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- Triomphe national du Parti Populaire (PP, droite)
- Au Pays basque, succès de Bildu, proche de l'ETA
- Défaite morale des "indignés" de la Puerta del Sol
Espagne: débâcle des socialistes de Zapatero aux élections municipales et régionales
 

MADRID, lundi 23 mai 2011 (LatinReporters.com) - Sur fond de crise économique et sociale, débâcle historique en Espagne des socialistes du chef du gouvernement, José Luis Rodriguez Zapatero, a dix mois des législatives de mars 2012. Les conservateurs du Parti populaire (PP) de Mariano Rajoy les devancent de dix points et de 2,2 millions de voix aux élections municipales et régionales du 22 mai. Jamais en 35 ans de démocratie postfranquiste une force politique n'avait disposé d'un pouvoir local aussi étendu que celui conquis dimanche par le PP.

Après dépouillement de la totalité des bulletins de vote, le score de 37,53% du PP n'est que légèrement supérieur à ses 35,62% aux municipales de 2007. Par contre, le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) de M. Zapatero s'effondre, chutant lourdement de 34,92% voici quatre ans à 27,79% aujourd'hui. Le nombre de voix de la droite est de 8.474.031 contre 6.276.087 aux socialistes.

Sur le terrain, cela signifie que le PSOE ne contrôlera plus que 4 ou 5 des 50 capitales provinciales. Plus de 30 autres, dont les 8 d'Andalousie, citadelle traditionnelle du socialisme, sont dominées par une majorité absolue du PP. Le parti de M. Zapatero perd des fleurons tels que Séville et Barcelone, gagnée, elle, par les nationalistes catalans de centre droit de CiU (Convergencia i Unio).

Les 34,6 millions d'électeurs espagnols étaient appelés à renouveler les conseils municipaux des 8.116 communes du pays et les parlements de 13 des 17 régions autonomes. Le PP est victorieux dans 11 de ces 13 régions. Les socialistes dans aucune. Ils conserveront de justesse l'Estrémadure grâce à l'appoint des écolos-communistes de la Gauche Unie et peut-être aussi l'Aragon en s'alliant à des forces régionales.

Si les socialistes se maintiennent à la présidence de l'Andalousie et du Pays Basque, c'est seulement parce que les parlements régionaux y seront renouvelés à une autre date. Pour résumer, le PSOE de M. Zapatero gouvernera au mieux dans 4 des 17 régions d'Espagne, dont une seule, l'Andalousie, sans besoin de coalition. Le PP, lui, régnera sur au moins 9 régions et peut-être plus en fonction d'éventuelles alliances.

La secrétaire générale du PP, Maria Dolores de Cospedal, emporte la présidence de la vaste Région de Castille-La Manche, qui n'avait jamais connu d'autre pouvoir que celui du PSOE. Outre cet affront, les socialistes de M. Zapatero subissent à nouveau ceux que leur infligent tous les quatre ans tant les électeurs de la Région de Madrid que ceux de la ville proprement dite. La présidente de la région, Esperanza Aguirre, et le maire de la capitale, Alberto Ruiz-Gallardon, renouvellent leur majorité absolue sur un score double de celui du PSOE. Avec un écart un peu moindre, le scénario est identique dans la Région et la ville de Valence.

"Le PSOE a perdu clairement, reculant amplement" a reconnu José Luis Rodriguez Zapatero. Le chef du gouvernement a estimé que la défaite de son parti "est clairement liée aux effets de la crise économique, qui a détruit deux millions d'emplois". Des éditorialistes de toutes tendances, notamment celui de l'influent quotidien de centre gauche El Pais, croient toutefois depuis longtemps que M. Zapatero est responsable de sa propre gestion désastreuse de la crise, qu'il prétendit même ignorer en 2008 pour motifs électoralistes. L'Espagne compte aujourd'hui 4,9 millions de chômeurs, soit 21,29% de la population active, taux le plus élevé parmi les 27 pays de l'Union européenne.

Malgré l'ampleur de sa défaite, M. Zapatero a exclu d'anticiper les élections législatives prévues pour mars 2012
, arguant de la nécessité de poursuivre les réformes pour "garantir la récupération du pays". Mais ce sont précisément ces réformes, à savoir les mesures d'austérité imposées ou suggérées par les marchés financiers, l'Union européenne et le Fonds monétaire international qui ont précipité la débâcle des socialistes. M. Zapatero, qui ne se représentera pas aux prochaines législatives, dispose-t-il encore de la légitimité et de l'autorité pour imposer tant au pays qu'à son parti une politique de sacrifices?

