Bilan du VIIe sommet. France, Espagne et Canada parmi les observateurs
L'Alliance du Pacifique, pôle de libre-échange en Amérique latine
CALI, vendredi 24 mai 2013 (LatinReporters.com) - Concrétisée
en juin 2012 par le Pérou, le Chili, le Mexique et la Colombie, l'Alliance
du Pacifique "est le nouveau moteur économique
et de développement de l'Amérique latine et des Caraïbes"
s'est exclamé le président colombien Juan Manuel Santos, hôte
jeudi à Cali du VIIe sommet de ce nouveau bloc, qui a défendu
le libre-échange comme outil contre la pauvreté et les inégalités.
Le processus d'adhésion du Costa Rica a été lancé
et le nombre de pays observateurs élargi.
Succédant à son homologue chilien Sebastian Piñera, M. Santos a reçu au sommet la présidence annuelle tournante de l'Alliance. Celle-ci, a-t-il affirmé, réunit "les quatre économies les plus florissantes de la région, quatre économies qui ont une même façon de penser, de concevoir le développement, de concevoir la démocratie, de concevoir le rôle que doit jouer l'État dans l'économie". Le processus d'intégration ainsi ouvert est "le plus important de toute l'histoire de l'Amérique latine" a surenchérit le président colombien. Rare ces dernières années en Amérique latine, pareil éloge des bienfaits politiques et économiques présumés du libéralisme libre-échangiste a inspiré ce titre à l'agence espagnole EFE : "L'Alliance du Pacifique ressuscite à Cali l'esprit de l'ALCA". L'ALCA (Área de Libre Comercio de las Américas), appelée aussi ZLEA (Zone de libre-échange des Amériques), est le projet de libre-échange continental, de l'Alaska à la Terre de Feu, dessiné par les États-Unis en 1994 et enterré onze ans plus tard en Argentine, devant George W. Bush au sommet des Amériques de Mar del Plata, par des pays sud-américains que parcourait le message bolivarien venu du Venezuela. Mais les deux présidents les plus ouvertement hostiles à l'ALCA-ZLEA ont disparu. Une crise cardiaque emporta l'Argentin Nestor Kirchner le 27 octobre 2010 et le Vénézuélien Hugo Chavez décédait d'un cancer le 5 mars dernier. Compétition politico-économique Les quatre pays de l'Alliance du Pacifique sont tous liés entre eux et aux États-Unis par des traités de libre-échange. À noter aussi qu'en associant de concert, au sommet de Cali, le libre-échange au progrès et à la démocratie, les présidents de ces quatre pays, le Colombien Juan Manuel Santos, le Chilien Sebastian Piñera, le Mexicain Enrique Peña et le Péruvien Ollanta Humala (autrefois proche de Chavez...) se sont implicitement posés en challengers du pôle relativement protectionniste constitué sur le versant atlantique de l'Amérique du Sud par les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay et Venezuela). La différence est plus marquée encore entre le pôle libre-échangiste de l'Alliance du Pacifique et celui idéologique de l'Alba (Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique) mené par les pays de la gauche radicale que sont le Venezuela, Cuba, la Bolivie, l'Équateur et le Nicaragua. Dans cette nouvelle compétition politico-économique ouverte de facto en Amérique latine, l'Alliance du Pacifique a des atouts. Ses quatre pays, qui rassemblent 210 millions d'habitants, ont affiché en 2012 une croissance moyenne de 5%, largement supérieure à la croissance mondiale (3,2%) et aux antipodes de la récession européenne. L'Alliance représente 35% du produit intérieur brut (PIB) latino-américain et 50% du commerce de l'Amérique latine avec le monde. En 2012, ce bloc libre-échangiste a attiré près de 70 milliards de dollars d'investissements étrangers directs, couverts par une sécurité juridique protégeant mieux les capitaux que les droits sociaux. Parmi les décisions prises au VIIe sommet ("historique" selon M. Santos) et mentionnées dans la Déclaration de Cali, le président colombien a souligné notamment l'exonération totale des droits de douanes, dès le 30 juin, sur 90% des échanges commerciaux entre les quatre pays membres, la mise en commun d'ambassades et de bureaux de promotion commerciale et touristique, l'exonération de visas pour tous les habitants de l'Alliance et l'étude d'un "visa Alliance du Pacifique" permettant aux touristes de pays tiers de parcourir les quatre pays membres avec un seul visa. L'ambition de prospecter ensemble les marchés asiatiques a été confirmée au sommet de Cali. Les espoirs suscités tant par ce regard prioritaire sur l'Asie que par les facilités offertes aux investisseurs dans le marché commun de l'Alliance du Pacifique et inversement par les capacités d'investissement à l'étranger de grandes entreprises de l'Alliance provoquent intérêt et convoitise. Attraction Signant à Cali un traité de libre-échange avec la Colombie (comme auparavant avec le Mexique, le Pérou et le Chili), le Costa Rica a réussi à faire adopter par le sommet le lancement de son processus d'adhésion à l'Alliance du Pacifique. Le Panama et probablement le Guatemala suivront bientôt le même chemin. Le statut d'observateur au sein de l'Alliance, précieux pour les contacts commerciaux, a en outre été accordé jeudi, à leur demande, à la France, au Portugal, au Salvador, au Honduras, à la République dominicaine, au Paraguay et à l'Équateur. Que ces deux derniers pays soient membres l'un du Mercosur et le second de l'Alba confirme l'attraction exercée par l'Alliance du Pacifique, malgré les mauvais souvenirs laissés par le néolibéralisme dans la région. Les pays devenus observateurs avant le sommet ont pu se faire entendre lors des débats, mais sans droit de vote. Dans ce cadre, le Canada était représenté par le Premier ministre Stephen Harper, l'Espagne par le président du gouvernement Mariano Rajoy, le Guatemala par le président Otto Pérez Molina, le Costa Rica par la présidente Laura Chinchilla, le Panama par le président Ricardo Martinelli, l'Uruguay (autre pays du Mercosur) par le vice-président Danilo Astori et la Nouvelle Zélande, l'Australie et le Japon par des ministres. Le patronat espagnol, présent à Cali au sommet parallèle des chefs d'entreprise, a prié Mariano Rajoy de solliciter l'adhésion pleine de l'Espagne à l'Alliance du Pacifique. L'intérêt pour l'Alliance de l'Espagne et d'autres pays européens malmenés par la crise s'était déjà manifesté au sommet Union européenne - Celac (Communauté des États latino-américains et des Caraïbes), en janvier dernier à Santiago du Chili. LatinReporters.com - Amérique latine - Espagne |