|
Peu d'appui populaire pour régionaliser davantage l'Espagne
Andalousie: autonomie élargie malgré 63,7% d'abstention référendaire
| |
Le socialiste Manuel Chaves, président de la Junta de Andalucia - Photo PSOE-Andalucia | |
|
MADRID, lundi 19 février 2007
(LatinReporters.com)
- Et voilà les Andalous, près de huit millions d'Espagnols du Sud péninsulaire,
à leur tour plus autonomes, plus régionaux et donc moins solidaires
des autres Ibères. Ils ne sont pourtant pas friands de cette Espagne
plurielle prêchée par le socialiste Zapatero. L'abstention référendaire
de 63,72% l'atteste.
A peine 36,28% des 6.185.664 électeurs andalous ont été
dimanche aux urnes pour dire oui ou non à l'élargissement du
Statut d'autonomie régionale plébiscité en 1981. Cette
année-là, la participation se hissait à 53,68%. Compte
tenu de l'effervescence postfranquiste de l'époque, ce n'était
déjà pas l'Himalaya.
Triomphateur légal avec 87,45%, le oui ne totalise moralement, vu l'abstention, que 31,7% des Andalous âgés d'au moins 18 ans, l'âge de raison électoral. Il était prôné par le PSOE (Parti socialiste ouvrier espagnol), patron du gouvernement régional. Ce oui était appuyé aussi par les
écolos-communistes d'Izquierda Unida (Gauche unie) et même par le Parti Populaire
(PP-droite), par crainte, lui, de manquer une fois de plus le vieux train à vapeur
du politiquement correct.
Parmi les flonflons du Statut élargi, Séville devient officiellement
capitale de la "réalité nationale" andalouse (Marbella n'était
hélas pas candidate). Une Agence fiscale régionale mettra au
chômage quelques inspecteurs du fisc national. Un Conseil audiovisuel
tout aussi andalou veillera sans doute à la primauté du canal
public affectueusement surnommé Télé-Chaves. (Pas le
Chavez du Venezuela, mais Manuel Chaves, président d'un gouvernement
régional baptisé officiellement, comme s'il s'agissait d'un
quarteron de généraux, Junta de Andalucia). Et, conquête
décisive en période de réchauffement planétaire,
l'Andalousie aura son Institut de météorologie...
En Andalousie comme ailleurs, l'ambition de maîtriser davantage de
finances propres est l'un des moteurs essentiels de l'élargissement
de l'autonomie. Quant aux multiples dispositions sociales du nouveau Statut
-revenu minimal, égalité des sexes, non discrimination, accès
aux nouvelles technologies, etc.- elles font pour la plupart double emploi avec la
législation nationale.
Qu'en pense le reste de l'Espagne?
"L'Andalousie approuve le Statut [d'autonomie régionale] avec la participation
la plus basse de son histoire" titre sur quatre colonnes à la une
le quotidien madrilène El Pais. Ce journal, très proche du
socialisme zapatériste au pouvoir à Madrid et à Séville,
avertit dans son éditorial qu'avec une participation électorale
d'à peine 36% "on ne peut ignorer le manque de syntonie entre l'emphase
de la classe politique autonomiste qui réclame plus de compétences
et le désintérêt apparent du public à l'égard
de cette affaire".
A gauche toujours, l'influent journal catalan El Periodico, d'une grande
sensibilité régionale pour être précisément
catalan, titre en une "Le oui arrache, mais seulement 36% des Andalous votent".
L'éditorialiste traduit cela en "échec sans palliatifs du point
de vue de la participation démocratique". Vient ensuite le grand aveu:
"Le débat sur les autonomies, comme on l'a vu en Catalogne, n'accroche
pas le citoyen à cause de sa complexité intrinsèque
et parce qu'il s'est converti en dispute quasi exclusive des élites
politiques... Il faut reconnaître que la nouvelle réforme territoriale
initiée par [l'ex-président socialiste catalan] Pasqual Maragall
à partir de la Catalogne ne répondait pas à une clameur
populaire".
En juin 2006, l'élargissement de l'autonomie catalane souffrit en
effet une abstention référendaire de 51%. La Catalogne est
pourtant avec le Pays basque et la Galice l'une des trois
"nationalités historiques" reconnues par l'Espagne postfranquiste.
Et qu'une publication catalane présumée progressiste telle
qu'El Periodico souligne aujourd'hui le manque d'appui populaire au national-régionalisme
aura coupé le souffle au président du gouvernement espagnol en personne, le socialo-fédéraliste José Luis Rodriguez Zapatero.
L'autre grand quotidien catalan, La Vanguardia, proche des nationalistes de Convergencia i Unio (centre droit), barre sa une avec un titre qui vaut un éditorial: "L'Andalousie s'abstient".
"Le modèle territorial de Zapatero se heurte au dédain des
Andalous" clame à Madrid le journal conservateur ABC. Sous le titre
"Ridicule historique", l'éditorialiste de son confrère libéral El Mundo note que si "la réforme des statuts [régionaux]
n'a pas surpassé l'épreuve de la légitimité citoyenne",
ces statuts sont néanmoins légalement en vigueur, "rendant
peu à peu invivable notre Etat".
Défenseur de l'autonomie andalouse, l'ex-ministre centriste Manuel Clavero Arévalo croit que "la forte abstention [au référendum
de dimanche] peut affecter la généralisation des réformes [régionales]".
Quant à l'ex-ministre socialiste José Bono, longtemps baron
régional en tant que président de la Communauté autonome
de Castilla-La Mancha, il s'étonne que des politiciens et des journalistes
"assimilent à la modernité la dérive nationaliste, peu
socialiste et peu solidaire".
Conclusion: au rythme de la prise de conscience, on ne peut exclure qu'un
jour, encore lointain, l'Espagne actuelle des 17 autonomies redevienne l'Espagne tout
court. (Et l'ETA une organisation de défense des droits de l'homme? ...ajouteront
les sceptiques).
version imprimable
Vous pouvez réagir à cet article sur notre forum
ARTICLES ET DOSSIERS LIÉS
Catalogne-référendum: l'abstention (50,6%) ternit le oui à l'autonomie élargie
Dossier Espagne
|
|