RetourUE - Cuba : invitation à Bruxelles en vue de renouer le dialogue politique
Le ministre tchèque des Affaires étrangères, Karel Schwarzenberg (à droite), s'est montré à Luxembourg le plus hostile à la normalisation avec Cuba prônée par son homologue espagnol, Miguel Angel Moratinos (à gauche). Photo Conseil de l'Union européenne
LUXEMBOURG, mardi 19 juin 2007 (LatinReporters.com) - Poussée par
l'Espagne, l'Union européenne (UE) réduit sa sévérité
à l'égard de la dictature castriste. Lors de la révision
périodique de la position communautaire à l'égard de
Cuba, le 18 juin à Luxembourg, les ministres
des Relations extérieures des 27 pays de l'UE ont décidé
d'inviter une délégation cubaine à Bruxelles pour évaluer
la possibilité de renouer le dialogue politique.
Pour des raisons historiques, idéologiques et économiques,
l'Espagne socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero est l'unique
pays de l'UE ayant rétabli pleinement ce dialogue et ses relations
avec Cuba, en avril dernier lors de la visite à La Havane du chef
de la diplomatie espagnole, le ministre Miguel Angel Moratinos. Il évita
toute rencontre avec les dissidents, attitude critiquée par la quasi
totalité des éditorialistes madrilènes et, le 1er juin
à Madrid, par la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza
Rice.
Mais lundi à l'issue du Conseil de Luxembourg, M. Moratinos jubilait,
estimant que "l'Union européenne a appuyé la politique de dialogue
impulsée par l'Espagne". Comme pour lui donner raison, les conclusions
des ministres européens ne font plus mention des sanctions
communautaires (les "mesures" dont parlait l'UE lors de Conseils précédents)
appliquées à Cuba en juin 2003 après l'incarcération
de 75 dissidents et l'exécution de trois Cubains qui avaient détourné
une embarcation touristique pour tenter de gagner les Etats-Unis.
Le succès du ministre Moratinos est toutefois mitigé par l'échec
de sa proposition de supprimer définitivement ces sanctions, maintenues
dans l'ombre, mais pouvant théoriquement être réactivées
le cas échéant. Elles sont officiellement "suspendues" depuis
le 31 janvier 2005, à l'initiative déjà de l'Espagne
socialiste et malgré l'opposition des principaux dissidents à
cette première ouverture.
Les sanctions comprenaient la restriction
des visites de haut niveau, une réduction de la participation européenne
aux événements culturels cubains, ainsi que l'invitation de
dissidents par les ambassades européennes lors de dates significatives.
La Grande-Bretagne, la Suède, la Pologne et surtout la République
tchèque sont les plus hostiles à la normalisation des relations
avec Cuba en l'absence d'avancées démocratiques sur l'île.
Par contre, le dialogue prôné par l'Espagne est appuyé
par la Grèce, Chypre, l'Italie et le Portugal.
Ainsi divisée, l'Union européenne, tout en exigeant la "libération
inconditionnelle des prisonniers politiques" cubains, s'est montrée
à Luxembourg plus ouverte à l'égard de la Havane. L'UE
part de la constatation de l'existence d'une "situation nouvelle" à
Cuba, le pouvoir y étant exercé par une direction collégiale
conduite par Raul Castro depuis l'hospitalisation en juillet 2006 de son
frère, le président Fidel Castro.
Texte intégral des conclusions du Conseil de l'UE (la comparaison
avec les conclusions des Conseils du
12 juin 2006, du
13 juin 2005 et du
31 janvier 2005 permet de suivre l'évolution de la position communautaire):
CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE Conclusions du Conseil sur Cuba
2809ème session du Conseil RELATIONS EXTERIEURES
Luxembourg, le 18 juin 2007
Le Conseil a adopté les conclusions suivantes:
1. Bien que le régime politique, économique et social en vigueur
à Cuba demeure en substance inchangé, le Conseil a pris acte de ce
que Fidel Castro a, pour la première fois en quarante-huit ans, délégué
temporairement le pouvoir à une direction collégiale conduite par
son frère Raúl Castro, ce qui constitue une situation nouvelle. Le Conseil
invite instamment le gouvernement cubain à entreprendre les réformes politiques et
économiques nécessaires pour améliorer la vie quotidienne du peuple cubain.
2. L'UE s'intéresse de très près à l'évolution
de la situation politique à Cuba, notamment celle des droits de l'homme. Le Conseil
déplore qu'à cet égard, la situation n'ait pas fondamentalement changé,
malgré une diminution du nombre de prisonniers politiques et des actes de harcèlement.
Le gouvernement cubain continue de refuser à ses citoyens les droits et libertés civils,
politiques et économiques qui sont reconnus au niveau international.
L'UE engage une fois de plus le gouvernement de Cuba, eu égard également
à la qualité de membre du Conseil des droits de l'homme de ce pays, à
libérer inconditionnellement tous les prisonniers politiques, et réaffirme que cette
question revêt une très haute importance dans sa politique à l'égard de
Cuba. En outre, l'UE lance à nouveau un appel au gouvernement cubain pour qu'il accorde la
liberté d'information et d'expression, et l'invite à faire preuve de coopération
dans ce domaine.
3. L'UE assure de sa solidarité et de son soutien constant tous ceux qui oeuvrent de
manière pacifique pour la liberté, la démocratie et le respect des
droits de l'homme universels.
Elle continuera à mener le dialogue engagé avec la société
civile cubaine et à offrir à tous les secteurs de la société un soutien
concret en faveur d'un changement pacifique à Cuba.
Le Conseil rappelle à cet égard la politique de soutien aux
défenseurs des droits de l'homme dans le monde qu'applique l'UE conformément
à ses orientations en la matière.
4. L'UE reconnaît le droit des citoyens cubains de décider
par eux-mêmes de leur avenir et demeure disposée à contribuer de façon
constructive à une évolution de la situation dans tous les secteurs de la
société cubaine, y compris par des instruments de coopération au
développement.
5. Tout en maintenant le dialogue intense qu'elle mène avec la société
civile et l'opposition pacifique, l'UE serait disposée à reprendre un dialogue politique
global et ouvert avec les autorités cubaines sur tous les sujets d'intérêt mutuel.
Ce dialogue devrait concerner l'intégralité des domaines potentiels de coopération,
incluant tant les questions politiques et des droits de l'homme que les sujets économiques,
scientifiques et culturels. Il devrait s'engager sur une base réciproque et non discriminatoire.
Dans le cadre de ce dialogue, l'UE exposera au gouvernement cubain son point de vue sur la
démocratie, les droits de l'homme universels et les libertés fondamentales. Une
délégation cubaine sera invitée à Bruxelles pour pressentir le
gouvernement cubain sur ces questions.