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LARGE REMANIEMENT D'UN GOUVERNEMENT IMPOPULAIRE
Espagne: Zapatero limoge Moratinos, "l'homme de Castro en Europe"
MADRID, jeudi 21 octobre 2010 (LatinReporters.com) - "L'homme
de Castro en Europe" ... The Wall Street Journal qualifiait récemment
ainsi le ministre espagnol des Affaires étrangères, Miguel
Angel Moratinos. Il a été limogé le 20 octobre à
Madrid lors d'un large remaniement ministériel effectué par
le socialiste José Luis Rodriguez Zapatero pour tenter d'imposer sa
politique d'austérité face à la crise et redresser une
popularité en chute libre. La montée en puissance du ministre de l'Intérieur, Alfredo Perez Rubalcaba, promu premier vice-président du gouvernement de M. Zapatero, est un autre aspect du remaniement que soupèsent observateurs étrangers et espagnols au moment où sont relancées les hypothèses sur la fin éventuelle du terrorisme des indépendantistes basques de l'ETA. Dissidents cubains déportés Chef de la diplomatie espagnole depuis la première victoire électorale de M. Zapatero, aux législatives de mars 2004, Miguel Angel Moratinos, 59 ans, ne s'attendait pas à sa destitution. Elle lui arracha quelques larmes en séance plénière du Congrès des députés lorsqu'un élu socialiste lui exprima sa sympathie. L'agenda du ministre Moratinos était bouclé jusqu'à fin novembre et prévoyait notamment une tournée des pays du Golfe Persique, une visite en Bolivie et en Equateur, de multiples contacts pour tenter d'assurer le sommet de l'Union pour la Méditerranée à Barcelone et auparavant, le 25 octobre prochain à Luxembourg, le débat sur la modification ou non de la politique de l'Union européenne (UE) à l'égard de Cuba. M. Moratinos espérait obtenir enfin le 25 octobre le levée de la position commune de l'UE, qui lie l'évolution des relations avec Cuba à celle des droits de l'homme dans l'île des frères Castro. En crise économique permanente malgré l'aide pétrolière du Venezuela, Cuba voudrait conclure avec l'UE un accord de coopération. C'est dans cet espoir que le président Raul Castro, assisté par l'Eglise cubaine, libère depuis le mois de juillet des dizaines de dissidents, déportés avec leurs proches vers l'Espagne. Ignorant sciemment que l'alternative déportation ou prison est, comme l'a rappelé Amnesty International, une violation des lois internationales et du droit des gens à résider dans leur propre pays, M. Moratinos voulait faire valoir ces libérations intéressées pour convaincre l'UE de coopérer sans réserve avec La Havane. La tolérance très marquée de Miguel Angel Moratinos à l'égard du régime castriste s'accompagnait d'une apparente camaraderie, qu'il justifiait parfois par des raisons économiques, avec le socialiste radical Hugo Chavez, président du Venezuela et principal allié régional de Raul et Fidel Castro. Besoin socialiste d'efficacité électorale L'incapacité du ministre Moratinos à concrétiser le rapprochement Cuba-UE pendant la présidence tournante espagnole de l'UE, au premier semestre 2010, l'affront infligé lors du même semestre par le président américain Barack Obama, dont le manque d'intérêt fit annuler le sommet UE / Etats-Unis programmé à Madrid, la polémique entourant la déportation en Espagne de dissidents cubains et le malaise exprimé par la quasi totalité des médias espagnols à propos du peu d'empressement des autorités de Caracas à collaborer avec la justice espagnole, qui dénonce une alliance qu'auraient forgée guérilleros colombiens et séparatistes basques de l'ETA dans des camps d'entraînement au Venezuela, tout cela, ainsi que d'autres accrocs dans les relations avec des voisins tels que le Maroc et Gibraltar et l'inutilité manifeste de multiples tournées au Proche-Orient faisaient de Miguel Angel Moratinos un homme peu rentable et même contre-productif sur le plan électoral. Or, alors qu'il affrontera les élections catalanes fin novembre prochain, puis les élections municipales et régionales en mai 2011 et les législatives au premier trimestre 2012, le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) de M. Zapatero n'est crédité dans un récent sondage que de 28,5% des intentions de vote, contre 43% pour le Parti Populaire (PP), l'opposition conservatrice conduite