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Equateur: l'anti-Bush et pro-Chavez Rafael Correa favori de l'élection présidentielle
Président, vice-président, Parlement monocaméral (100 députés), cinq représentants au Parlement andin, ainsi que conseillers provinciaux et municipaux doivent être choisis pour un mandat de quatre ans par 9,1 millions d'électeurs. Le vote est obligatoire. L'Equateur, cinquième producteur de pétrole d'Amérique latine, compte 13,9 millions d'habitants, dont plus de 65% de pauvres (selon les organismes de l'ONU) et un tiers d'Indiens autochtones. Trois millions d'émigrés peuvent voter pour la première fois, facultativement eux, mais à peine 143.000 se sont inscrits sur les listes électorales consulaires. "Appeler diable Bush est offenser le diable qui, en dépit de sa méchanceté, est intelligent. Bush, lui, est un président extrêmement lourdaud qui a fait grand tort à son pays et au monde"... Rafael Correa émettait ce diagnostic satanique le 27 septembre dernier sur la chaîne de télévision équatorienne Ecuavisa. Une semaine auparavant, à la tribune des Nations unies, le Vénézuélien Hugo Chavez avait traité de "diable" le président des Etats-Unis, George W. Bush. Des claquements de ceinturon résonnent dans les spots radio-télévisés électoraux de Rafael Correa. Son nom, Correa, signifie précisément ceinturon. Les coups virtuels ainsi donnés visent la classe politique traditionnelle, accusée d'avoir mis l'Equateur au bord de l'abîme. Sous le vert pomme d'une nouvelle marque électorale, Alianza Pais (Alliance Pays), Rafael Correa réunirait avant le premier tour, dans la meilleure des hypothèses pour lui et selon des chiffres peu crédibles, 42% des intentions de vote, contre 22% au social-démocrate Leon Roldos, 14% au magnat de la banane Alvaro Noboa (droite populiste) et 10% à la belle social-chrétienne Cynthia Viteri. Des estimations douteuses, car diffusées la semaine dernière sous le manteau par un institut qui ne voulait pas être cité, la publication de sondages étant interdite en Equateur pendant les 20 jours précédant le scrutin. Néanmoins, deux jours avant les élections, le groupe Informe Confidencial n'a pas hésité, lui, à révéler aux journalistes étrangers les résultats d'un sondage réalisé le 8 octobre sur un échantillon de 6.590 Equatoriens. Les perspectives y sont revues à la baisse pour Rafael Correa (30%) et à la hausse pour Alvaro Noboa (23%), propriétaire de 110 entreprises et considéré comme l'homme le plus riche du pays. Ils passeraient tous deux, selon ce sondage, au second tour de la présidentielle, fixé au 26 novembre. Il s'agirait de l'affrontement de deux populismes, le néolibéral de droite teinté d'appels à la Bible et à Dieu contre le radical de gauche d'inspiration chaviste. Si un candidat remportait la présidence dès le premier tour, il deviendrait l'unique président équatorien à avoir réussi cet exploit. Pour y parvenir, il devrait, selon la Constitution, obtenir ce dimanche 15 octobre la majorité absolue ou au moins 40% des votes valables et une avance minimale de dix points sur le concurrent le plus proche. La plupart des candidats -ils sont treize à briguer la présidence- risquent de n'être que des figurants. On surveillera néanmoins le score de Gilmar Gutierrez, frère de l'ex-président Lucio Gutierrez et celui de l'Indien Luis Macas, candidat du mouvement Pachakutik (Nouvelle aube), bras politique de la Confédération de nationalités indigènes d'Equateur (CONAIE). Luis Macas fut, au portefeuille de l'Agriculture, l'un des trois ministres indiens du premier gouvernement de l'ex-officier putschiste Lucio Gutierrez, élu président en 2002. L'heure de la revanche populaire et autochtone semblait alors avoir sonné. Surnommé à l'époque "le Chavez équatorien", car il exprimait son "admiration" pour Hugo Chavez et Fidel Castro, Lucio Gutierrez renonçait néanmoins à tout radicalisme et évinçait