RetourGifle officielle à l'UE qui invitait à renouer le dialogue Cuba ne reconnaît "aucune autorité morale à l'Union européenne pour la juger ni la conseiller"
Felipe Perez Roque, ministre cubain des Relations extérieures. Il est l'un des principaux représentants de la ligne dite dure du régime castriste. La déclaration officielle infligeant un camouflet à l'UE émane de son ministère. Archives - Photo AIN / Marcelino Vazquez Hernandez
LA HAVANE, samedi 23 juin 2007 (LatinReporters.com) - Ingérence
inacceptable, hypocrisie honteuse, subordination humiliante aux Etats-Unis...
Une déclaration du gouvernement cubain émise par son ministère
des Relations extérieures flagelle ainsi la position à l'égard
du régime de Fidel Castro définie par l'Union européenne
(UE), à laquelle Cuba ne reconnaît "aucune autorité morale
pour la juger ni la conseiller".
Publiée vendredi par le quotidien Granma, organe officiel du Comité
central du Parti communiste de Cuba, la déclaration durcit les appréciations
émises deux jours plus tôt en conférence de presse par
le chef de la diplomatie cubaine, le ministre Felipe Perez Roque. Il qualifiait
alors de "rectification nécessaire", mais "insuffisante", les
Conclusions
du Conseil de l'UE sur Cuba adoptées le 18 juin à Luxembourg
par les ministres des Affaires étrangères des 27 pays communautaires.
L'UE estimait pourtant avoir fait alors une ouverture en décidant
d'inviter une délégation cubaine à
Bruxelles pour évaluer la possibilité de renouer un dialogue
"incluant tant les questions politiques et des droits de l'homme que les
sujets économiques, scientifiques et culturels".
Cette ouverture était renforcée par l'absence remarquée
dans les conclusions du Conseil européen de toute mention explicite
de deux points qui irritent le régime castriste. Etait ainsi passée
sous silence la "Position commune de 1996", qui conditionne les relations
communautaires avec Cuba à sa démocratisation. Silence aussi
sur ce que les Européens appelaient d'ordinaire "les mesures", à
savoir les sanctions diplomatiques appliquées à Cuba en juin
2003 après l'incarcération de 75 dissidents.
Paradoxalement, c'est ce double silence qui a déclenché la
fureur de La Havane. Le régime castriste espérait en fait que, grâce aux
recommandations de l'Espagne, sanctions et Position commune de 1996 seraient explicitement et
définitivement supprimées par le Conseil de l'UE du 18 juin. Or, les sanctions continuent
à n'être que "suspendues", comme déjà décidé
en janvier 2005, et le cas échéant l'UE pourrait les réactiver.
Quant à la Position commune de 1996, elle reste en vigueur même
si elle n'a pas été réitérée noir sur
blanc à Luxembourg.
D'où la conclusion de la déclaration officielle cubaine: "C’est
l'Union européenne qui doit rectifier les erreurs commises envers
Cuba. Tout pas dans la bonne direction sera bien accueilli. Mais rien ne
presse: nous avons tout le temps du monde."
Ce n'est donc pas demain qu'une délégation cubaine viendra
à Bruxelles afin, comme l'y invitait l'UE, d'évaluer une éventuelle
relance du dialogue politique.
Texte intégral de la déclaration gouvernementale cubaine,
telle que publiée dans Granma International, édition en français
du journal officiel Granma:
C’est l'Union européenne qui doit rectifier les erreurs
commises envers Cuba Déclaration du ministère [cubain] des Relations extérieures
sur les conclusions du Conseil des Relations extérieures de l'Union
européenne sur Cuba
Le Conseil des ministres des Relations extérieures de l'Union européenne
a adopté le 18 juin plusieurs décisions sur Cuba.
Le document, diffusé par l'Union européenne sous le titre "Conclusions
sur Cuba", contient une proposition de "dialogue politique intégral
et ouvert avec les autorités cubaines… sur des bases réciproques
et d'intérêt mutuel" dont le ministère des Relations
extérieures de Cuba a pris note et dont il considère qu'il
s’agit d'une rectification nécessaire.