par Mariano Rajoy. Sacrifier "l'homme de Castro en Europe", qui était aussi quelque peu l'homme de Chavez, contribuera-t-il à la survie politique de José Luis Rodriguez Zapatero? Cela dépendra de l'image publique que projettera aux Affaires étrangères Trinidad Jimenez. A 48 ans, cette andalouse joviale, amie personnelle de M. Zapatero, abandonne le portefeuille de la Santé pour prendre la relève de Miguel Angel Moratinos. Lorsqu'elle était secrétaire aux Relations internationales du PSOE, puis secrétaire d'Etat chargée de l'Ibéro-Amérique, Trinidad Jimenez affichait pour les libertés et les dissidents cubains une considération peu appréciée par Fidel Castro. Parler de virage de la politique étrangère espagnole serait toutefois prématuré. Salut de Zapatero lié à Rubalcaba et à ... l'ETA ? La promotion spectaculaire du ministre de l'Intérieur, Alfredo Rubalcaba, 59 ans, qui conserve son portefeuille en devenant simultanément porte-parole et premier vice-président du gouvernement, poste qui lui permettra de coordonner l'action de l'ensemble des ministères, alimente diverses interprétations. Des commentateurs voient déjà en lui le dauphin de José Luis Rodriguez Zapatero, auquel il succéderait si le PSOE remportait les législatives de 2012. D'autres soulignent que ses succès sans précédent contre les Basques de l'ETA, dont quelque 800 militants sont emprisonnés et dont sept chefs successifs ont été capturés entre 2008 et 2010 grâce aussi à la collaboration de la police française, ont fait de M. Rubalcaba le ministre le plus apprécié au sein d'un gouvernement globalement impopulaire. Son ascension serait donc censée renforcer la crédibilité de l'exécutif, mise à mal par 4,6 millions de chômeurs (20,3% de la population active, record de l'UE) et par un plan d'austérité, imposé par l'UE et les marchés financiers, qui provoqua le 29 septembre la première grève générale de l'ère Zapatero. "Zapatero place Rubalcaba à la tête du sauvetage du projet socialiste" titre le 21 octobre à la une le quotidien de centre gauche El Pais. Selon une analyse très répandue, l'autorité accrue conférée par M. Zapatero à son ministre de l'Intérieur et la nomination du socialiste basque Ramon Jauregui à la tête du ministère de la Présidence, autre poste de coordination gouvernementale, devraient contribuer à exploiter la trêve actuelle décrétée par l'ETA et l'hostilité à la lutte armée affichée désormais par des dirigeants de la vitrine politique des terroristes indépendantistes, le parti interdit Batasuna, pour tenter d'aboutir à une fin définitive de la violence de l'ETA. Depuis 1968, elle a fait 829 morts, des milliers de blessés et des milliards d'euros de pertes matérielles et financières. La pacification du Pays basque serait un pas historique qui garantirait peut-être la réélection de M. Zapatero en 2012 pour un troisième mandat, à condition que cette pacification résulte d'une décision autonome de l'ETA d'abandonner les armes pour les urnes, mais non d'une négociation politique que l'opinion publique espagnole apprécierait peu. Ministères du Logement et de l'Egalité supprimés Parmi d'autres aspects du remaniement ministériel, relevons le départ de six ministres, l'arrivée de quatre nouveaux, ce qui a entraîné le ravalement au rang de secrétariats d'Etat des ministères du Logement et de l'Egalité, pourtant très symboliques de l'image dite progressiste revendiquée par le chef du gouvernement socialiste avant la grande crise économique. Une curiosité : le nouveau ministre du Travail, Valeriano Gomez, est un historique de l'Union générale des travailleurs, la centrale syndicale socialiste. Il avait manifesté contre le gouvernement lors de la grève générale du 29 septembre, s'opposant alors à la réforme du marché du travail qui facilite les licenciements. Il lui appartient désormais de faire appliquer avec la ministre Elena Salgado, inchangée à l'Economie, cette réforme maintenue par le nouveau gouvernement, que M. Zapatero qualifie de "social-démocrate progressiste". Commentaire du chef de l'opposition conservatrice, Mariano Rajoy, à propos du remaniement : "Ce ne sont pas les musiciens qu'il fallait changer, mais le chef d'orchestre et la partition". © LatinReporters.com - Amérique latine - Espagne |