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Alvaro Noboa contre Rafael Correa au second tour de la présidentielle
Equateur: duel indirect Bush-Chavez pour la présidence

Rafael Correa à Quito - Photo Alianza Pais
Alvaro Noboa à Guayaquil - Photo PRIAN
DERNIÈRE HEURE
QUITO, dimanche 26 novembre 2006 (LatinReporters.com) - Rafael Correa, candidat pro-Chavez de la gauche équatorienne, pourrait remporter l'élection présidentielle de ce dimanche avec 54% des suffrages, contre 46% à son adversaire ultralibéral et pro-américain Alvaro Noboa, selon un ultime sondage Cedatos Gallup dont les résultats ont été communiqués samedi soir à la presse étrangère.



QUITO, samedi 25 novembre 2006 (LatinReporters.com) - Opposant, le 26 novembre, le milliardaire pro-américain Alvaro Noboa à l'économiste nationaliste de gauche Rafael Correa, le second tour de l'élection présidentielle en Equateur reflète jusqu'à la caricature la lutte d'influence en Amérique latine entre les Etats-Unis de George W. Bush et le Venezuela d'Hugo Chavez.

Aucun des deux candidats n'est clairement favori. La publication de sondages est interdite en Equateur pendant les vingt jours précédant l'élection. Les journalistes étrangers ont néanmoins eu accès à une enquête de Cedatos Gallup clôturée le 23 novembre et réalisée sur un échantillon de 4.554 électeurs. Elle donne Rafael Correa vainqueur avec 52%, contre 48% à Alvaro Noboa. Mais compte tenu d'une proportion d'indécis de 17% et d'une marge d'erreur de + ou -3%, il s'agit pratiquement d'un match nul technique. Le 13 novembre, c'est à Alvaro Noboa que le sondage précédent de Cedatos Gallup octroyait 52% et la victoire.

Petit, ventru, 56 ans, Alvaro Noboa est considéré comme le plus riche des 13,9 millions d'Equatoriens (dont plus de 65% de pauvres). Il contrôle 110 entreprises, ainsi que la commercialisation de la banane, dont l'Equateur est le premier exportateur mondial. Populiste de droite, déjà candidat à la présidence en 1998 et 2002, il a créé la surprise le 15 octobre dernier en remportant le premier tour avec 26,83% des suffrages. Noboa ne cesse d'invoquer Dieu et il envisage de rompre les relations diplomatiques avec Cuba et le Venezuela.

Grand, athlétique, 43 ans, professeur d'université et docteur en économie formé aux Etats-Unis et en Belgique, brièvement ministre de l'Economie et des Finances en 2005, Rafael Correa se dit catholique de gauche et se réclame, lui, tant de la social-démocratie chilienne que de la révolution bolivarienne menée au Venezuela par Hugo Chavez, dont il connaît la maison familiale. Il attribue à une "fraude" sa 2e place -car les sondages le plaçaient en tête- au premier tour de la présidentielle avec 22,84% des voix.

Base militaire et pétrole

Sans nécessairement apprécier la personnalité baroque d'Alvaro Noboa, Washington serait parmi les bénéficiaires de son élection à la présidence.

Il y va du maintien et du renouvellement, à son échéance en 2009, de l'accord qui a cédé aux Etats-Unis l'usage de la base aérienne équatorienne de Manta, sur la côte du Pacifique, à une demi-heure de vol de la Colombie, dont le gouvernement combat avec l'aide américaine des narco-guérillas d'extrême gauche.

Alvaro Noboa souhaite en outre développer la prospection et l'extraction de pétrole, principale ressource du pays, dans un cadre économique qui serait dominé par un accord de libre-échange avec les Etats-Unis. La négociation d'un tel accord est actuellement gelée par Washington à la suite, précisément, d'un conflit politico-administratif qui a forcé le départ de la société pétrolière américaine OXY. Avec en moyenne 540.000 barils par jour, dont 69% sont exportés, l'Equateur est aujourd'hui le 5e producteur latino-américain de pétrole brut. Alvaro Noboa veut porter la production à 800.000 barils quotidiens et renforcer la sécurité juridique des investisseurs étrangers, notamment américains.

