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La guérilla colombienne réagit à l'offre de médiation d'Hugo Chavez Chavez / Betancourt / Otages - FARC : "pas de libération au Venezuela", mais y négocier, oui
Accepter de négocier au Venezuela et non plus nécessairement en Colombie est une concession nouvelle faite par Raul Reyes, nº2 des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie) dans une interview-reportage exclusive publiée dimanche dans l'influent quotidien argentin Clarin sous la plume de Pablo Biffi, journaliste qui suit depuis de longues années le conflit interne colombien. Jusqu'à présent, la guérilla prétendait que toute négociation éventuelle se tienne en Colombie. "Nous croyons que le conflit et tous ses dérivés doivent se résoudre en Colombie" déclarait à ce propos en mars dernier à l'hebdomadaire colombien Cambio le même Raul Reyes. Il déclinait alors la proposition de l'Italie d'abriter des pourparlers de paix et opposait le même refus, accompagné de remerciements, "à tous les gouvernements qui offrent leur pays". Aujourd'hui, Raul Reyes dit à Clarin que "l'échange humanitaire étant un problème dérivé du conflit interne, il doit se solutionner en Colombie. Nous n'allons pas libérer les prisonniers au Venezuela" [La semaine dernière, Hugo Chavez avait proposé à cet effet son pays; ndlr]. Mais à la question "Allez-vous négocier au Venezuela?", le dirigeant rebelle répond à Pablo Biffi: "Oui, nous n'avons aucun problème pour dialoguer où que ce soit, mais la remise des prisonniers doit se faire en Colombie". Parallèlement, le dirigeant communiste colombien Carlos Lozano, bien en cour auprès des FARC, déclarait dimanche au quotidien El Tiempo de Bogota que les FARC accepteront la médiation internationale et qu'un membre du secrétariat des FARC, peut-être Raul Reyes, ira à Caracas pour dialoguer sur l'échange humanitaire avec Hugo Chavez. Raul Reyes précise à Clarin que l'échange dont bénéficierait notamment la Franco-Colombienne Ingrid Betancourt, séquestrée par les FARC depuis le 23 février 2002, concernerait "quelques 50 otages [de la guérilla] et 400 guérilleros prisonniers". Le dirigeant rebelle qualifie Ingrid Betancourt, ex-sénatrice et ex-candidate à la présidence de la Colombie, de "prisonnière politique" appartenant "au système que nous combattons". Des analystes croient que l'acceptation par les rebelles de négocier au Venezuela et non plus exclusivement en Colombie ouvre un espoir, si tenu soit-il, de dénouer le noeud gordien qui bloque l'accord humanitaire, à savoir l'exigence des FARC, réitérée à Clarin par Raul Reyes, d'une démilitarisation préalable pendant 45 jours des municipalités de Florida et Pradera, soit 800 km² dans le sud-ouest colombien. C'est là que la guérilla veut situer l'échange humanitaire de prisonniers, mais elle n'exige donc plus que s'y tienne la totalité des négociations puisqu'à cet égard Raul Reyes accepte l'alternative vénézuélienne. Dès lors, l'exigence de durée, voire de superficie d'une démilitarisation préalable de municipalités pourrait-elle être réduite comme l'avaient d'ailleurs proposé Paris, Madrid et Berne en décembre 2005, en invitant il est vrai les guérilleros à se retirer aussi de la zone concernée? Le président colombien Alvaro Uribe, farouchement hostile à toute démilitarisation, avait pourtant accepté alors la proposition des trois pays européens, mais la guérilla avait fait la sourde oreille. Les FARC, qui couvrent d'éloges la révolution dite bolivarienne menée actuellement au Venezuela, cèderont-elles cette fois à des suggestions que le président vénézuélien pourrait concerter avec La France, l'Espagne et la Suisse, dont Raul Reyes dit "apprécier beaucoup le rôle dans la recherche de l'accord"? L'Agence ANNCOL, proche des FARC, laisse entendre que la guérilla aspire à n'être plus considérée comme terroriste [elle l'est aux yeux de l'Union européenne, des Etats-Unis et de la Colombie; ndlr] et à être autorisée à ouvrir des "bureaux d'information" à Caracas, Mexico et Paris. Rencontre Chavez-Uribe Les présidents Alvaro Uribe et Hugo Chavez débattront de ce dossier le 31 août à Bogota. Si la pression diplomatique et médiatique européenne en faveur d'un échange de prisonniers s'est longtemps exercée essentiellement sur le chef de l'Etat colombien, ce dernier a désormais réussi à détourner cette pression sur les FARC par de récentes libérations unilatérales et surtout en cautionnant le rôle de médiateur d'Hugo Chavez, que les FARC n'ont pas intérêt à diriger vers un cul-de-sac. Chavez étant lui-même chef d'Etat, il ne devrait pas inciter le président d'un pays voisin de 42 millions d'habitants, la Colombie, à céder publiquement aux principales exigences politiques, militaires et territoriales des 17.000 insurgés des FARC. Dans ce contexte, un possible accord de paix issu des négociations actuellement très avancées à Cuba entre Bogota et la seconde guérilla colombienne, l'Armée de libération nationale (ELN, guévariste), serait une pression de plus sur les FARC. La médiation de Fidel Castro en personne plane discrètement sur ces négociations et les liens entre Castro et Chavez ne sont plus à démontrer. Les deux comandantes pourraient miser sur une paix qui réduirait la dépendance de la Colombie à l'égard des Etats-Unis. Outre l'exigence des FARC d'une zone démilitarisée, au moins deux autres points hypothèquent l'espoir d'un échange humanitaire. D'abord, Raul Reyes confirme à Clarin que les trois otages américains des FARC, qualifiés "d'espions", ne seront libérés "qu'après la libération de Simon Trinidad et Sonia", deux dirigeants rebelles extradés aux Etats-Unis où ils sont accusés notamment de trafic de drogue. Existe-il un mécanisme qui permettrait à l'administration du président George Bush d'obtenir la libération des trois Américains sans s'impliquer dans une négociation avec des "terroristes"? Ensuite, la mort violente en juin dernier de 11 députés régionaux colombiens otages des FARC et le décès de nombreux autres séquestrés ces dernières années, victimes ou non de tentatives de libération par l'armée comme le prétend la guérilla, laisse ouverte la question de savoir combien et quels otages sont encore en vie. "Nous réitérons... l'exigence maintes fois présentée aux FARC de fournir une preuve de vie de Mme Ingrid Betancourt, ce qu'elles n'ont pas fait depuis exactement quatre ans" indiquait la déclaration de Bernard Kouchner, ministre français des Affaires étrangères, faite le 16 août dernier à l'occasion du 2.000e jour de captivité de la Franco-Colombienne. © LatinReporters.com - Amérique latine - Espagne
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