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Peu d'appui populaire pour régionaliser davantage l'Espagne Andalousie: autonomie élargie malgré 63,7% d'abstention référendaire
A peine 36,28% des 6.185.664 électeurs andalous ont été dimanche aux urnes pour dire oui ou non à l'élargissement du Statut d'autonomie régionale plébiscité en 1981. Cette année-là, la participation se hissait à 53,68%. Compte tenu de l'effervescence postfranquiste de l'époque, ce n'était déjà pas l'Himalaya. Triomphateur légal avec 87,45%, le oui ne totalise moralement, vu l'abstention, que 31,7% des Andalous âgés d'au moins 18 ans, l'âge de raison électoral. Il était prôné par le PSOE (Parti socialiste ouvrier espagnol), patron du gouvernement régional. Ce oui était appuyé aussi par les écolos-communistes d'Izquierda Unida (Gauche unie) et même par le Parti Populaire (PP-droite), par crainte, lui, de manquer une fois de plus le vieux train à vapeur du politiquement correct. Parmi les flonflons du Statut élargi, Séville devient officiellement capitale de la "réalité nationale" andalouse (Marbella n'était hélas pas candidate). Une Agence fiscale régionale mettra au chômage quelques inspecteurs du fisc national. Un Conseil audiovisuel tout aussi andalou veillera sans doute à la primauté du canal public affectueusement surnommé Télé-Chaves. (Pas le Chavez du Venezuela, mais Manuel Chaves, président d'un gouvernement régional baptisé officiellement, comme s'il s'agissait d'un quarteron de généraux, Junta de Andalucia). Et, conquête décisive en période de réchauffement planétaire, l'Andalousie aura son Institut de météorologie... En Andalousie comme ailleurs, l'ambition de maîtriser davantage de finances propres est l'un des moteurs essentiels de l'élargissement de l'autonomie. Quant aux multiples dispositions sociales du nouveau Statut -revenu minimal, égalité des sexes, non discrimination, accès aux nouvelles technologies, etc.- elles font pour la plupart double emploi avec la législation nationale. Qu'en pense le reste de l'Espagne? "L'Andalousie approuve le Statut [d'autonomie régionale] avec la participation la plus basse de son histoire" titre sur quatre colonnes à la une le quotidien madrilène El Pais. Ce journal, très proche du socialisme zapatériste au pouvoir à Madrid et à Séville, avertit dans son éditorial qu'avec une participation électorale d'à peine 36% "on ne peut ignorer le manque de syntonie entre l'emphase de la classe politique autonomiste qui réclame plus de compétences et le désintérêt apparent du public à l'égard de cette affaire". A gauche toujours, l'influent journal catalan El Periodico, d'une grande sensibilité régionale pour être précisément catalan, titre en une "Le oui arrache, mais seulement 36% des Andalous votent". L'éditorialiste traduit cela en "échec sans palliatifs du point de vue de la participation démocratique". Vient ensuite le grand aveu: "Le débat sur les autonomies, comme on l'a vu en Catalogne, n'accroche pas le citoyen à cause de sa complexité intrinsèque et parce qu'il s'est converti en dispute quasi exclusive des élites politiques... Il faut reconnaître que la nouvelle réforme territoriale initiée par [l'ex-président socialiste catalan] Pasqual Maragall à partir de la Catalogne ne répondait pas à une clameur populaire". En juin 2006, l'élargissement de l'autonomie catalane souffrit en effet une abstention référendaire de 51%. La Catalogne est pourtant avec le Pays basque et la Galice l'une des trois "nationalités historiques" reconnues par l'Espagne postfranquiste. Et qu'une publication catalane présumée progressiste telle qu'El Periodico souligne aujourd'hui le manque d'appui populaire au national-régionalisme aura coupé le souffle au président du gouvernement espagnol en personne, le socialo-fédéraliste José Luis Rodriguez Zapatero. L'autre grand quotidien catalan, La Vanguardia, proche des nationalistes de Convergencia i Unio (centre droit), barre sa une avec un titre qui vaut un éditorial: "L'Andalousie s'abstient". "Le modèle territorial de Zapatero se heurte au dédain des Andalous" clame à Madrid le journal conservateur ABC. Sous le titre "Ridicule historique", l'éditorialiste de son confrère libéral El Mundo note que si "la réforme des statuts [régionaux] n'a pas surpassé l'épreuve de la légitimité citoyenne", ces statuts sont néanmoins légalement en vigueur, "rendant peu à peu invivable notre Etat". Défenseur de l'autonomie andalouse, l'ex-ministre centriste Manuel Clavero Arévalo croit que "la forte abstention [au référendum de dimanche] peut affecter la généralisation des réformes [régionales]". Quant à l'ex-ministre socialiste José Bono, longtemps baron régional en tant que président de la Communauté autonome de Castilla-La Mancha, il s'étonne que des politiciens et des journalistes "assimilent à la modernité la dérive nationaliste, peu socialiste et peu solidaire". Conclusion: au rythme de la prise de conscience, on ne peut exclure qu'un jour, encore lointain, l'Espagne actuelle des 17 autonomies redevienne l'Espagne tout court. (Et l'ETA une organisation de défense des droits de l'homme? ...ajouteront les sceptiques).
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