ses trois ministres autochtones après à peine huit mois de gouvernement. Il fut destitué en avril 2005 et remplacé par son vice-président Alfredo Palacio à la suite d'émeutes populaires à Quito. Ce même avril 2005, Rafael Correa, professeur d'université et docteur en économie formé aux Etats-Unis et en Belgique (outre l'espagnol, il parle couramment l'anglais et le français), prenait la tête du ministère de l'Economie et des Finances. Il en claquait la porte quatre mois plus tard, sa prétention de dévier vers un fonds social les remboursements de la dette extérieure ayant provoqué trop d'étincelles. Cet épisode lui servit de pré-campagne électorale. Après l'expérience frustrée de Lucio Gutierrez, Hugo Chavez trouve donc en Rafael Correa une seconde opportunité de faire entrer l'Equateur dans le camp bolivarien et antiaméricain. Récemment, au Venezuela, Correa était reçu et dormait dans la maison de la mère d'Hugo Chavez, un honneur rare. Mais pour devenir un allié efficace, Rafael Correa devrait, s'il était élu, déjouer une instabilité d'une rare puissance. Aucun des trois derniers présidents élus en Equateur n'a terminé son mandat. Par le jeu des suppléances et vice-présidences, sept locataires différents se sont succédé en dix ans à Quito au palais présidentiel de Carondelet. Sachant qu'aucun parti ne peut réunir une force parlementaire déterminante, Correa ne présente pas de candidats aux législatives. Il promet en revanche la convocation immédiate, en cas de victoire à la présidentielle, d'une Assemblée constituante pour refondre les institutions comme l'a fait le Venezuela et comme tente de le faire la Bolivie d'Evo Morales. Traité de libre commerce et base militaire américaine Le "Plan de gouvernement" de l'Alianza Pais de Rafael Correa annonce clairement la couleur. "Les Latino-Américains, nous sommes tous bolivariens" clame-t-il en référence à l'ambition bolivarienne d'Hugo Chavez, qui rêve de l'unité régionale réalisée au 19 siècle contre la domination espagnole par le libertador vénézuélien Simon Bolivar. S'il la critique, le Plan ne prône pas l'abolition de la dollarisation effectuée en 2000 (l'Equateur est l'unique pays sud-américain où le dollar est la seule monnaie officielle). Néanmoins, Alianza Pais prône l'avènement d'une devise régionale au nom de l'unité et de l'indépendance de l'Amérique du Sud. "Nous rejetons le TLC (Traité de libre commerce) dont la négociation avec les Etats-Unis a été suspendue grâce à la mobilisation populaire menée par diverses organisations indigènes" lit-on encore dans le Plan. La minorité indienne avait en effet confirmé sa force en mars dernier en bloquant plusieurs provinces contre le TLC et contre la société pétrolière américaine OXY. L'expulsion de cette société et la révision unilatérale, par Quito, du partage des revenus pétroliers ont amené les Etats-Unis à suspendre la négociation d'un TLC comparable à ceux signés par Washington avec les deux voisins andins de l'Equateur, la Colombie et le Pérou. Aussi mise-t-on d'autant plus, à Quito, sur un accord d'association entre la Communauté andine et l'Union européenne. Le Plan de gouvernement de Rafael Correa réclame par ailleurs "la renégociation" des contrats avec les sociétés des secteurs du pétrole, de l'électricité et des télécommunications. Il avertit aussi que "la dette extérieure sera payée dans la mesure où elle n'affecte pas les priorités du développement national". Enfin, le même Plan affirme que "nous notifierons aux Etats-Unis la non-rénovation de l'accord sur la base de Manta". L'accord arrivera à échéance en 2009. Conclu en 1999, il a cédé aux Etats-Unis la base aérienne de Manta, sur la côte du Pacifique, à une demi-heure de vol de la Colombie, dont le gouvernement combat avec l'aide de Washington des guérillas d'extrême gauche. © LatinReporters.com - Amérique latine - Espagne
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