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L'Est et 7 des 10 principales villes aux mains de l'opposition
Bolivie: Evo Morales gagne encore, mais l'opposition résiste aux élections régionales et municipales
LA PAZ, mardi 6 avril 2010 (LatinReporters.com) - Le MAS
(Mouvement vers le socialisme) du président Evo Morales a gagné
le 4 avril les élections régionales et municipales en Bolivie,
mais sans remporter le triomphe écrasant qu'il escomptait. Les plus
riches départements, qui couvrent la moitié orientale du pays,
demeurent aux mains de l'opposition. En outre, sept des dix villes les plus
importantes, dont La Paz, échappent au contrôle du MAS gouvernemental. Quatre mois après les élections présidentielle et législatives du 6 décembre 2009, le socialiste amérindien Evo Morales étant alors réélu pour un mandat présidentiel de cinq ans avec 64% des suffrages, les Boliviens choisissaient le 4 avril les gouverneurs des neuf départements, 144 membres des assemblées départementales, 337 maires, 1.887 conseillers municipaux, 23 autorités indigènes locales et des sous-gouverneurs provinciaux. Malgré la neutralité gouvernementale exigée par la loi électorale, le président Morales fut le principal animateur de la campagne de son parti, le MAS. "Ce n'est plus un problème de gagner les élections. Elles sont déjà gagnées. Mais mon rêve est de les gagner avec plus de 70% des voix" clamait Evo Morales le 31 mars, quatre jours avant le vote, en clôturant la campagne du MAS dans sa principale citadelle, la ville d'El Alto. La veille même du scrutin, en conférence de presse à Cochabamba, Evo Morales affirmait qu'il lui serait "impossible" de s'entendre avec des "conspirateurs", en référence à l'éventuelle élection de gouverneurs et de maires issus de l'opposition. Aujourd'hui, les résultats obligent le chef de l'Etat à se dire disposé à travailler avec cette opposition, qu'il invite toutefois à reconnaître que le processus national de changement conduit par le MAS "ne peut pas être arrêté". Le lent décompte n'offre encore que des résultats très partiels. Les résultats définitifs ne seront pas connus avant le 24 avril a annoncé le président de la Cour nationale électorale, Antonio Costas. Dans l'attente, gouvernement et opposition acceptent le panorama dessiné par les sondages à la sortie des urnes et réagissent en les interprétant autant que possible à leur profit. Le président Morales proclame sa victoire dans six des neuf départements : les quatre de l'ouest andin (La Paz, Oruro, Potosi et Cochabamba), ainsi que ceux de Chuquisaca (centre) et Pando (nord). Les sondages jugent pourtant encore indécis les résultats de Pando. Ce département s'ajoutera peut-être aux trois que conservent l'opposition dans l'est du pays, ceux de Beni, de Santa Cruz et de Tarija. Le camp conservateur continue donc à dominer la Bolivie orientale où se concentrent les gisements de gaz et de pétrole , ainsi que l'essentiel de l'agriculture, de l'élevage et des industries agro-alimentaires. La fracture reste ainsi ouverte en Bolivie entre l'occident andin à majorité amérindienne, défavorisée et socialisante et, d'autre part, l'orient relativement plus riche et prospère, dominé par des autorités politiques et économiques blanches ou métisses gardiennes du libéralisme. Les deux capitales, La Paz et Sucre, aux mains de l'opposition La résistance à l'hégémonie du MAS est illustrée aussi par le scrutin municipal. Parmi les dix villes les plus importantes de Bolivie par leur population et/ou leur rôle administratif, soit les neuf capitales départementales auxquelles il faut ajouter El Alto, le parti gouvernemental n'en domine que trois : El Alto, Cochabamba et Cobija. L'opposition s'impose, elle, non seulement dans la ville la plus peuplée du pays, Santa Cruz de la Sierra (1,6 million d'habitants), mais également dans des villes