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L'Espagne revendique sa participation au sommet du G20
Crise financière: l'Ibéro-Amérique pourrait associer l'ONU à la recherche d'une solution mondiale

Par Christian GALLOY, directeur de LatinReporters

SAN SALVADOR / MADRID, samedi 1er novembre 2008 (LatinReporters.com) - A deux semaines de la réunion, le 15 novembre à Washington, du G20 pour tenter de redéfinir les fondements du système financier international, les 22 pays ibéro-américains (19 d'Amérique latine, plus l'Espagne, le Portugal et Andorre) envisagent d'élargir le débat en associant la communauté mondiale, sous l'égide de l'Organisation des Nations Unies (ONU), à la solution de la crise actuelle.

Les chefs d'Etat et de gouvernement participant au 18e Sommet ibéro-américain, réuni les 30 et 31 octobre dans la capitale du Salvador, ont approuvé notamment un "Communiqué spécial de la communauté ibéro-américaine sur la conjoncture économique mondiale".

"Des consultations seront tenues pour évaluer la possibilité de convoquer d'urgence une réunion des chefs d'Etat et de gouvernement, dans le cadre des Nations Unies, compte tenu de la gravité de la crise financière" affirme ce communiqué.

Il indique que ses signataires "ont rappelé la responsabilité du système financier des pays développés dans la crise actuelle" et "ont souligné l'importance de la participation universelle, démocratique et équitable, au débat sur l'actuelle crise financière internationale et à sa solution".

Les pays de l'Ibéro-Amérique expriment aussi dans le même communiqué leur propre "détermination à participer et contribuer activement à un processus de large et profonde transformation de l'architecture financière internationale, qui établisse des instruments de prévention et de réponse immédiate aux crises futures et qui assure une régulation efficace des marchés de capitaux."

Le thème officiel du sommet de San Salvador, "Jeunesse et Développement", a ainsi été éclipsé par un débat sur la crise financière mondiale et une prise de position commune qui fait écho à l'appel lancé par le président actuel de l'Assemblée générale des Nations Unies, le sandiniste nicaraguayen Miguel D'Escoto.

Ce dernier estimait le 30 octobre qu'il faut cesser de considérer l'économie mondiale comme le domaine réservé de quelques groupes de pays. Le G8, le G15 et le G20 ne sont pas suffisamment larges pour pouvoir résoudre ces problèmes, précisait Miguel D'Escoto. Selon lui, un G192, réunissant donc tous les pays membres de l'ONU, serait plus adapté à la situation actuelle.

Ce point de vue est particulièrement soutenu par le Venezuela, la Bolivie, l'Equateur, Cuba et le Nicaragua, pays relevant de la gauche latino-américaine dite radicale. Ils ont donc pu se faire écouter au sommet ibéro-américain, malgré l'absence des présidents Raul Castro et Hugo Chavez (qui estimait sa sécurité mal assurée au Salvador).

Le "Communiqué spécial de la communauté ibéro-américaine sur la conjoncture économique mondiale" est d'autant plus significatif qu'au nombre de ses 22 signataires figurent Luiz Inacio Lula da Silva, Cristina Fernandez de Kirchner et Felipe Calderon, chefs d'Etat, respectivement, du Brésil, de l'Argentine et du Mexique, trois pays membres du G20 qui se réunira le 15 novembre à Washington.

Le G20, dont en outre le Brésil assume actuellement la présidence, comprend le groupe des huit (G8 - Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni, Russie), plus onze grandes économies émergentes (Afrique du Sud, Arabie saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Chine, Corée du Sud, Inde, Indonésie, Mexique, Turquie), ainsi que l'Union européenne.

"La voix des pays les plus pauvres doit être entendue, car ils sont les victimes et non les coupables d'une crise face à laquelle les pays riches n'ont pas su réagir" a déclaré le président brésilien Lula da Silva en séance plénière du sommet ibéro-américain. Les 22 pays participants ont admis, y compris le président conservateur colombien Alvaro Uribe, que l'heure est au retour, à des degrés divers, de la politique et de l'Etat dans l'économie pour conjurer le néolibéralisme ou pour le moins ses excès.

S'ils sont convenus de faire entendre, théoriquement, leur même voix commune à Washington et ailleurs, les pays ibéro-américains n'en sont pas moins divisés sur la philosophie de la solution à apporter à la crise. Le Venezuela, la Bolivie, l'Equateur, Cuba et le Nicaragua croient nécessaire la recherche d'un nouveau modèle face à "l'échec et la crise globale du capitalisme". Les autres pays défendent une réforme du système financier existant.

"Il ne s'agit pas de sauver le capitalisme. Le capitalisme ne résoudra jamais les problèmes de l'humanité" s'est exclamé à San Salvador le président bolivien Evo Morales.

Par contre, bien qu'estimant que la pensée néolibérale basée sur la dérégulation et la négation de l'intervention de l'Etat "s'est écroulée d'elle-même", le socialiste José Luis Rodriguez Zapatero, président du gouvernement espagnol, a déclaré "qu'il faut partir de ce que nous avons". A ses yeux, "le marché est la meilleure méthode d'assigner les ressources". Et d'en conclure: "Institutions financières, oui, mais avec des règles, de l'ordre, en considérant toujours qu'elle doivent répondre à la recherche d'un profit et, simultanément, de l'intérêt général".

L'Espagne veut être invitée au sommet de Washington

En marge du sommet ibéro-américain de San Salvador, M. Zapatero a multiplié les rencontres bilatérales, s'assurant ainsi de l'appui du Brésil, de l'Argentine et du Mexique à la revendication de l'Espagne d'être invitée à Washington au sommet du G20.

Se prévalant de représenter "la huitième économie mondiale", mais mal en cour à la Maison blanche depuis le retrait des militaires espagnols engagés en Irak, M. Zapatero estime que les Etats-Unis ne devraient pas être les seuls à lancer des invitations à un sommet convoqué aussi, dit-il, à l'initiative de l'Union européenne (UE).

La satisfaction de la prétention de l'Espagne de participer le 15 novembre au sommet de Washington sans appartenir ni au G8 ni au G20 demeure incertaine. Pour la concrétiser, José Luis Rodriguez Zapatero affirme miser surtout sur "la voie européenne". La France assumant ce semestre la présidence de l'UE, Madrid compte donc sur Nicolas Sarkozy pour forcer la main à George W. Bush.




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