Le PP ne le croit pas. Même si son président, Mariano Rajoy, est demeuré discret sur la question en revendiquant la victoire, la présidente de la Région de Madrid, Esperanza Aguirre, a clairement prié M. Zapatero "de ne pas prolonger l'agonie et de convoquer des élections [législatives]". La foule célébrant dimanche soir à Madrid le triomphe du PP clamait "Zapatero démission". Et le grand quotidien de centre droit El Mundo titre ce lundi sur toute la largeur de sa une "L'Espagne exige le changement", faisant écho à son confrère ABC, qui proclame "L'Espagne vote le changement".

S'adressant, dimanche soir à Madrid, à des milliers de partisans du haut du balcon du siège du PP, Mariano Rajoy a égratigné le Mouvement du 15 mai, celui des "indignés" qui campent depuis une semaine au coeur de la capitale, sur la Puerta del Sol, et sur des places emblématiques d'autres villes pour protester contre la crise, la corruption et la particratie.

"Je remercie tous les Espagnols qui ont voté. La démocratie, c'est le vote" a lancé Mariano Rajoy. Or, le Mouvement du 15 mai, qui a joui rapidement d'un écho médiatique quasi planétaire, prônait l'abstention électorale ou le vote blanc. Il a subi une défaite morale, car l'abstention, de 33,77%, fut inférieure dimanche à celle de 36,03% aux municipales de 2007. Et les votes blancs et nuls ont à peine progressé, totalisant 4,24% contre 3,09% quatre ans auparavant.

De plus, le triomphe électoral de la droite relativise fortement la portée de la "Spanish Revolution", qui s'inscrit de facto à gauche même si elle réfute les étiquettes. "Ça c'est la démocratie et pas celle de [la Puerta del] Sol" scandaient dans la rue les militants du PP en fête. Il est vrai que, selon le Ministère de l'Intérieur, le Mouvement du 15 mai n'a réuni "que" 58.000 personnes ("le peuple" disent certains médias étrangers) dans l'ensemble de l'Espagne vendredi dernier, jour d'affluence maximale autour de ses campements urbains.

L'importance des "indignés" est-elle, comparée à l'indignation des 8.474.031 électeurs du PP à l'égard des socialistes, plus virtuelle que réelle derrière la magie subjective de médias qui vont jusqu'à comparer le paysage socio-politique espagnol à celui de dictatures arabes?

Grâce à Bildu, l'ETA se porte bien

Tous les discours officiels sur la santé chancelante des séparatistes basques de l'ETA ont été brutalement démentis par le résultat des élections municipales au Pays Basque. La coalition Bildu (Réunir), inspirée par Batasuna, la vitrine politique interdite de l'ETA, a conquis 25,45% des suffrages (325.968 voix) et 953 conseillers municipaux, s'assurant une majorité absolue dans 74 mairies et une majorité relative dans 22 autres. Seconde formation de la région, talonnant l'historique Parti nationaliste basque (PNV), Bildu est en tête dans la province du Guipuzcoa et sa capitale, Saint-Sébastien.

Jamais un mouvement indépendantiste radical n'avait obtenu pareils résultats au Pays basque. Ils débordent sur la Navarre voisine, où Bildu récolte 184 conseillers municipaux, ainsi que le contrôle absolu de 14 mairies et celui relatif d'encore trois supplémentaires.

La coalition indépendantiste va gérer des budgets publics totalisant annuellement plusieurs centaines de millions d'euros. La trêve actuelle de l'ETA a facilité ce succès. La conquête graduelle de la souveraineté ne repose en fait qu'accessoirement sur les bombes. Les trois formations basques qui aspirent à l'indépendance, quoiqu'en suivant des voies diverses, Bildu, le PNV et Aralar, totalisent désormais 58,46% de l'électorat basque. Comment les freiner si elles tentaient de forcer un référendum sur l'autodétermination?

Imputée à M. Zapatero par le PP et par une grande part de l'opinion publique espagnole, la récente légalisation de Bildu par le Tribunal constitutionnel, politisé comme la plupart des institutions, explique aussi partiellement dans le reste de l'Espagne la dure sanction électorale infligée aux socialistes.


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