|
La guérilla colombienne réagit à l'offre de médiation d'Hugo Chavez
Chavez / Betancourt / Otages - FARC : "pas de libération au Venezuela", mais y négocier, oui
BOGOTA, lundi 27 août 2007 (LatinReporters.com) -
Non à un échange de prisonniers au Venezuela, mais acceptation
de ce pays comme cadre d'éventuelles négociations. La guérilla
colombienne marxiste des FARC répond ainsi au président vénézuélien
Hugo Chavez qui a offert, avec l'aval du président colombien Alvaro
Uribe, sa médiation pour faciliter un échange humanitaire
d'otages des FARC, dont Ingrid Betancourt, contre des guérilleros
emprisonnés.
|
Les présidents colombien Alvaro Uribe (à gauche) et vénézuélien Hugo Chavez: l'échange humanitaire au centre de leur rencontre, le 31 août à Bogota - Archives - Prensa Presidencial (Venezuela) |
Accepter de négocier au Venezuela et non plus nécessairement
en Colombie est une concession nouvelle faite par Raul Reyes, nº2 des
FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie) dans une
interview-reportage exclusive publiée dimanche dans l'influent quotidien
argentin Clarin sous la plume de Pablo Biffi, journaliste qui suit depuis
de longues années le conflit interne colombien.
Jusqu'à présent, la guérilla prétendait que
toute négociation éventuelle se tienne en Colombie. "Nous croyons
que le conflit et tous ses dérivés doivent se résoudre
en Colombie" déclarait à ce propos en mars dernier à
l'hebdomadaire colombien Cambio le même Raul Reyes. Il
déclinait alors la proposition de l'Italie d'abriter des pourparlers
de paix et opposait le même refus, accompagné de remerciements,
"à tous les gouvernements qui offrent leur pays".
Aujourd'hui, Raul Reyes dit à Clarin que
"l'échange humanitaire étant un problème dérivé
du conflit interne, il doit se solutionner en Colombie. Nous n'allons pas
libérer les prisonniers au Venezuela" [La semaine dernière, Hugo Chavez avait
proposé à cet effet son pays; ndlr]. Mais à la question "Allez-vous
négocier au Venezuela?", le dirigeant rebelle répond à
Pablo Biffi: "Oui, nous n'avons aucun problème pour dialoguer où
que ce soit, mais la remise des prisonniers doit se faire en Colombie".
Parallèlement, le dirigeant communiste colombien Carlos Lozano, bien en cour auprès
des FARC, déclarait dimanche au quotidien El Tiempo de Bogota que
les FARC accepteront la médiation internationale et qu'un membre du
secrétariat des FARC, peut-être Raul Reyes, ira à Caracas
pour dialoguer sur l'échange humanitaire avec Hugo Chavez.
Raul Reyes précise à Clarin que l'échange dont bénéficierait
notamment la Franco-Colombienne Ingrid Betancourt, séquestrée
par les FARC depuis le 23 février 2002, concernerait "quelques 50
otages [de la guérilla] et 400 guérilleros prisonniers". Le
dirigeant rebelle qualifie Ingrid Betancourt, ex-sénatrice et ex-candidate
à la présidence de la Colombie, de "prisonnière politique"
appartenant "au système que nous combattons".
Des analystes croient que l'acceptation par les rebelles de négocier
au Venezuela et non plus exclusivement en Colombie ouvre un espoir, si tenu
soit-il, de dénouer le noeud gordien qui bloque l'accord humanitaire,
à savoir l'exigence des FARC, réitérée à
Clarin par Raul Reyes, d'une démilitarisation préalable pendant
45 jours des municipalités de Florida et Pradera, soit 800 km² dans
le sud-ouest colombien.
C'est là que la guérilla veut situer l'échange humanitaire
de prisonniers, mais elle n'exige donc plus que s'y tienne la totalité
des négociations puisqu'à cet égard Raul Reyes accepte
l'alternative vénézuélienne. Dès lors, l'exigence
de durée, voire de superficie d'une démilitarisation préalable
de municipalités pourrait-elle être réduite comme l'avaient
d'ailleurs proposé Paris, Madrid et Berne en décembre 2005,
en invitant il est vrai les guérilleros à se retirer aussi
de la zone concernée?
