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Equateur: l'anti-Bush et pro-Chavez Rafael Correa favori de l'élection présidentielle
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Rafael Correa en campagne électorale dans la province de Manabi - Photo Alianza Pais |
QUITO, jeudi 12 octobre 2006 [Actualisé le 14 octobre 2006] (LatinReporters.com)
- Ex-ministre de l'Economie, partisan de la révolution bolivarienne
menée au Venezuela par Hugo Chavez et ostensiblement anti-Bush, Rafael
Correa est à 43 ans le favori de l'élection présidentielle
équatorienne du 15 octobre. Sa victoire éventuelle pourrait associer l'Equateur
à l'axe radical Cuba-Venezuela-Bolivie.
Président, vice-président, Parlement monocaméral (100
députés), cinq représentants au Parlement andin, ainsi que conseillers provinciaux
et municipaux doivent être choisis pour un mandat de quatre ans par 9,1 millions d'électeurs.
Le vote est obligatoire. L'Equateur, cinquième producteur de pétrole
d'Amérique latine, compte 13,9 millions d'habitants, dont plus de 65% de pauvres (selon les
organismes de l'ONU) et un tiers d'Indiens autochtones. Trois millions d'émigrés peuvent
voter pour la première fois, facultativement eux, mais à peine 143.000 se
sont inscrits sur les listes électorales consulaires.
"Appeler diable Bush est offenser le diable
qui, en dépit de sa méchanceté, est intelligent. Bush,
lui, est un président extrêmement lourdaud qui a fait grand
tort à son pays et au monde"...
Rafael Correa émettait ce diagnostic satanique le 27 septembre dernier
sur la chaîne de télévision équatorienne Ecuavisa.
Une semaine auparavant, à la tribune des Nations unies, le Vénézuélien
Hugo Chavez avait traité de "diable" le président des Etats-Unis,
George W. Bush.
Des claquements de ceinturon résonnent dans les spots radio-télévisés
électoraux de Rafael Correa. Son nom, Correa, signifie précisément
ceinturon. Les coups virtuels ainsi donnés visent la classe politique
traditionnelle, accusée d'avoir mis l'Equateur au bord de l'abîme.
Sous le vert pomme d'une nouvelle marque électorale, Alianza Pais
(Alliance Pays), Rafael Correa réunirait avant le premier tour, dans la meilleure des
hypothèses pour lui et selon des chiffres peu crédibles, 42% des intentions
de vote, contre 22% au social-démocrate Leon Roldos, 14% au magnat
de la banane Alvaro Noboa (droite populiste) et 10% à la belle social-chrétienne
Cynthia Viteri. Des estimations douteuses, car
diffusées la semaine dernière sous le manteau par un institut
qui ne voulait pas être cité, la publication de sondages étant
interdite en Equateur pendant les 20 jours précédant le scrutin.
Néanmoins, deux jours avant les élections, le groupe Informe Confidencial n'a
pas hésité, lui, à révéler aux journalistes
étrangers les résultats d'un sondage réalisé
le 8 octobre sur un échantillon de 6.590 Equatoriens. Les perspectives
y sont revues à la baisse pour Rafael Correa (30%) et à la
hausse pour Alvaro Noboa (23%), propriétaire de 110 entreprises et
considéré comme l'homme le plus riche du pays. Ils passeraient
tous deux, selon ce sondage, au second tour de la présidentielle,
fixé au 26 novembre. Il s'agirait de l'affrontement de deux populismes,
le néolibéral de droite teinté d'appels à la
Bible et à Dieu contre le radical de gauche d'inspiration chaviste.
Si un candidat remportait la présidence dès le premier tour, il
deviendrait l'unique président équatorien à avoir réussi
cet exploit. Pour y parvenir, il devrait, selon la Constitution, obtenir
ce dimanche 15 octobre la majorité absolue ou au moins 40% des votes
valables et une avance minimale de dix points sur le concurrent le plus proche.
La plupart des candidats -ils sont treize à briguer la présidence-
risquent de n'être que des figurants. On surveillera néanmoins
le score de Gilmar Gutierrez, frère de l'ex-président
Lucio Gutierrez
et celui de l'Indien Luis Macas, candidat du mouvement Pachakutik
(Nouvelle aube), bras politique de la Confédération de nationalités
indigènes d'Equateur (CONAIE).