aussi symboliques que La Paz, capitale administrative qui abrite présidence, Parlement et gouvernement, ainsi que Sucre, la capitale constitutionnelle, ou encore Tarija, capitale du département homonyme, le plus riche en hydrocarbures. A Oruro et Potosi aussi, capitales comme La Paz de départements andins du même nom, le MAS, pourtant dans son fief, est vaincu. Sur le plan national et sous réserve des résultats officiels, le parti d'Evo Morales devrait se situer largement sous le score de 70% escompté par le président et même probablement sous ses 64% récoltés aux élections générales du 6 décembre 2009. "Le message politique est que la Bolivie ne veut pas un régime totalitaire" prétend Mario Cossio, réélu gouverneur du département de Tarija. Dans celui de Santa Cruz, son allié Ruben Costas, également réélu gouverneur, offre à Evo Morales, qu'il traita un jour "d'excellentissime assassin, singe et macaque", de travailler "dans la concorde" pour le futur de la Bolivie. "Que nul ne confonde notre main tendue avec une main vaincue" ajoute Ruben Costas. Il n'empêche qu'Evo Morales a raison de souligner "le grand saut" du MAS par rapport aux élections municipales et régionales de 2004 et 2005. Selon le président, son parti régira quelque 200 des 337 mairies, soit le double de celles qu'il dominait, et six départements au lieu de trois. La victoire globale du MAS du président Morales est incontestable, d'autant que les succès importants mais ponctuels de l'opposition ne sont pas ceux d'un front uni capable d'estomper la prédominance nationale du MAS. Dans les villes de La Paz et Oruro, par exemple, la mairie est remportée non par l'opposition conservatrice, divisée, mais par le Movimiento Sin Miedo (MSM, Mouvement sans peur), un parti de gauche qui fut l'allié d'Evo Morales et auquel on prête désormais l'ambition de conquérir le pouvoir national à la présidentielle de 2014. Comme au Venezuela? Les élections du 4 avril marquent en tout cas un recul par rapport à la montée en puissance d'Evo Morales et de son MAS aux élections générales de décembre dernier. Les observateurs font un rapprochement avec les élections régionales et municipales du 23 novembre 2008 au Venezuela. Gagnées par le Parti socialiste uni du président Hugo Chavez, principal allié international d'Evo Morales, ces élections débouchèrent néanmoins sur la victoire de l'opposition à Caracas et Maracaibo, les deux plus grandes villes vénézuéliennes, et dans cinq Etats regroupant 40% de la population et 70% de l'activité économique du Venezuela. Par décrets ou en faisant ouvrir par la justice, soumise à la présidence, des poursuites contre des opposants qu'il accuse notamment de corruption, Hugo Chavez a réduit autoritairement la portée des pouvoirs locaux conquis démocratiquement par l'opposition. Evo Morales fera-t-il de même en Bolivie? Utilisera-t-il à des fins politiques la "Loi de lutte contre la corruption et l'enrichissement illicite" qu'il a promulguée en mars dernier? L'opposition le redoute, car ladite loi est rétroactive et les juges des principaux tribunaux boliviens viennent d'être nommés par Evo Morales lui-même, "à titre provisoire" jusqu'au 5 décembre 2010, date théorique de l'élection des juges au suffrage universel. Dans le collimateur apparemment déjà commun du président Morales et de la justice, cette loi et d'autres visent divers hommes d'affaires et opposants politiques boliviens, dont les quatre derniers ex-présidents de la République, Jorge Quiroga, Gonzalo Sanchez de Lozada (réfugié aux Etats-Unis, il est accusé à La Paz de "crimes contre l'humanité"), Carlos Mesa et Eduardo Rodriguez. Le représentant en Bolivie du Haut commissariat des Nations unies aux Droits de l'homme, Denis Racicot, a exprimé publiquement le souhait que soient garantis des "procès justes". © LatinReporters.com - Amérique latine - Espagne |