Le président colombien Alvaro Uribe, farouchement hostile à
toute démilitarisation, avait pourtant accepté alors la proposition
des trois pays européens, mais la guérilla avait fait la sourde
oreille. Les FARC, qui couvrent d'éloges la révolution dite
bolivarienne menée actuellement au Venezuela, cèderont-elles
cette fois à des suggestions que le président vénézuélien
pourrait concerter avec La France, l'Espagne et la Suisse, dont Raul Reyes
dit "apprécier beaucoup le rôle dans la recherche de l'accord"?
L'Agence ANNCOL, proche des FARC, laisse entendre que la guérilla
aspire à n'être plus considérée comme terroriste [elle l'est aux yeux de
l'Union européenne, des Etats-Unis et de la Colombie; ndlr] et à être
autorisée à ouvrir des "bureaux d'information" à Caracas, Mexico et Paris.
Rencontre Chavez-Uribe
Les présidents Alvaro Uribe et Hugo Chavez débattront de ce
dossier le 31 août à Bogota. Si la
pression diplomatique et médiatique européenne en faveur d'un
échange de prisonniers s'est longtemps exercée essentiellement
sur le chef de l'Etat colombien, ce dernier a désormais réussi
à détourner cette pression sur les FARC par de récentes
libérations unilatérales et surtout en cautionnant le rôle
de médiateur d'Hugo Chavez, que les FARC n'ont pas intérêt
à diriger vers un cul-de-sac.
Chavez étant lui-même chef d'Etat, il ne devrait pas
inciter le président d'un pays voisin de 42 millions d'habitants,
la Colombie, à céder publiquement aux principales exigences politiques,
militaires et territoriales des 17.000 insurgés des FARC.
Dans ce contexte, un possible accord de paix issu des négociations actuellement très
avancées à Cuba entre Bogota et la seconde guérilla
colombienne, l'Armée de libération nationale (ELN, guévariste),
serait une pression de plus sur les FARC. La médiation de Fidel Castro
en personne plane discrètement sur ces négociations et les
liens entre Castro et Chavez ne sont plus à démontrer. Les deux comandantes
pourraient miser sur une paix qui réduirait la dépendance de la Colombie
à l'égard des Etats-Unis.
Outre l'exigence des FARC d'une zone démilitarisée, au
moins deux autres points hypothèquent l'espoir d'un échange
humanitaire.
D'abord, Raul Reyes confirme à Clarin que les trois otages américains
des FARC, qualifiés "d'espions", ne seront libérés "qu'après
la libération de Simon Trinidad et Sonia", deux dirigeants rebelles
extradés aux Etats-Unis où ils sont accusés notamment
de trafic de drogue. Existe-il un mécanisme qui permettrait à
l'administration du président George Bush d'obtenir la libération
des trois Américains sans s'impliquer dans une négociation
avec des "terroristes"?
Ensuite, la mort violente en juin dernier de 11 députés régionaux
colombiens otages des FARC et le décès de nombreux autres séquestrés
ces dernières années, victimes ou non de tentatives de libération
par l'armée comme le prétend la guérilla, laisse ouverte
la question de savoir combien et quels otages sont encore en vie.
"Nous réitérons... l'exigence maintes fois présentée
aux FARC de fournir une preuve de vie de Mme Ingrid Betancourt, ce qu'elles
n'ont pas fait depuis exactement quatre ans" indiquait la déclaration
de Bernard Kouchner, ministre français des Affaires étrangères,
faite le 16 août dernier à l'occasion du 2.000e jour de captivité
de la Franco-Colombienne.
version imprimable
Vous pouvez réagir à cet article sur notre forum
ARTICLES ET DOSSIERS LIÉS
Ingrid Betancourt : Hugo Chavez et Nicolas Sarkozy se concertent
2.000 jours sans Ingrid Betancourt : la France tance enfin les FARC
"Ingrid Betancourt libérée au Venezuela? Je ne peux pas y croire"
Colombie - Ingrid Betancourt - FARC : négocier sur 11 cadavres?
Dossier Ingrid Betancourt
Dossier Colombie
|
|