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Les électeurs laissent à la gauche la région la plus peuplée
Espagne: la rigueur qu'exige l'UE piège Rajoy en Andalousie
 

par ROBIN de los BOSQUES

MADRID, lundi 26 mars 2012 (LatinReporters.com) - Région la plus peuplée d'Espagne avec 8,4 millions d'habitants, l'Andalousie est devenue dimanche aux élections régionales le brise-lame de la vague conservatrice. Une probable alliance avec les écolos-communistes permettra aux socialistes de continuer à gérer cette région clé qu'ils gouvernent depuis 30 ans. La rigueur imposée par l'Union européenne (UE) semble expliquer cette gifle infligée, malgré sa victoire relative, au Parti populaire (PP, droite) de Mariano Rajoy, chef du gouvernement espagnol.

La surprise est majuscule, car tous les sondages prédisaient au PP une majorité absolue, dans le fil de ses triomphes électoraux de 2011 dans 3.000 municipalités, y compris Madrid et la quasi totalité des capitales provinciales, et dans 11 des 17 régions du pays, ainsi qu'aux élections législatives du 20 novembre. L'Andalousie, maître de son calendrier électoral, avait fixé son scrutin régional au 25 mars 2012.

415.000 votes andalous perdus par la droite par rapport aux législatives de novembre 2011

Quatre-vingt-seize jours à peine après la formation de son gouvernement, Mariano Rajoy subit donc un premier revers. Le candidat du PP à la présidence de l'Andalousie, Javier Arenas, et d'autres notables conservateurs qualifient d'"historique" leur majorité relative, la première qu'ils obtiennent aux régionales andalouses. Mais dimanche soir, sur les chaînes de télévision espagnoles, de nombreux analystes parlaient de défaite du PP par rapport à ses ambitions. Le parti de M. Rajoy ne gouvernera pas l'Andalousie, malgré un chômage régional de 31,23%, contre 22,85 % en moyenne en Espagne, malgré aussi les scandales de corruption qui frappent depuis plusieurs semaines les socialistes andalous.

Les résultats après dépouillement de 100% des bulletins de vote octroient au PP 40,66% des suffrages et 50 des 109 députés régionaux, contre 38,45% et 47 élus en 2008. Le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), au pouvoir depuis trois décennies à Séville, la capitale andalouse, recule à 39,52% (48,41% en 2008) et 47 députés (-9). Le repli socialiste est compensé par le bond des écolo-communistes de la Gauche unie (Izquierda Unida, IU). Ils captent 12 députés (+6) et 11,34% des électeurs (7,06% en 2008).

La probable coalition de gauche PSOE + IU détient ainsi une double majorité absolue, en voix et en sièges. Pour la gauche, l'Andalousie est devenue un îlot de résistance à parti duquel les socialistes tenteront d'entamer la reconquête de dizaines de places fortes perdues en Espagne.

Des analystes politiques invités sur le plateau de TVE (télévision publique espagnole) insistaient sur la force du coup de frein subi par le PP en notant qu'il a perdu en Andalousie 415.000 voix par rapport aux récentes élections législatives du 20 novembre 2011, qui mobilisèrent il est vrai 70,68% des électeurs de la région, contre seulement 62,22% hier. Mais le PSOE, lui, limite à 67.000 la diminution de ses électeurs andalous par rapport aux législatives, tandis qu'IU en gagne 78.000. Le pourcentage du PP en Andalousie aux législatives de novembre, 45,57%, était aussi très supérieur au score de 40,66% enregistré hier.

"Première manifestation d'un changement de la tendance électorale" disent les socialistes

Candidat à sa propre succession à la présidence de l'Andalousie, le socialiste José Antonio Griñan estime que l'existence d'"une majorité qui n'a pas voté à droite" encourage la recherche d'une "sortie de crise qui préserve les droits des Andalous". Gestionnaire notamment de la santé et de l'éducation, deux secteurs à gros budget régionalisés en Espagne, M. Griñan tente de résister aux coupes budgétaires exigées du gouvernement de Mariano Rajoy par les institutions européennes.

De façon imagée, Cayo Lara, coordinateur général d'IU, dit avec satisfaction que "La vague bleue [couleur du PP] s'est fracassée à Despeñaperros", le défilé montagneux par lequel on quitte la Castille pour entrer en Andalousie.

Selon Elena Valenciano, vice-secrétaire générale du PSOE, "l'échec" du Parti populaire serait "la première manifestation d'un changement de la tendance électorale, d'un virage" de l'opinion marquant "l'échec du gouvernement de Rajoy en à peine 100 jours, à cause de ses tromperies, de son agression contre les droits des travailleurs, de sa tentative de démanteler l'État social". Soit, sous-entendu, à cause de sa soumission aux mesures antisociales, non compensées par des mesures de relance, dictées par l'UE, par la Banque centrale européenne et par le Fonds monétaire international... Mesures qui coûtèrent l'an dernier le pouvoir au PSOE pour avoir été appliquées par le socialiste José Luis Rodriguez Zapatero, prédécesseur du néolibéral Mariano Rajoy à la présidence du gouvernement espagnol.

Sous le titre "La gauche résiste", l'éditorialiste du quotidien madrilène de centre gauche El Pais estime ce lundi qu'"au lendemain des élections, le Parti populaire demeure la force hégémonique en Espagne et maintient pleinement la responsabilité de gouverner, mais il commence à souffrir sur le plan électoral des effets de la situation qu'il lui revient de gérer".

Une forte hausse d'impôts après avoir promis de ne pas alourdir la fiscalité et une "flexibilisation" du marché du travail facilitant des licenciements rapides à moindre coût sont, parmi d'autres, les mesures d'austérité qui ont contribué le plus à une si prompte érosion de la popularité du PP de Mariano Rajoy. La grève générale convoquée pour le 29 mars et la désillusion des élections andalouses sont des symptômes forts de cette dégradation.

Dévaluer les citoyens en invoquant la crise et un sauvetage de l'euro, avec imposition d'un agenda idéologique déshumanisé, serait-ce une politique menacée de caducité ou d'explosion plus tôt que prévu en Espagne?


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