Par contre, le "Plan de gouvernement" de la coalition Alianza Pais (Alliance Pays) de Rafael Correa rejette, lui, la signature d'un traité de libre commerce avec les Etats-Unis et prône "la renégociation" des contrats avec les sociétés des secteurs du pétrole, de l'électricité et des télécommunications. Il avertit aussi que "la dette extérieure sera payée dans la mesure où elle n'affecte pas les priorités du développement national".

"Les Latino-Américains, nous sommes tous bolivariens" clame le même Plan, saluant ainsi plus qu'implicitement l'ambition d'Hugo Chavez de lutter pour l'unité sud-américaine comme le fit au 19e siècle, alors contre la domination espagnole, le libertador vénézuélien Simon Bolivar.

Le "Plan de gouvernement" de Rafael Correa affirme encore que "nous notifierons aux Etats-Unis la non-rénovation de l'accord sur la base de Manta".

Les positions diamétralement opposées des deux candidats rendent inévitable l'imputation du résultat de la présidentielle au crédit ou au débit de Washington ou de Caracas. D'autant plus qu'Hugo Chavez a critiqué publiquement Alvaro Noboa, l'accusant d'évasion fiscale et d'exploiter ses travailleurs.

Le duel Washington-Caracas a dominé peu ou prou toutes les élections présidentielles convoquées depuis novembre 2005 dans onze pays latino-américains (y compris l'Equateur et le Venezuela, qui votera le 3 décembre prochain, mais sans inclure Haïti, qui relève de la francophonie).

A l'issue de ce marathon électoral continental sans précédent, il faudra en analyser les effets globaux. Actuellement, sur 9 élections conclues, la social-démocratie en a remporté 4, la gauche plus radicale 2 et la droite démocratique 3.

Discours alarmistes

Des discours alarmistes ont clôturé la campagne électorale équatorienne. A Quito, Rafael Correa a appelé ses partisans à "protéger la victoire populaire" et le triomphe de la gauche d'une tentative de fraude électorale que pourraient organiser "les mafias" qui appuieraient Noboa. Ces propos conduisent les observateurs à se demander si, comme Lopez Obrador au Mexique, le candidat de la gauche serait peu disposé à accepter une éventuelle défaite.

A Guayaquil, Alvaro Noboa a prédit, lui, une "guerre civile" en cas de victoire de son adversaire, car le Congrès (Parlement monocaméral) s'opposerait à la prétention de Rafael Correa de convoquer une Assemblée constituante pour refondre les institutions comme l'a fait le Venezuela et comme tente de le faire la Bolivie d'Evo Morales.

Le PRIAN (Parti rénovateur institutionnel d'action nationale) d'Alvaro Noboa est devenu, avec 28 députés sur les 100 du Congrès, la première formation parlementaire aux législatives concomitantes du premier tour de la présidentielle. L'Alianza Pais de Rafael Correa n'a pour sa part aucun élu. Elle n'a pas présenté de candidats au Congrès, Correa misant sur la révolution institutionnelle liée à son projet d'Assemblée constituante.

Après l'élimination de leur candidat au premier tour, la droite social-chrétienne et le Parti roldosiste équatorien (PRE, populiste) appuient Alvaro Noboa, qui compte aussi sur le soutien non déclaré du Parti société patriotique (PSP) de l'ex-président Lucio Gutierrez, destitué en avril 2005 lors d'émeutes populaires. Son frère, Gilmar Gutierrez, s'est classé 3e du premier tour de la présidentielle avec 17,42% des voix. Les 24 députés du PSP constituent la seconde formation du Congrès. Une alliance du PSP avec le PRIAN d'Alvaro Noboa surpasserait la majorité absolue.

Rafael Correa devrait, lui, bénéficier du report des voix des sociaux-démocrates et du parti Pachakutik (Nouvelle aube), bras politique de la Confédération de nationalités indigènes d'Equateur (CONAIE). Les Indiens autochtones constituent le tiers de la population équatorienne, mais le candidat du Pachakutik n'avait obtenu que 2,19% au premier tour de la présidentielle.

Le vainqueur du second tour, Noboa ou Correa, deviendra le huitième président de l'Equateur en dix ans...

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