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Editorial Brésil - Contradictions du pape Benoît XVI dans son message à l'Amérique latine
La défense absolue du mariage et de la famille, la chasteté comme prévention implicite du sida et le "respect de la vie de sa conception à son déclin naturel" sont des options polémiques en Amérique latine et ailleurs. En les prônant lors de son premier voyage latino-américain comme lors de ses parcours européens, Benoît XVI a peu surpris, si ce n'est qu'il a élargi l'éventualité d'excommunication pour avortement aux mandataires politiques qui, à l'instar récemment de parlementaires du district fédéral de Mexico, légalisent ce que Rome assimile au Massacre des Innocents. Malgré l'ampleur du débat sur l'avortement (il faudra un jour mesurer sa part dans le vieillissement de populations brandi pour justifier des flux migratoires qui déstructurent), on attendait davantage l'opinion du pape sur des problèmes spécifiques que rencontre l'Eglise au Brésil et dans d'autres pays du continent, à savoir la concurrence de protestants évangéliques ou pentecôtistes, la revendication de valeurs autochtones amérindiennes et le virage politique à gauche de la région. Benoît XVI a qualifié de "sectes au prosélytisme agressif " les groupes protestants en constante progression en Amérique latine. Il a souligné que "l'Eglise ne fait pas de prosélytisme ... elle se développe plutôt par attraction, comme le Christ attirait à lui avec la force de son amour". Le souverain pontife a réfuté la responsabilité de l'Eglise dans l'anéantissement des civilisations précolombiennes. Selon Benoît XVI, les Amérindiens "attendaient silencieusement" de devenir chrétiens lorsqu'à partir du 15e siècle les colonisateurs espagnols et portugais ont débarqué. "Embrasser la foi les a purifiés", a-t-il dit, ajoutant que "l'utopie de redonner vie aux religions précolombiennes ... ne serait pas un progrès mais une régression". Hostile à la Théologie de la Libération, née au Brésil dans les années 1960, Benoît XVI a affirmé que le catholicisme "n'est pas une idéologie politique ni un mouvement social ni un système économique", mais "la foi en un Dieu amour". Il a néanmoins critiqué les "gouvernements autoritaires" et le retour de "certaines idéologies que l'on croyait dépassées et qui ne correspondent pas à la vision chrétienne de l'homme et de la société". Tous les observateurs y ont décelé une attaque contre la gauche antilibérale et pro-cubaine qui domine le Venezuela d'Hugo Chavez et la Bolivie du président amérindien Evo Morales, que le pape n'a toutefois pas cités. "Le système marxiste, quand il a réussi à se frayer un chemin au gouvernement, n'a pas seulement laissé un triste héritage de destruction économique et écologique, mais aussi une douloureuse destruction de l'esprit humain", a estimé Benoît XVI. Pour compenser, il s'en est pris aussi au capitalisme sauvage et à la globalisation, qui entraîne une "inquiétante dégradation de la dignité personnelle à travers la drogue, l'alcool, et de fausses illusions de bonheur". Mais sans la globalisation médiatique, l'information étant elle-même une valeur marchande cotée en bourse, quelle portée aurait aujourd'hui la voix du pape? La contradiction entre son message d'amour et celui de rejet d'autres cultes, entre l'appel à la dévotion dépolitisée et la censure de régimes de gauche -imparfaits et menacés de dérive autoritaire, mais élus sous des apparences démocratiques- fera planer un nuage d'intolérance sur la Vème Conférence des évêques d'Amérique latine et des Caraïbes (CELAM) inaugurée par Benoît XVI le dernier jour de sa visite au Brésil. Réunie pour la première fois depuis 15 ans, la CELAM tracera d'ici la fin du mois de mai les grandes orientations de l'Eglise sur le continent théoriquement le plus catholique au monde. Icône de la gauche latino-américaine, mais converti à la modération sociale-démocrate, le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva se dit croyant. Il a accueilli le pape avec respect tout en défendant la laïcité de l'Etat brésilien, refusant un concordat que lui proposait Benoît XVI pour renforcer l'influence de l'Eglise au Brésil. A César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. Puissent les démocrates opposer ce message à toutes les religions et en priorité, aujourd'hui, à l'islam. © LatinReporters.com - Amérique latine - Espagne
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