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Puerto Iguazu: sommet sur nationalisation des hydrocarbures en Bolivie Bolivie-Brésil-Argentine-Venezuela: prix du gaz à négocier, nationalisation acceptée
"Les livraisons de gaz [bolivien] sont assurées... Les prix seront négociés démocratiquement" déclarait avec satisfaction le Brésilien Lula à l'issue de ce sommet organisé jeudi à sa demande par Nestor Kirchner dans la ville argentine de Puerto Iguazu, frontalière du Brésil. La réunion des quatre chefs d'Etat semble avoir apaisé politiquement les tensions surgies de la nationalisation des hydrocarbures décrétée à La Paz par Evo Morales. Les présidents Kirchner et Lula -Hugo Chavez, lui, était convaincu d'avance- ont admis que la nationalisation était un acte souverain et légitime de la Bolivie dans sa lutte contre la pauvreté. La nationalisation bolivienne a frappé de plein fouet la société publique brésilienne Petrobras, qui contrôle 47,3% des réserves boliviennes de gaz, les plus importantes d'Amérique du Sud après celles du Venezuela. Plus de 50% du gaz naturel consommé au Brésil vient de Bolivie, dans un gazoduc que gère Petrobras et par lequel transitent chaque jour 30 millions de mètres cubes. L'Argentine est en importance le deuxième acheteur régional de gaz bolivien, dont elle importe de 3 à 4 millions de mètres cubes quotidiens. Quant au Venezuela, son président Hugo Chavez, qui a rallié le Bolivien Evo Morales à sa vision "anti-impérialiste" et farouchement antiaméricaine de l'intégration régionale, son opulence en hydrocarbures -pétrole et gaz- en fait un acteur obligé de concertations sur les problèmes énergétiques. M. Chavez est le promoteur d'un mégaprojet de gazoduc qui relierait sur près de 10.000 km le Venezuela à l'Argentine, traversant le Brésil et desservant par des bretelles adjacentes d'autres pays d'Amérique du Sud. "Alliance continentale" selon le président brésilien Lula A Puerto Iguazu, la Bolivie a été formellement invitée par les trois autres pays participant au sommet à s'intégrer dans ce réseau énergétique sud-américain. En dépit de multiples incertitudes techniques, économiques et écologiques, les premiers travaux du gigantesque gazoduc sont annoncés pour 2007. Son installation se poursuivrait jusqu'en 2017, au prix peut-être sous-évalué de 20 milliards de dollars. Les observateurs notent que l'intégration énergétique, basée alors sur le charbon et l'acier, fut après la seconde guerre mondiale le creuset de l'Union européenne. Selon le président brésilien Lula, "ni le Brésil ni l'Argentine ni le Venezuela ni la Bolivie ne recherchent l'hégémonie. Ils veulent être des associés. Nous construirons une alliance continentale et c'est ainsi que nous allons nous présenter au monde lors de la prochaine réunion du 12 mai à Vienne". [NDLR; le IVe Sommet Union européenne-Amérique latine et Caraïbes se tiendra du 11 au 13 mai dans la capitale autrichienne]. Néanmoins, selon divers médias tant latino-américains qu'européens, cette profession de foi unitariste et l'aval politique public donné par le sommet quadripartite à la nationalisation bolivienne ne suffiraient pas à masquer la fracture qui séparerait désormais les deux gauches de la région. A savoir, d'une part la gauche "bolivarienne" populiste d'Hugo Chavez, Evo Morales et Fidel Castro et, d'autre part, la gauche sociale-démocrate qui croit davantage au marché, incarnée de fait au Brésil par Lula, en Uruguay par Tabaré Vazquez, au Chili par Michelle Bachelet et avec des nuances en Argentine par Nestor Kirchner. Les présidents Morales et Chavez étaient arrivés dans le même avion à Puerto Iguazu, après avoir conclu à La Paz une alliance stratégique de leurs sociétés publiques d'hydrocarbures, Petroleos de Venezuela SA (PDVSA) et Yacimientos Petroliferos Fiscales Bolivianos (YPFB). Cette alliance prévoit notamment l'assistance d'experts vénézuéliens, qui pourraient maintenir la production bolivienne d'hydrocarbures en cas, peu probable, de boycott de l'activité par les multinationales nationalisées. Des assesseurs vénézuéliens formaient déjà des travailleurs et cadres d'YPFB en janvier dernier. La déclaration finale du sommet d'Iguazu parle, en référence notamment au prix du gaz que la Bolivie veut relever, de prochains "dialogues bilatéraux pour résoudre les questions en suspens". La Paz maintiendra ces dialogues avec Brasilia et Buenos Aires. Toutefois, Petrobras, qui a annoncé l'abandon d'importants investissements prévus en Bolivie, s'était prononcée, par la voix de son président, José Sergio Gabrielli, contre toute augmentation des prix. Il semble que l'apaisement du climat politique n'ait pas encore gagné les milieux économiques. Cette observation s'applique aussi aux réticences de l'hispano-argentine Repsol-YPF. Dominée par des capitaux espagnols, cette société est le plus important investisseur dans les hydrocarbures boliviens après Petrobras. Au sommet Europe-Amérique latine de Vienne, le président du gouvernement espagnol, le socialiste José Luis Rodriguez Zapatero, entend s'inquiéter auprès d'Evo Morales de l'avenir des investissements espagnols en Bolivie. Des émissaires du gouvernement de Madrid en débattent actuellement à La Paz. © LatinReporters.com - Amérique latine - Espagne
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