Luis Macas fut, au portefeuille de l'Agriculture, l'un des trois ministres
indiens du premier gouvernement de l'ex-officier putschiste
Lucio Gutierrez,
élu président en 2002. L'heure de la revanche populaire et
autochtone semblait alors avoir sonné. Surnommé à l'époque
"le Chavez équatorien", car il exprimait son "admiration" pour Hugo
Chavez et Fidel Castro, Lucio Gutierrez renonçait néanmoins
à tout radicalisme et évinçait ses trois ministres autochtones
après à peine huit mois de gouvernement. Il fut
destitué
en avril 2005 et remplacé par son vice-président
Alfredo Palacio
à la suite d'émeutes populaires à Quito.
Ce même avril 2005, Rafael Correa, professeur d'université et docteur en économie
formé aux Etats-Unis et en Belgique (outre l'espagnol, il parle couramment
l'anglais et le français), prenait la tête du ministère
de l'Economie et des Finances. Il en claquait la porte quatre mois plus tard,
sa prétention de dévier vers un fonds social les remboursements
de la dette extérieure ayant provoqué trop d'étincelles.
Cet épisode lui servit de pré-campagne électorale.
Après l'expérience frustrée de Lucio Gutierrez, Hugo
Chavez trouve donc en Rafael Correa une seconde opportunité de faire entrer l'Equateur
dans le camp bolivarien et antiaméricain.
Récemment, au Venezuela, Correa était reçu et dormait
dans la maison de la mère d'Hugo Chavez, un honneur rare.
Mais pour devenir un allié efficace, Rafael Correa devrait, s'il était
élu, déjouer une instabilité d'une rare puissance. Aucun
des trois derniers présidents élus en Equateur n'a terminé
son mandat. Par le jeu des suppléances et vice-présidences,
sept locataires différents se sont succédé en dix ans
à Quito au palais présidentiel de Carondelet. Sachant qu'aucun
parti ne peut réunir une force parlementaire déterminante,
Correa ne présente pas de candidats aux législatives. Il promet
en revanche la convocation immédiate, en cas de victoire à la présidentielle,
d'une Assemblée constituante pour refondre les institutions comme l'a fait le Venezuela et
comme tente de le faire la Bolivie d'Evo Morales.
Traité de libre commerce et base militaire américaine
Le "Plan de gouvernement" de l'Alianza Pais de Rafael Correa annonce clairement
la couleur. "Les Latino-Américains, nous sommes tous bolivariens"
clame-t-il en référence à l'ambition bolivarienne d'Hugo
Chavez, qui rêve de l'unité régionale réalisée
au 19 siècle contre la domination espagnole par le libertador vénézuélien
Simon Bolivar.
S'il la critique, le Plan ne prône pas l'abolition de la dollarisation
effectuée en 2000 (l'Equateur est l'unique pays sud-américain
où le dollar est la seule monnaie officielle). Néanmoins, Alianza
Pais prône l'avènement d'une devise régionale au nom
de l'unité et de l'indépendance de l'Amérique du Sud.
"Nous rejetons le TLC (Traité de libre commerce) dont la négociation
avec les Etats-Unis a été suspendue grâce à la
mobilisation populaire
menée par diverses organisations indigènes" lit-on encore dans le Plan.
La minorité indienne avait en effet confirmé sa force
en mars dernier en bloquant plusieurs provinces contre le TLC et contre
la société pétrolière américaine OXY.
L'expulsion de cette société et la révision unilatérale,
par Quito, du partage des revenus pétroliers ont amené les
Etats-Unis à suspendre la négociation d'un
TLC comparable à ceux signés par Washington avec les deux voisins andins de
l'Equateur, la Colombie et le Pérou. Aussi mise-t-on d'autant plus,
à Quito, sur un accord d'association entre la
Communauté andine
et l'Union européenne.
Le Plan de gouvernement de Rafael Correa réclame par ailleurs "la
renégociation" des contrats avec les sociétés des secteurs
du pétrole, de l'électricité et des télécommunications.
Il avertit aussi que "la dette extérieure sera payée dans la
mesure où elle n'affecte pas les priorités du développement
national".
Enfin, le même Plan affirme que "nous notifierons aux Etats-Unis la
non-rénovation de l'accord sur la
base de Manta". L'accord arrivera
à échéance en 2009. Conclu en 1999, il a cédé
aux Etats-Unis la base aérienne de Manta, sur la côte du Pacifique,
à une demi-heure de vol de la Colombie, dont le gouvernement combat
avec l'aide de Washington des guérillas d'extrême gauche.
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