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Référendum: pas de "clameur historique"
Catalogne: l'abstention (50,6%) ternit le oui à l'autonomie élargie
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José Louis Rodriguez Zapatero au meeting de clôture de la campagne référendaire (Barcelone 16 juin 2006) - Photo PSOE |
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MADRID, lundi 19 juin 2006 (LatinReporters.com) - La Catalogne
a élargi ses compétences. "L'Espagne des autonomies avance"
s'est exclamé le président du gouvernement espagnol, le socialiste
José Luis Rodriguez Zapatero. Comme il le prônait, le "oui" l'a
emporté dimanche lors d'un référendum régional
qui ne renforce pas nécessairement sa crédibilité, car
l'abstention est majoritaire.
"Approuvez-vous le projet du Statut d'autonomie de la Catalogne?" A peine
49,41% des 5,2 millions de Catalans appelés aux urnes ont répondu.
La victoire du "oui" -73,90% contre 20,76% de "non"- ne repose ainsi que sur
36% des électeurs inscrits. Défendue dans les quatre provinces
catalanes par M. Zapatero lors de la campagne référendaire,
l'autonomie élargie est ternie par une abstention de 50,59%.
On est loin de la "clameur historique du peuple catalan" prophétisée
par le président socialiste de la Catalogne, Pasqual Maragall. D'autant
plus qu'en 1979, lorsque l'Espagne commençait à
mettre sur pied ses 17 régions autonomes, le premier Statut catalan
post-franquiste fut plébiscité, lui, par plus de 88% des votants et 53% des
inscrits.
Le 21 mai dernier, le secrétaire à la Coopération extérieure
du gouvernement régional catalan, Albert Royo i Mariné, saluait
à Podgorica, métropole du Monténégro, le "précédent
historique" du "premier processus d'indépendance mené sous la
tutelle de l'Union européenne". Les Monténégrins venaient
de gagner leur droit souverain à l'existence nationale en surpassant
dans un référendum d'autodétermination les deux seuils
fixés par l'Europe communautaire pour jouir de son aval: 50%
de participation et 55% de "oui".
L'abstention majoritaire invaliderait le référendum catalan
de dimanche si on lui appliquait les seuils de crédibilité morale
imposés au Monténégro. La même nullité frapperait
le "oui" espagnol de février 2005 à l'infortunée Constitution
européenne, approuvée au royaume de Juan Carlos Ier par 77%
des votants, mais avec une participation de 42%.
Le droit référendaire espagnol étant néanmoins
encore souverain, c'est ce que M. Zapatero a souvent appelé "l'Espagne
plurielle", "plus forte dans sa diversité" (expressions rappelant
curieusement le dernier message de Franco aux Espagnols) qui viendrait d'être
plébiscitée. "Trois électeurs catalans sur quatre" ont
approuvé le nouveau Statut relevait dimanche soir le leader socialiste. Il estime que
leur "oui" jouit "de toute la force démocratique".
Par conviction ou par calcul électoral, José Luis Rodriguez
Zapatero a ravivé avec la Catalogne la fièvre de la régionalisation.
Le chantier de l'élargissement des autonomies est avancé aussi
en Andalousie, en Galice et même dans des régions conservatrices
telle que Valence et les Iles Baléares. L'Espagne semble glisser vers
le fédéralisme. Pasqual Maragall et d'autres parlent de "nation
de nations". Au Pays basque, le processus est lié à d'imminents
pourparlers de paix avec les séparatistes armés de l'ETA.
Les 20,76% de "non" venaient à la fois, dimanche en Catalogne, du
Parti populaire (PP, opposition de droite) et des indépendantistes
de la Gauche républicaine catalane (ERC). Ces derniers, originellement
alliés aux socialistes au sein du gouvernement catalan, en furent
exclus pour défendre le "non" au référendum, en réaction aux
amendements "espagnolistes" apportés au
nouveau Statut régional par le Congrès espagnol des députés.
Alors que la première mouture issue en septembre 2005 du Parlement
catalan définissait clairement la Catalogne comme "nation" tant dans
le préambule qu'à l'article 1 du Statut, la version approuvée
dimanche par référendum cantonne le mot "nation" dans le seul
préambule et le relativise en l'enrobant dans un paragraphe plus narratif
qu'affirmatif, disant que "Le Parlement de la Catalogne, recueillant
le sentiment et la volonté des citoyens de la Catalogne, a défini
à une ample majorité la Catalogne comme nation".
La phrase affirmant initialement "la vocation et le droit de la Catalogne
à déterminer librement son futur en tant que peuple" a purement
et simplement disparu du préambule. Donc, pas de droit reconnu à
l'autodétermination.
Ont également disparu, entre autres, des articles litigieux concernant
des sélections sportives catalanes, la gestion autonome des ports et
aéroports catalans et une circonscription électorale catalane
pour les élections au Parlement européen.
Mais globalement, le nouveau Statut amplifie les prérogatives déjà
larges de la Catalogne en matière d'économie, de justice, d'éducation,
de fiscalité, d'immigration, d'audio-visuel, de relations internationales
et d'imposition de la langue catalane. Il reconnaît à la Catalogne
le droit de disposer de "symboles nationaux" tels que "le drapeau, la fête
et l'hymne".
Si incomplet soit-il aux yeux des indépendantistes radicaux,
le nouveau Statut n'en contribuerait pas moins "à faire du pays",
comme on fait du pain, selon l'expression célèbre de l'ex-président
de la Catalogne, le nationaliste Jordi Pujol. Sa coalition Convergence et
Union (CiU, centre droit) pourrait revenir bientôt au pouvoir sous
la houlette de son nouveau leader, Artur Mas. Des élections régionales
catalanes anticipées seront probablement convoquées l'automne
prochain pour clore la crise provoquée par la défenestration
de la Gauche républicaine.
Prétendant que le maintien du mot "nation", fût-il relativisé
et cantonné dans le préambule du nouveau Statut, aura "une force
juridique et politique" équivalant à "la reconnaissance d'un
pouvoir souverain", le chef de la droite et président du PP, Mariano
Rajoy, avait accusé lors des débats parlementaires le socialiste
Zapatero d'être le principal responsable de cette "page de déloyautés".
Selon le PP, le Statut catalan serait anticonstitutionnel et menacerait
l'Espagne de "balkanisation". Dimanche soir, M. Rajoy additionnait l'abstention
et les "non" du référendum pour en déduire
que "deux Catalans sur trois ont rejeté le projet personnel de M. Zapatero".
"Cette démonstration du bon sens commun des citoyens" a poursuivi
le chef de l'opposition conservatrice, "nous incite à continuer à
lutter juridiquement et politiquement" contre le nouveau Statut. Le Parti
populaire veut à ce propos provoquer un sursaut du Tribunal constitutionnel.
Les autonomies régionales n'ont donc pas fini de crisper la vie politique
espagnole. Comme lors de la transition démocratique qui avait suivi la mort de Franco, elles font
grogner des généraux.
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