti-Chavez de 2002. A la tête alors de la
brigade de parachutistes, il coordonna l'opération "Récupération
de la dignité" qui ramena dans la nuit du 14 au 15 avril 2002 Hugo
Chavez au palais présidentiel, dont il avait été évincé
48 heures plus tôt.
Baduel fut en outre avec Chavez l'un des quatre jeunes officiers fondateurs,
en 1982, du Mouvement bolivarien révolutionnaire 200 (MBR-200), creuset
de la révolution dite bolivarienne menée depuis 1999 au Venezuela.
Le divorce entre les deux compagnons d'armes coïncide avec le virage
radical de Hugo Chavez -ponctué du slogan castriste "Patria, socialismo o muerte"-
vers un "socialisme du 21 siècle" à
partir de sa réélection triomphale de décembre 2006.
Baduel a contribué à la première défaite électorale
du président Chavez, au référendum du 2 décembre
2007, lorsque le chef de l'Etat espérait faire du Venezuela un Etat
constitutionnellement socialiste. L'ex-chef des armées fit campagne
contre ce projet de réforme constitutionnelle, qu'il qualifia de tentative
de "coup d'Etat" visant à enterrer le pluralisme.
Vaincu au référendum par 51% de non, Hugo Chavez qualifia sa
défaite de "victoire de merde" de l'opposition. Dans son interview
à El Pais, Baduel relève qu'aujourd'hui, près de cinq
mois plus tard, les résultats officiels de ce référendum
du 2 décembre n'ont toujours pas été publiés.
L'ex-ministre de la Défense affirme en outre avoir été
en contact avec de nombreux militaires démocrates lorsqu'au soir du
référendum l'attente de l'annonce de la victoire du non s'éternisait.
Baduel aurait alors fait savoir "avec respect, mais fermeté" au Conseil
national électoral (CNE) qu'il envisageait de convoquer une conférence
de presse "pour faire connaître les véritables résultats".
Quelques instants plus tard, le CNE annonçait le rejet de la révision
socialiste de la Constitution. [NDLR - Divers opposants croient que le non
à la réforme constitutionnelle fut massif et donc largement
supérieur au score de 51% diffusé par le CNE].
Relativement jeune, 52 ans, Raul Isaias Baduel cherche sa place sur l'échiquier politique du Venezuela. Des médias lui ont prêté l'ambition de succéder à Chavez, mais la prochaine élection présidentielle n'aura lieu en principe
que fin 2012. Dans l'immédiat, le militaire retraité se revendique
d'une "démocratie à haut contenu social". Il reconnaît
des contacts avec Podemos, parti social-démocrate qui a rompu son
alliance avec la majorité présidentielle, cherchant désormais
une troisième voie entre le radicalisme de Hugo Chavez et l'opposition
stérile.
Selon Baduel, "l'unique prétention du président Chavez est
de se perpétuer au pouvoir et manier arbitrairement les revenus publics
et pétroliers". Le Venezuela, affirme-t-il, vivrait dans "une fiction
de démocratie" au sein de laquelle n'existerait plus la division des
pouvoirs, soumis au "personnalisme totalitaire et dictatorial" de Hugo Chavez.