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Le Parlement européen réclame la libération immédiate et sans condition de tous les prisonniers politiques
Droits de l'homme : Cuba condamnée par 90% des eurodéputés
par Christian GALLOY
STRASBOURG / MADRID, vendredi 12 mars 2010 (LatinReporters.com) - Moins par sa
dureté que par l'ampleur de la majorité qu'elle a réunie (90% des
eurodéputés), la "Résolution
du Parlement européen sur les prisonniers d'opinion à Cuba" adoptée
le 11 mars à Strasbourg reflète l'évolution de la perception en Europe
du régime castriste. C'est comme si cette perception, que beaucoup
ont longtemps figée sur la joyeuse entrée des barbudos de Fidel
Castro à La Havane en 1959, ne résistait plus à une
logique actualisation. Actualisation menée parfois aussi là où elle est moins attendue. A titre d'exemple récent, fin février, au moment où le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva était à nouveau reçu par ses "amis" Fidel et Raul Castro, l'une des consciences les plus respectées de la gauche du Brésil, Marina Silva, avertissait que la révolution cubaine "ne doit pas être considérée comme l'aboutissement de l'Histoire", d'autant qu'aujourd'hui "le manque de libertés fait honte aux propres amis de la révolution". Ex-ministre de l'Environnement de Lula et aujourd'hui candidate des Verts brésiliens à l'élection présidentielle du 3 octobre prochain, Marina Silva critiquait la nouvelle visite et les sourires de Lula à Cuba au lendemain de la mort du dissident Orlando Zapata Tamayo. Ce dernier, présenté par les autorités comme un vulgaire délinquant commun, est décédé le 23 février 2010, après une grève de la faim observée pendant près de trois mois pour protester contre ses conditions de détention et revendiquer le statut de prisonnier de conscience que lui reconnaissait Amnesty International. Le sursaut de la quasi totalité des eurodéputés doit beaucoup à ce décès et au sort d'un autre dissident, Guillermo Fariñas, en grève de la faim depuis le 24 février pour réclamer la libération de 26 prisonniers politiques gravement malades parmi les quelque 200 incarcérés à Cuba. "Le Parlement européen demande au gouvernement cubain qu'il libère immédiatement et sans condition tous les prisonniers politiques et d'opinion" dit la résolution présentée et votée à Strasbourg par six des sept groupes parlementaires représentant 674, soit 90% des 750 eurodéputés. Le consensus s'étend des Verts aux conservateurs, passant par les socialistes, les libéraux et les démocrates-chrétiens. Les seuls opposants à la condamnation de Cuba sont les députés de la Gauche unitaire européenne, composée surtout des vestiges communistes du Vieux continent, et quelques élus n'appartenant à aucun groupe. Sur les 553 députés européens présents lors du vote, 509 (92%) ont approuvé la résolution, 30 l'ont rejetée et 14 se sont abstenus. Si large qu'il serait comique d'y voir une conjuration partisane issue d'un nouveau complot de "l'empire yankee", cette majorité pluraliste d'europarlementaires élus démocratiquement "condamne vigoureusement la mort cruelle – qui eût pu être évitée – de M. Orlando Zapata Tamayo, dissident et prisonnier politique décédé après 85 jours de grève de la faim, et exprime sa solidarité et sa compassion à l'égard de sa famille". La résolution condamne aussi "la détention préventive des militants et les tentatives du gouvernement [cubain] pour empêcher la famille de M. Orlando Zapata Tamayo d'organiser les funérailles de celui-ci et de lui rendre un dernier hommage". Les parlementaires attirent ensuite "l'attention sur l'état de santé alarmant du journaliste et psychologue M. Guillermo Fariñas, qui poursuit quant à lui sa grève de la faim, dont l'issue pourrait être fatale". Les eurodéputés "considèrent que des dizaines de journalistes indépendants, de dissidents pacifiques et de défenseurs des droits de l'homme, pour la plupart membres de l'opposition démocratique, demeurent emprisonnés à Cuba pour avoir exercé leurs libertés fondamentales d'expression et d'association et leur droit de réunion". La résolution "prie instamment les institutions européennes d'apporter leur soutien inconditionnel et à promouvoir pleinement le lancement d'un processus pacifique de transition politique vers la démocratie multipartite à Cuba". Dans le même sens, le texte approuvé "invite la Haute représentante de l'Union [européenne] pour les affaires étrangères et la politique de sécurité [Catherine Ashton], ainsi que le commissaire chargé de la coopération à entamer sans délai un dialogue structuré avec la société civile cubaine et avec les partisans d'une transition pacifique à Cuba". Le Parlement européen demande en fait aux autorités communautaires de nouer sans complexe, par-dessus la tête des autorités de La Havane, des liens avec la dissidence cubaine dans l'intention de la renforcer. Réaction cubaine Même les eurodéputés socialistes espagnols ont approuvé la résolution, malgré l'ambition du gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero d'utiliser sa présidence actuelle de l'Union européenne pour rapprocher celle-ci de Cuba via un accord bilatéral peu ou nullement conditionné par les droits de l'homme. Des observateurs admettent qu'en fonction de ce paradoxe, le président cubain Raul Castro pourrait juger inutile sa présence au VIe sommet Union Européenne / Amérique latine et Caraïbes, le 18 mai prochain à Madrid. Une éventuelle absence solidaire des présidents des principaux autres pays de l'axe bolivarien (Venezuela, Bolivie, Equateur, Nicaragua) torpillerait ledit sommet. Le Parlement cubain a dénoncé la résolution jugée "offensante" et "discriminatoire" du Parlement européen, y voyant l'"échec" de la politique européenne visant à "faire plier" Cuba, rapporte l'Agence France Presse. "Après une campagne orchestrée par de puissants groupes médiatiques, principalement en Europe, qui ont attaqué férocement Cuba, le Parlement européen vient d'adopter après un débat malhonnête une résolution de condamnation contre notre pays qui manipule les sentiments, déforme les faits, présente des mensonges, occulte la réalité", estime le Parlement cubain dans une déclaration rendue publique jeudi. "C'est aussi offenser les Cubains que de vouloir leur donner des leçons alors qu'en Europe, on réprime en ce moment même les immigrants et les sans-emploi", écrit encore le Parlement cubain. Cela voudrait-il dire : à chaque monde son goulag ? Laissons alors immigrants et chômeurs choisir celui qu'ils préfèrent. Ici, ils le peuvent. © LatinReporters.com - Amérique latine - Espagne |