Cependant, ce document ne mentionne pas les dénommées sanctions
que l'Union européenne a essayé d'appliquer contre Cuba, d'une
façon injuste et irréfléchie, en 2003 et qu'elle a seulement
suspendues il y a deux ans, par orgueil.
Avec Cuba, seul sera possible un dialogue entre pays souverains et égaux,
sans conditions ni menaces en suspens. Si l'Union européenne désire
un dialogue avec Cuba elle doit éliminer définitivement ces
sanctions, qui depuis lors sont inapplicables et insoutenables.
Les "Conclusions" ne mentionnent pas non plus la dénommée "Position
commune", décidée de manière précipitée
par les ministres des Finances de l’UE en 1996 sous la pression d'Aznar et
à partir d'une première copie écrite au Département
d'Etat nord-américain.
Après tant d'erreurs et d'échecs, la seule conclusion évidente
que l'Union européenne devrait tirer est que la dénommée
"Position commune" doit disparaître, car il n'y avait et il n'y a aucune
raison pour qu'elle existe et parce qu'elle empêche de soutenir une
relation normale, de respect mutuel et d'intérêt commun envers
notre pays.
On doit reconnaître qu'un groupe de nations européennes influentes
ont réalisé des efforts pour changer cette situation ridicule.
D'autres, comme la République tchèque, se sont comportés
comme des pions nord-américains sur la carte européenne.
D'autre part, les "Conclusions du Conseil" s'immiscent d'une manière
calomnieuse dans les affaires strictement intérieures cubaines, émettent
des jugements et annoncent des actes d'ingérence et hypocrites que
Cuba considère comme offensants, inacceptables et qu'elle rejette
énergiquement.
Nous ne reconnaissons aucune autorité morale à l'Union européenne
pour juger ni conseiller Cuba.
Si le Conseil, quand il fait allusion à la délégation
temporaire des fonctions du président Fidel Castro au camarade Raul
Castro en qualifiant ce fait de "nouvelle situation", exprime l'illusion
qu'il existe des contradictions ou des différences entre les leaders
de la Révolution et une division parmi les révolutionnaires
cubains, il se trompe encore. La Révolution est plus solide et plus
unie que jamais.
Notre pays a risqué sa propre existence, a résisté de
façon héroïque et a lutté vaillamment depuis plus
d'un siècle pour défendre son indépendance. Cuba est
un pays indépendant et souverain et l'Union européenne se trompe
si elle pense qu'elle peut nous traiter autrement que d'égal à
égal.
L'Union européenne a montré une persistante et humiliante subordination
aux Etats-Unis, qui l'empêche d'avoir des positions basées sur
les intérêts européens et la rend complice, même
si elle dit le contraire, du blocus criminel et inhumain que ce pays applique
contre le peuple cubain, et à propos duquel les "conclusions" n'osent
dire un mot. Dans la déclaration du sommet qu'elle a réalisé
avec les Etats-Unis en avril, l'Union européenne s'est soumise en
mettant en question Cuba et en acceptant une mention reconnaissant la légitimité
du "Plan Bush". Ses conciliabules avec les messagers de l'empire ne sont
pas un secret, y compris avec le pseudo gouverneur nommé par les Etats-Unis
pour Cuba, et la présence de ses fonctionnaires dans des événements
anti-cubains à Miami ou célébrés en Europe mais
financés par Washington, est fréquente.
L'Union européenne est honteusement hypocrite quand elle met en cause
injustement Cuba, mais se tait sur les tortures nord-américaines dans
la Base navale illégale de Guantanamo, qui usurpe un territoire cubain,
et à Abu Ghraib, dont sont également victimes des citoyens
européens. Elle tait impudiquement les enlèvements de personnes
orchestrées par les services spéciaux étasuniens dans
des pays tiers et a prêté son territoire pour collaborer avec
les vols secrets de la CIA et pour cacher les prisons illégales. Elle
n'a rien dit non plus sur les dizaines de personnes disparues dans ces circonstances
ni sur les centaines de milliers de civils irakiens assassinés en
Irak.
C'est l'Union européenne qui doit rectifier les erreurs commises
envers Cuba. Tout pas dans la bonne direction sera bien accueilli. Mais rien
ne presse: nous avons tout le temps du monde.