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LE CHILI POURRAIT VIRER À DROITE ET LE SALVADOR À GAUCHE
2 référendums, 7 élections présidentielles, 9 législatives
Amérique latine 2009: élections dans 10 pays et Obama au Sommet des Amériques

par Christian GALLOY, directeur de LatinReporters.com

MADRID, dimanche 11 janvier 2009 (LatinReporters.com) - Le Chili, si symbolique, va-t-il virer à droite comme le suggèrent les sondages? En revanche, au Salvador, les urnes porteront-elles au pouvoir l'ancienne guérilla d'extrême gauche du FMLN? Les Vénézuéliens octroieront-ils à Hugo Chavez le droit de briguer indéfiniment la présidence? Et en Bolivie, l'Amérindien Evo Morales sera-t-il réélu et sa Constitution indigéniste plébiscitée? Ces questions dominent les 2 référendums, 7 élections présidentielles et 9 législatives qui se succéderont en 2009 dans 10 pays d'Amérique latine: Salvador, Bolivie, Venezuela, Equateur, Panama, Mexique, Uruguay, Argentine, Honduras et Chili.

A noter d'emblée que les régimes présidentiels généralisés en Amérique latine relativisent, davantage encore qu'aux Etats-Unis, l'importance des scrutins législatifs, souvent concomitants avec le présidentiel. Contrôlant l'exécutif, la présidence s'exercera même si l'opposition parlementaire est majoritaire et peut parfois freiner, voire enterrer, certaines initiatives présidentielles.

Assaisonnant le marathon électoral continental qu'enrichiront encore divers scrutins municipaux, le Ve Sommet des Amériques, du 17 au 19 avril à Trinité-et-Tobago, permettra au nouveau président des Etats-Unis, Barack Obama, de côtoyer ses pairs du continent convoqués sur le thème "Assurer l'avenir de nos citoyens à travers la promotion de la prospérité humaine, la sécurité énergétique et la durabilité environnementale".

L'institution des Sommets des Amériques, dont le IVe fut accueilli par l'Argentine en 2005, est une émanation de l'OEA (Organisation des Etats américains). L'OEA compte 34 Etats membres, soit tous ceux des Amériques à la seule exception de Cuba. L'île des frères Castro en fut exclue en 1962, un système communiste étant alors considéré comme incompatible avec le système interaméricain. Atteintes aux droits de l'homme et absence de pluralisme sont les raisons invoquées par Washington pour prolonger cette exclusion. Barack Obama la maintiendra-t-elle, alors que les 33 pays d'Amérique latine et des Caraïbes, à nouveau tous ceux des Amériques à l'exception cette fois des Etats-Unis et du Canada, applaudissaient Raul Castro le 17 décembre dernier au Brésil et jetaient, quoique certains avec tiédeur, les bases d'une organisation parallèle à l'OEA incluant Cuba?

Salvador, Bolivie, Venezuela

Le Salvador ouvrira le bal électoral en élisant le 18 janvier ses 84 députés, puis, le 15 mars, son président. Pour les deux scrutins, les sondages prédisent le triomphe du Front Farabundo Marti pour la Libération Nationale (FMLN), l'ex-guérilla reconvertie en parti politique. La victoire de son candidat à la présidence, le journaliste de télévision Mauricio Funes, très populaire et d'une modération peut-être tactique, mettrait fin à 20 ans de pouvoir de l'Alliance Républicaine Nationaliste (ARENA, originellement façade politique de paramilitaires d'extrême droite). Succédant au retour à la présidence du Nicaragua, lors des élections de novembre 2006, de l'ex-chef guérillero sandiniste Daniel Ortega, ce bouleversement renforcerait les pressions internationales exercées sur la guérilla marxiste colombienne des FARC pour la convaincre de briguer le pouvoir par les urnes et non plus par les armes.

Le 25 janvier en Bolivie, le président amérindien Evo Morales jouera son avenir politique au référendum sur une nouvelle Constitution dont l'adoption est probable. Instaurant une version locale du "socialisme du 21e siècle" cher au président vénézuélien Hugo Chavez, la nouvelle charte fondamentale, très soucieuse des intérêts des populations autochtones, permettrait à Evo Morales de solliciter un second mandat lors d'élections présidentielle et législatives déjà fixées au 6 décembre. A cette date, les pleins effets de la crise financière et économique mondiale auront créé, en Amérique latine comme ailleurs, des paramètres qui pourraient bousculer les schémas politiques.

La victoire référendaire attendue du chef de l'Etat bolivien épaulerait psychologiquement l'ambition très contestée de son allié Hugo Chavez de faire sauter, également par référendum en février, le verrou par lequel la Constitution dite bolivarienne du Venezuela ferme actuellement la possibilité d'exercer plus de deux mandats présidentiels consécutifs. Une victoire du non, qui surprendrait autant que le rejet populaire en décembre 2007 d'une autre tentative de révision constitutionnelle, empêcherait Hugo Chavez de briguer à nouveau la magistrature suprême en décembre 2012 et le contraindrait à céder le pouvoir à son successeur en janvier 2013. Dans l'immédiat, un non majoritaire des Vénézuéliens au droit de briguer un nombre illimité de mandats successifs nuirait à toutes les gauches radicales d'Amérique latine et alourdirait peut-être davantage les tensions politiques au Venezuela pendant les 4 dernières années du mandat de Hugo Chavez. Sa marge de manoeuvre, tant nationale qu'internationale, est actuellement hypothéquée par l'effondrement des prix du pétrole brut, dont le Venezuela est le 5e exportateur mondial.

