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Le directeur de LatinReporters.com au Nouvel Observateur : "Ingrid Betancourt libérée au Venezuela? Je ne peux pas y croire"
Selon la journaliste vénézuélienne Patricia Poleo, dont l'information dans le journal El Nuevo Pais a été reprise par plusieurs médias, Ingrid Betancourt, ex-candidate à la présidence de la Colombie, serait en train d'être libérée et serait accueillie prochainement par le président vénézuélien Hugo Chavez, qui remettrait la célèbre otage au gouvernement français. Au siège madrilène de LatinReporters.com, site spécialisé sur l'Espagne et l'Amérique latine, son directeur, Christian Galloy, a répondu par téléphone aux questions sur cette information posées de Paris par Le Nouvel Observateur. Retranscription de ce dialogue tel que publié sur NOUVELOBS.COM : BETANCOURT "Je ne peux pas y croire" NOUVELOBS.COM | 07.08.2007 | 16:07 Quelle crédibilité accorder à l'annonce de la future libération d'Ingrid Betancourt, parue dans le journal vénézuélien El Nuevo Paìs? - J'aurais souhaité que cette information soit vraie, mais je ne peux pas y croire. D'abord, la journaliste vénézuélienne qui a lancé l'affaire, Patricia Poleo, s'en tient trop au scénario des infirmières bulgares: l'intervention du président vénézuélien Hugo Chavez devant, selon elle, permettre la reprise des ventes d'armes entre France et Venezuela, et Cécilia Sarkozy se rendant au Venezuela pour aller chercher Ingrid Betancourt… Cela fait beaucoup de similitudes curieuses. Ensuite, si seules Ingrid Betancourt et sa directrice de campagne Clara Rojas étaient libérées, je vois d'ici les titres de la presse française le lendemain: "Et les autres?". C'est impensable politiquement pour Nicolas Sarkozy. Il ne pourrait pas assumer d'obtenir la seule libération de deux otages. Enfin, je ne m'imagine pas les Farc se débarrassant de leur seul trésor véritable au profit de Chavez, eux-mêmes n'obtenant ni zones démilitarisées, ni show médiatique qui serait une reconnaissance implicite ou explicite d'un statut international. Comment se situe le journal El Nuevo Paìs dans les médias vénézuéliens? - D'après mes collègues de Bogota et de Caracas, le journal ne jouit pas d'une très grande crédibilité. D'ailleurs le président vénézuélien Hugo Chavez, interrogé hier soir sur cette affaire, a déclaré n'être au courant de rien. Donc, sincèrement, je n'y crois pas. Je n'en ai pas parlé non plus sur mon site. Il y a tout de même des détails ahurissants dans cet article: Ingrid Betancourt serait retenue en territoire vénézuélien, dans une hacienda appartenant à un chef de la guérilla, et protégée par 300 guérilléros Farc! Je me demande si, avec cette histoire, on ne cherche pas surtout à discréditer Chavez. Patricia Poleo, la journaliste, est exilée à Miami. Mais il faut rester prudent: dans l'affaire Montesinos (Vladimiro Montesinos Torres, chef du Service national de renseignements péruvien de 1990 à 2000, aurait été un ancien agent de la CIA impliqué dans un trafic d'armes avec les FARC, NDLR), il y a quelques années, c'est cette même Patricia Poleo qui avait révélé la fuite de Montesinos au Venezuela, et elle avait raison. C'est à mettre à son crédit. Quoi qu'il en soit, si ça se passait vraiment comme elle l'a dit, ce ne serait bon ni pour Sarkozy, ni pour Chavez, qui serait officiellement reconnu comme soutien des Farc. L'arrivée d'un nouvel interlocuteur, avec l'élection de Nicolas Sarkozy, peut-elle avoir un impact positif? Comment le président français est-il perçu en Amérique latine? - Je crois que Nicolas Sarkozy risque d'être victime de lui-même: les Farc utiliseront sa soif de notoriété. Ils jouent avec le temps, puisqu'ils sont là depuis 43 ans, alors que le temps est précieux pour le président français, tributaire des élections. Les Farc essaieront donc de profiter de Sarkozy. Quant à l'Amérique latine, encore très dépendante de l'agriculture, elle s'intéresse surtout aux négociations qui se tiennent à l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Et sur ce point, Nicolas Sarkozy n'est pas très populaire. Le soir même de son élection, il a prononcé des phrases tendant à penser qu'il allait maintenir les positions dures de la France au niveau agricole. Vue du Brésil, le leader de l'Amérique latine, la position de la France n'est donc pas très appréciée. Propos recueillis par Esther Delord Le mardi 7 août 2007 © LatinReporters.com - Amérique latine - Espagne
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