Chili-présidentielle: Piñera (droite) gagne le 1er tour devant Frei et reste favori
SANTIAGO, lundi 14 décembre 2009 (LatinReporters.com) - Infligeant une
défaite sans précédent à la
coalition de centre gauche au pouvoir au Chili depuis la fin de la dictature
du général Pinochet, le milliardaire de centre droit Sebastian
Piñera a ouvert les portes de l'alternance en remportant le 13 décembre
le 1er tour de l'élection présidentielle. Déjà
favori du 2e tour fixé au 17 janvier 2010, il a devancé
dimanche de près de 15 points son principal rival, le démocrate-chrétien
Eduardo Frei.
Après dépouillement de 98,32% des bulletins de vote, les résultats
diffusés par le ministère de l'Intérieur octroient 44,03%
des suffrages à Sebastian Piñera, candidat de la Coalition
pour le changement unissant les deux grandes familles de la droite chilienne.
A défaut de majorité absolue, il affrontera le 17 janvier en
duel Eduardo Frei, arrivé en 2e position dimanche avec 29,62% des
voix. Ex-président du Chili (1994 - 2000), M. Frei, 67 ans, est le candidat
de la Concertation démocratique. Au pouvoir
depuis 20 ans, elle réunit socialistes, démocrates-chrétiens,
radicaux et sociaux-démocrates.
La présidente sortante, la socialiste modérée Michelle
Bachelet, fut élue en 2005 sous la bannière de cette coalition
de centre gauche. Elle n'est plus candidate, car la Constitution du Chili
interdit l'exercice de deux mandats présidentiels consécutifs.
Malgré la popularité de Michelle Bachelet, la Concertation
démocratique est victime de l'usure du pouvoir et surtout des divisions
que cette usure favorise. Les deux autres candidats à l'élection
présidentielle, éliminés au premier tour, sont en effet
des dissidents du Parti socialiste, membre essentiel de la Concertation.
La dissidence la plus douloureuse est celle du jeune député
Marco Enriquez-Ominami, 36 ans. Il s'est classé 3e du premier tour
avec un consistant 20,12%, suivi d'un ex-ministre et ex-président
du Parti socialiste, Jorge Arrate, crédité de 6,21% des voix
à la tête d'une coalition d'extrême gauche dominée
par les communistes.
Les législatives qui accompagnaient la présidentielle confirment
la progression de la droite et le recul de la gauche. Pour l'élection
des 120 députés, la droite réalise un score de 43,42%,
contre 38,72% en 2005. La gauche gouvernementale dégringole, elle,
de 51,76% des suffrages à un actuel 44,41%. Cette chute de la Concertation
démocratique aurait été plus grande sans son accord avec
l'extrême gauche, qui a permis l'élection d'une poignée
de députés communistes pour la première fois depuis
le coup d'Etat perpétré par le général Pinochet
en 1973.
Les Chiliens renouvelaient aussi la moitié de leurs 38 sénateurs.
Dans l'attente de la répartition officielle des sièges, un
équilibre entre la droite et la gauche est prévisible au Congrès
national (Parlement). Si la Concertation démocratique y conservait
une majorité d'élus, elle serait très réduite.
La bataille pour le second tour a déjà commencé. Son
enjeu principal est le report des voix des deux candidats présidentiels
éliminés au premier tour.
"L'élection présidentielle n'est pas encore décidée.
Je veux demander aux candidats de faire campagne en donnant la priorité
au débat d'idées" a déclaré dimanche soir la
présidente Michelle Bachelet. Elle a exprimé sa satisfaction pour la fin
de la longue exclusion parlementaire des communistes.
Victoire probable du milliardaire Sebastian Piñera au second
tour
Dans l'euphorie de ses 44% du premier tour, le milliardaire Sebastian Piñera,
magnat à 60 ans du transport aérien, de la monétique et de la télévision, a réitéré sa promesse de créer un million d'emplois. "Je serai le président des sans-emploi, de la classe moyenne, des
malades, des gens âgés et de ceux qui ont besoin d'un gouvernement
qui leur tende la main" a-t-il clamé comme s'il considérait
acquise son entrée au Palais de La Moneda.
Il est vrai que le dernier sondage du Centro de Estudios de la Realidad
Contemporanea (CERC), qui avait prévu avec une rare précision
les résultats du premier tour de la présidentielle, lui
attribuait déjà pour le second tour une avance de 17 points
sur le candidat de la Concertation démocratique, Eduardo Frei, soit
49% contre 32%.
Toutefois, les analystes notent qu'Eduardo Frei, déjà assuré
de l'appui de l'extrême gauche, pourrait bénéficier du
report de la moitié des voix du socialiste dissident Marco Enriquez-Ominami.
Le quart des 20% obtenus par ce dernier au premier tour grossirait peut-être
en revanche le 17 janvier prochain le score de Sebastian Piñera. Ces
extrapolations pour le second tour assureraient au candidat de centre gauche
un plancher d'au moins 45% des intentions de vote, le milliardaire de centre
droit frôlant, lui, la majorité absolue.
Conscient du rôle clé des électeurs de Marco Enriquez-Ominami,
Piñera s'est référé à lui en affirmant
"je m'identifie à sa vitalité, à sa force et au courage
avec lequel il affronte la vie et je partage aussi avec Marco et ses partisans
leur diagnostic sur la fatigue de la Concertation [démocratique]".
Quoique qualifiant de "recul historique pour le Chili" l'éventuelle
et probable élection à la présidence du candidat de
la droite, le député socialiste dissident lui a fait un cadeau
peut-être décisif en refusant de participer en vue du second
tour à un "front commun progressiste" réclamé par le démocrate-chrétien Eduardo Frei et par l'extrême gauche.
Très applaudi par ses partisans, Marco Enriquez-Ominami leur a laissé
la liberté de vote par ces mots: "La vieille politique attend des
signaux qu'elle ne recevra pas. En tant qu'hommes et femmes majeurs, responsables,
vous saurez fort bien ce qu'il convient de faire lors de ce second tour qui
offre deux leaders du passé... S'ils veulent vos votes, qu'ils écoutent
vos demandes".