Equateur, Panama, Uruguay, Honduras

La théorie des dominos entre la Bolivie et le Venezuela, ainsi que la crise mondiale pèseront également sur l'Equateur, appauvri soudainement par la réduction des prix pétroliers et du montant des devises envoyées par les émigrés. Les sondages laissent toutefois peu de doutes sur la réélection du socialiste équatorien Rafael Correa aux élections présidentielle et législatives du 26 avril. Allié de ses homologues Morales et Chavez, le président Correa suspendait en décembre dernier le paiement de près de 40% de la dette extérieure équatorienne. Populaire et permettant de ne pas réduire les programmes sociaux avant les élections, cette mesure expose à terme l'Equateur à de coûteuses représailles internationales.

Scrutins présidentiels et législatifs aussi au Panama, le 3 mai, et en Uruguay, le 25 octobre. Une gauche modérée apparentée à la social-démocrate régit actuellement les deux pays. Nettement favori dans les sondages, l'homme d'affaires et milliardaire Ricardo Martinelli ramènerait le Panama au centre droit s'il remportait la présidence. En Uruguay, le Frente Amplio (Front Elargi) a des chances raisonnables de conserver le pouvoir. L'élection à la présidence de son candidat le plus probable, l'ex-guérillero José Mujica, pourrait incliner le pays davantage à gauche par rapport à la gestion de l'actuel président Tabaré Vazquez.

Au Honduras, lors de la présidentielle et des législatives simultanées du 29 novembre, la présidence se jouera entre Porfirio Lobo, du Parti national, et Elvin Santos, du Parti Libéral. Ces partis théoriquement de droite sont les deux principaux du pays. L'actuel président Manuel Zelaya, élu en 2005 comme candidat du Parti Libéral, a plongé dans le flou les étiquettes politiques en signant en août 2008 l'adhésion du Honduras à l'ALBA (Alternative bolivarienne pour les Amériques), organisation politico-économique de la gauche radicale à laquelle appartiennent Cuba, le Venezuela, la Bolivie, le Nicaragua et la Dominique.

Mexique, Argentine, Chili

Des élections législatives partielles renouvelleront le 5 juillet au Mexique la totalité des députés (le sort des sénateurs se jouera en 2012) et auparavant la moitié de la Chambre des députés et le tiers du Sénat le 28 juin en Argentine [au lieu du 25 octobre fixé initialement; ajout du 27 mars]. Le président conservateur mexicain Felipe Calderon et son homologue argentine, la péroniste de gauche Cristina Fernandez de Kirchner, tous deux arrivés alors à mi-mandat, mesureront la température socio-politique de leur pays et les analystes ébaucheront leurs premières prévisions pour l'élection présidentielle de 2011 en Argentine et celle de 2012 au Mexique.

Enfin, le Chili fermera le cycle électoral latino-américain de 2009 par les élections législatives et la présidentielle concomitante du 13 décembre [au lieu du 11 décembre fixé initialement; ajout du 16 juin]. Le scrutin présidentiel aura une forte charge symbolique. Au pouvoir depuis 1990, soit depuis la fin de la dictature du général Augusto Pinochet, la coalition de centre gauche Concertation pour la Démocratie pourrait le perdre après avoir été devancée en octobre 2008, pour la première fois, par la coalition de droite Alliance pour le Chili à l'élection directe des maires des municipalités.

Début janvier, un sondage du Centro de Estudios de la Realidad Contemporánea (CERC) octroyait 41% des intentions de vote au candidat de la droite, le milliardaire Sebastian Piñera, qui avait recueilli en janvier 2006 46,5% des suffrages au second tour de la présidentielle, contre 53,5% à l'actuelle présidente, la socialiste Michelle Bachelet. La Constitution empêche cette dernière de briguer un second mandat consécutif. Le candidat le mieux situé au sein de la Concertation pour la Démocratie, le revenant démocrate-chrétien Eduardo Frei, déjà président du Chili de 1994 à 2000, n'est crédité par le CERC que de 9% de préférences.

Qu'au pays du général Pinochet, décédé en décembre 2006, la droite revienne au pouvoir, cette fois au moyen d'urnes démocratiques, porterait un rude coup au messianisme des gauches latino-américaines. Et que l'alternance démocratique ne favorise pas nécessairement la gauche serait difficilement admis à Caracas, Quito, La Paz, Managua et la Havane. Mais d'ici décembre, divers impondérables, dont les effets de la crise économique mondiale, pourraient retourner les sondages.

CALENDRIER ÉLECTORAL 2009

- 18 janvier: Salvador, élections législatives.
- 25 janvier: Bolivie, référendum sur le projet de nouvelle Constitution..
- 15 février: Venezuela, référendum sur une révision constitutionnelle autorisant le président et autres mandataires publics élus à briguer un nombre illimité de mandats successifs.
- 15 mars: Salvador, élection présidentielle.
- 26 avril: Equateur, élections présidentielle et législatives.
- 3 mai: Panama, élections présidentielle et législatives.
- 28 juin: Argentine, élections législatives partielles (fixées initialement au 25 octobre).
- 5 juillet: Mexique, élections législatives partielles.
- 25 octobre: Uruguay, élections présidentielle et législatives.
- 29 novembre: Honduras, élections présidentielle et législatives.
- 6 décembre: Bolivie, élections présidentielle et législatives.
- 13 décembre: Chili, élections présidentielle et législatives (fixées initialement au 11 décembre).

Simultanément, des élections municipales auront lieu dans plusieurs de ces pays.



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